Sur les élections

Rossia 24 : Je vous remercie, Monsieur le président, de nous accorder cet entretien. Permettez-moi de commencer par le plus important, c’est-à-dire par les élections législatives. Qu’en est-il de leur importance en tant que pas essentiel dans le processus politique ? Et comment évaluez-vous leurs résultats ?

Bachar el-Assad : Naturellement, il s’agit d’un pas important, puisqu’elles sont une partie des réformes que nous avons commencées depuis un an environ. Les centres de vote reflètent l’opinion du peuple. Ces élections sont un message sérieux à tous, aussi bien à l’intérieur du pays qu’ à l’étranger, et dont le sens est que peuple syrien n’a pas peur des menaces des terroristes qui ont essayer de faire échouer les élections et de nous obliger à les annuler. Les résultats indiquent que le peuple syrien continue à soutenir les réformes que nous avons entreprises depuis un an environ, et sa majorité soutient le l’ordre politique établi. C’est tout cela qui explique l’importance de ces élections législatives.

Rossia 24 : Certains opposants, dont Qadri Jamil (chef du Parti de la Volonté populaire, ex-communiste, NdlR), disent que les élections n’ont pas été transparentes, et ils agitent la menace de quitter le parlement. Quelle en est la cause à votre avis ?

Bachar el-Assad : Il est naturel que chaque personne ait son opinion sur la manière d’organiser les élections – le plus probable étant que la loi électorale elle-même ne semble pas leur convenir – mais nous pouvons discuter avec eux à ce propos plus tard.

Rossia 24 : Le CNS a appelé, depuis l’étranger, à boycotter les élections. Qui sont ces gens ? Et est-il loisible de de les considérer comme des opposants ?

Bachar el-Assad : Appeller à boycotter les élections équivaut à appeler à boycotter le peuple. Comment pouvez-vous appeler à boycotter les gens dont vous vous considérez les représentants ? C’est la raison pourquoi je ne crois pas que ces personnes possèdent aucun poids à l’intérieur de la Syrie.

Sur l’ASL, les groupes armés, les mercenaires étrangers

Rossia 24 : Mais ces opposants disposent de l’ASL, dont les membres sont armés, et combattent ici en Syrie. Est ce que certains d’entre eux sont étrangers, ou bien sont-ils tous syriens ?

Bachar el-Assad : Premièrement, ils ne constituent pas une armée, et ne sont pas libres. Les armes et le financement leur sont assurés par l’étranger, par différents pays. Certains d’entre eux sont des extrémistes religieux de la mouvance d’al-Qaïda. Et je ne vise pas ici seulement cette dernière organisation, mais aussi une idéologie ; je dis qu’ils partagent avec al-Qaïda la même idéologie extrémiste et terroriste. Il y a aussi en Syrie des mercenaires étrangers, dont certains ont été arrêtés et dont nous préparons l’exhibition au monde entier, et dont d’autres ont été tués. Nous n’avions pas encore parlé de ces mercenaires, parce que nous ne disposions pas des documents qui prouvent leurs nationalités étrangères. Il était certes facile de l’affirmer à partir de leur aspect extérieur, mais cela ne suffit pas pour annoncer publiquement qu’il s’agit d’étrangers. Quant à ceux qui ont été arrêtés, il s’agit de mercenaires en provenances de différents pays, en particulier arabes.

Rossia 24 : Les renseignements russes disposent d’informations selon lesquelles l’ASL possède des centres d’entrainement au Kosovo, et qu’il y a des négociations relatives à la reconnaissance par les opposants armés de l’indépendance du Kosovo une fois arrivés au pouvoir en contre partie du soutien actuel du Kosovo à ces opposants.

Bachar el-Assad : Je ne sais s’il s’agit d’opposants armés ou d’autres personnes, mais nous possédons des informations selon lesquelles un groupe de l’opposition – ou plutôt ceux qui prétendent faire partie de l’opposition – s’est rendu au Kosovo afin de profiter de l’expertise que ce pays possède dans l’organisation d’une intervention étrangère et notamment la façon de provoquer une intervention de l’OTAN en Syrie. Oui, nous possédons de telles informations et nous sommes sûrs de leur véracité.

Sur l’attitude turque

Rossia 24 : La Turquie a dit qu’elle veut toujours la création d’une zone tampon en Syrie sur les frontières entre les deux pays, sous le contrôle des forces turques et qui contiendraient de tels centres d’entrainement. Mais pourquoi Erdogan croit-il que la chute du régime syrien est proche ? Et quels sont les intérêts de la Turquie à la lumière de ces déclarations ?

Bachar el-Assad : Ils n’y ont aucun intérêt. Selon les informations que nous obtenons d’autres personnalités des milieux politiques influents turcs, avec lesquelles nous entretenons encore des relations solides, les Turcs n’ont pas ces intentions. Certains leaders turcs ont une imagination débordante. Mais la plupart de ceux que nous avons rencontrés pendant la crise connaissent la situation véritable en Syrie, avec ses points aussi bien positifs que négatifs. Ils réalisent parfaitement que tout état de crise dans la région se répercutera de manière directe ou indirecte sur la situation en Turquie elle-même. Le désordre et le terrorisme, voilà ce qui en résultera pour la Turquie et tout autre pays de la région, parce que nous sommes des voisins. Ils comprennent cela parfaitement. Mais je reviens sur ce que j’ai dit au début, à savoir que certains hommes politiques ont beaucoup d’imagination, et se considèrent comme des gens très intelligents. Tu peux être intelligent et posséder les ordinateurs munis des composants électroniques les plus développés, mais si ce système a un mauvais mode d’organisation, il n’est pas sérieux d’en attendre de bons résultats.

Sur l’attitude française

Rossia 24 : En ce qui concerne le rôle de la France, qu’est ce qui va changer dans la politique de cet État, après l’arrivée d’un nouveau président au pouvoir ?

Bachar el-Assad : Je pense que le rôle de tout président doit se résumer à travailler pour le bien et les intérêts de son pays. Et la question est : qu’a gagné la France à travers sa politique durant une année entière envers la Syrie, la Libye ou tout autre pays ? Comme vous le savez, la France a participé à l’agression armée contre la Libye, et est à ce titre responsable de la mort de centaines, ou plutôt de milliers de civils libyens. Dans tous les cas, les désordres et le terrorisme que connaît la région en ce moment ne laisseront pas d’influer négativement sur l’Europe, parce qu’elle est proche de notre région. On peut nous considérer comme les voisins sudistes de l’Europe. J’espère que le nouveau président français va penser aux intérêts de son pays, car je pense qu’il n’est pas dans les intérêts de celui-ci de continuer à attiser le feu du chaos et de la crise au Moyen-Orient et au monde arabe en entier.

Rossia 24 : Et que veulent les Français ? Pourquoi tiennent-ils à un changement du régime en Syrie ?

Bachar el-Assad : La raison en réside peut-être dans la différence de la position de la Syrie d’avec la leur dans beaucoup d’affaires, comme par exemple le dossier du programme nucléaire iranien, ou bien encore la question palestinienne et le mouvement de la résistance. Nous avons une position indépendante sur toutes ces questions.

Sur le trafic d’armes et l’attitude des pays voisins (Liban Jordanie, Turquie) à ce sujet

Rossia 24 : En ce qui concerne la contrebande d’armes en direction de la Syrie, il se dit que leur introduction se fait à travers les frontières avec le Liban, l’Irak et la Jordanie. Les positions de ces pays ont-elles changé, sachant qu’au début de la crise, ils fermaient les yeux sur ces trafics d’armes ?

Bachar el-Assad : Permettez-moi de commencer par le cas du Liban : il est bien connu que les autorités libanaise ont arraisonné ces derniers temps un bateau qui transportait des armes et elles les ont confisquées, la plus grande partie de cette cargaison d’armes – y compris des missiles anti-aériens – provenait de Libye. Selon nos informations, le gouvernement libanais est au courant de ce trafic d’armes, mais en vérité il est très difficile pour quiconque de contrôler parfaitement les frontières de son pays, et le cas de la Syrie est celui de tous les autres. Vous pouvez diminuer la taille de ce trafic d’armes, mais vous ne pouvez hermétiquement fermer les frontières. Jusqu’à maintenant, la plus grande quantité de ces armes provenait du Liban et de la Turquie, mais nous n’avons pas de preuve que les autorités de ces deux pays ont par le passé facilité le trafic d’armes en direction de la Syrie. Ces derniers temps, les autorités libanaise et jordaniennes ont essayé de lutter contre ce phénomène. Je ne veux pas dire par là que la position de ces pays a subi un quelconque changement. Mais les autorités de ces pays voient clairement qu’il ne s’agit nullement d’un printemps (arabe) mais plutôt d’une anarchie (au sens général de désordre, et non en référence à la théorie de Bakounine, ndt.). J’ai déjà dit ailleurs : si vous semez l’anarchie en Syrie, cette dernière ne manquera pas de s’installer chez vous, et ils en sont parfaitement conscients.

Rossia 24 : Donc la Turquie soutient l’opposition ?

Bachar el-Assad : Oui, le soutien politique est bien présent. Il y a certains hommes et certaines institutions politiques qui font celà. Quant aux autres, nous n’avons pas de preuves qui attestent leur soutien à l’opposition. Mais nous sommes conscients qu’ils ferment les yeux sur l’activisme et le trafic des premiers. en faveur de l’opposition.

Rossia 24 : Vous voulez parler de trafic d’armes et d’argent ?

Bachar el-Assad : De toutes sortes de trafic.

Rossia 24 : Il a été dit qu’un grand nombre de Libyens ont été massés le long de la frontière de la Syrie avec la Jordanie, et qu’il était à craindre qu’une frappe par missiles soit menée contre la ville de Deraa ?

Bachar el-Assad : Nous n’avons pas d’informations précises à ce propos. Il s’agit de rumeurs qui grossissent le problème, de même qu’on publie sciemment certaines rumeurs dans le but de terroriser. Mais certaines d’entre elles expriment simplement les vœux impuissants de certains.

Sur les raisons de l’hostilité du Qatar, de l’Arabie et de l’Occident

Rossia 24 : Passons maintenant au Qatar. Il est bien connu que le Qatar veut augmenter son pouvoir dans les marchés européens, et pour ce faire, il disposait de projets pour la construction de gazoducs. Se peut-il qu’il s’agisse là du véritable problème entre le Qatar et la Syrie ?

Bachar el-Assad : Je n’ai aucune idée à propos de ce sujet, nous n’avons jamais discuté avec le Qatar sur le gaz. Et même au temps des bonnes relations entre nos deux pays, nous n’avons jamais discuté ce sujet. La Syrie a toujours proposé son territoire pour acheminer le gaz et le pétrole d’Irak, d’Iran et de Jordanie aux pays de la méditerranée. Ou bien des pays du Golfe vers la Turquie et les pays européens. Le sujet du transport du gaz et du pétrole, nous l’avons discuté aussi bien avec la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Irak et la Jordanie, mais jamais avec le Qatar.

Rossia 24 : Dans le passé, certains parlaient des guerres du pétrole, mais maintenant les mêmes parlent des guerres pour le gaz. Peut-on dire que la Syrie est devenue un théâtre d’un genre nouveau, c’est-à-dire d’une guerre pour les ressources naturelles ?

Bachar el-Assad : Lorsque votre pays occupe une position importante d’un point de vue stratégique, et que vous avez un accès sur la Méditerranée, et que toutes les routes du nord au sud, d’est en ouest, passent par vos terres, dans ces conditions, dis-je, toute guerre provoquée par la course aux ressources vous touchera nécessairement, le sujet n’est pas seulement relatif au gaz, mais il est lié à une autre chose très importante, à savoir notre position et notre rôle dans la région. C’est un rôle historique, dont certains essaient continuellement de minimiser l’importance, afin de réduire le poids de la Syrie aux dimensions de ses strictes frontières. Mais c’est impossible, notre rôle sera toujours plus grand. Les guerres pour le gaz et le pétrole sont possibles, il s’agit de guerres qui ont déjà débuté en Asie Centrale, sur les frontières du sud de la Russie et dans d’autres régions. Mais en Syrie il y a un autre élément à prendre en considération.

Rossia 24 : S’il ne s’agit pas d’une guerre pour le gaz, pourquoi la Syrie, et pourquoi maintenant ?

Bachar el-Assad : Parce qu’ils cherchent toujours des pions à eux, je parle des pays occidentaux. La Syrie ne permettra jamais qu’on fasse d’elle un pion dans une quelconque affaire. Ils ont essayé ça plusieurs fois et actuellement ils continuent le même jeu.

Rossia 24 : Et que veut l’Arabie Saoudite et a-t-elle les mêmes ambitions ?

Bachar el-Assad : Nous n’avons jamais discuté avec eux, ces gens se sont permis de nous conseiller à propos de l’édification de la démocratie en Syrie, c’est une chose par trop comique !

Sur le plan Annan et la situation sécuritaire

Rossia 24 : Nous étions à Homs, avec les éléments de la police, et nous sommes ainsi devenus des témoins oculaires de l’exposition de ces derniers aux attaques terroristes des groupes armées ; est ce que la situation est devenue plus calme, après l’arrivée des observateurs onusiens ?

Bachar el-Assad : Oui, mais d’un seul côté et ce seulement dans l’affrontement direct. C’est-à-dire, nous avons bien changé le positionnement de nos forces, mais le nombre des attaques terroristes a beaucoup augmenté par rapport au début de la crise. Je pense que vous avez en mémoire les derniers attentats terroristes à Damas, où des dizaines de citadins pacifiques sont tombés, sans compter des centaines de blessés. De ce point de vue, la situation ne s’est nullement améliorée.

Rossia 24 : Mais de quel côté la situation s’améliore-t-elle ?

Bachar el-Assad : Le plus horrible à mon avis, c’est l’assassinat des citoyens paisibles et pacifiques. Maintenant, ils commencent à tuer un plus grand nombre de civils, des instituteurs, des professeurs et des chefs de tribus ; ceux-là n’ont aucun rapport avec la chose politique. De même, ils essaient de propager un climat d’anarchie. Le plan de Kofi Annan ne se résume pas seulement à arrêter cette violence, mais encore à aider les gens à revenir à leurs foyers, foyers que les terroristes les ont obligés à quitter. De même, il revient à ce plan de mettre fin au trafic d’armes et au financement des terroristes. Ainsi que de faire pression sur d’autres pays et de leur demander des comptes sur leurs déclarations irresponsables à propos la situation tendue en Syrie. Le plan Annan ne devrait pas se limiter seulement à ce terrorisme destructeur et aux affrontements quotidiens qu’il occasionne, mais aussi à son financement et à ses soutiens.

Rossia 24 : Est-ce que le travail des observateurs a produit quelque résultat ?

Bachar el-Assad : Ils parlent de violence, mais seulement du côté du gouvernement. Et ne prononcent pas un seul mot à propos des terroristes. Nous attendons la visite de Monsieur Annan ce mois, et le questionnerons à ce propos.

Rossia 24 : L’union européenne a adopté de nouvelles sanctions économiques contre la Syrie. Qui en souffre ? les gens modestes ou bien les responsables de l’administration ?

Bachar el-Assad : Ce sont les gens modestes qui en souffrent, et non le gouvernement. Naturellement, ces sanctions ont eu un impact sur l’économie du pays, et la Syrie a dû affronter énormément de difficultés. Mais lorsqu’ils parlent de l’application de ces sanctions à la Syrie, ils veulent parler de celles adoptées par les pays occidentaux. Nous avons d’excellentes relations avec la plupart des pays du monde, à l’exception de l’Occident, c’est la raison pourquoi il est en notre pouvoir de trouver des solutions de rechange. Le monde n’est pas réduit aux États-Unis et à l’Europe. Nous avons trouvé des solutions alternatives qui nous ont permis de surmonter ces difficultés. Nous sommes capables de soutenir nos petites et moyennes entreprises, pivot de notre économie. Du reste, il est difficile d’imaginer que ces sanctions puissent avoir un impact négatif sur l’agriculture.

Sur sa gestion de la crise

Rossia 24 : Avez-vous commis des fautes durant l’année dernière ? Et si vous aviez l’occasion de modifier quelque chose, que voudriez-vous changer ?

Bachar el-Assad : Nous commettons tous des erreurs, parce que nous sommes tous des êtres humains. Et plus nous travaillons, plus le nombre de nos erreurs augmente. Mais il y a une différence entre commettre une faute et échouer. Lorsque vous travaillez dans le secteur social, vous êtes confronté aux affaires de millions de gens et aux problèmes de la vie sociale. Il est impossible que vos décisions s’accordent avec les intérêts de tous, et quelques fois vous êtes obligés de changer vos décisions. Pour revenir à la discussion à propos des fautes que l’on a pu commettre, je dis qu’il est impossible de les chercher pendant la crise. Vous ne pouvez pas rester objectif si vous faites abstraction du fait de savoir si c’est vous qui parlez de vous-même, ou bien si ce sont d’autres qui parlent de vous. Naturellement, lorsque vous parlez de vous-même, vous n’êtes jamais objectif. Deuxièmement, plus tard, l’opinion publique vous aidera à trouver vos fautes dans les cas où vous n’aviez pas la raison de votre côté. Et il vous sera possible d’examiner le chemin que vous avez suivi. Mais maintenant notre crise est à son apogée. Nous nous sommes pas encore débarrassés de cette situation. C’est pour cela, que nous parlerons des fautes plus tard.

Rossia 24 : Croyez-vous qu’un tel soutien au parti Baath au sein du parlement (allusion aux résultats ds élections législatives, NdlR) signifie que vous avez commis peu d’erreurs ?

Bachar el-Assad : C’est la proportion la plus grande depuis la création du parlement en 1973. Et nous avons obtenu cette victoire sans aucun soutien constitutionnel. Cela montre notre popularité réelle en Syrie. Nous gouvernons depuis 50 ans. Le Baath n’est pas un parti nouveau : il a été fondé en 1947. Et il est naturel que nous soyons encore forts. Et le fond de ceci ne se résume pas à je ne sais quelles fautes.

Rossia 24 : La Syrie a perdu sur un seul plan. le ministre de l’information a reconnu devant nous que la Syrie a perdu la guerre médiatique. Pourquoi ceci est-il arrivé et quelle sera votre action à ce propos ?

Bachar el-Assad : Nous ne pouvions pas vaincre dans cette guerre. Le plus important, à nos yeux, est la victoire dans la vie réelle, les médias peuvent fabriquer des images imaginaires, mais ces images s’évanouissent dans un laps de temps très court. Seule la réalité demeure après ces images. Ils nous ont vaincu au début de la crise, lorsqu’ils ont fabriqué des fables et diffusé des mensonges. Mais, avec le temps, tout a changé, parce que la réalité diffère de ce que racontent ces médias- là. Les médias ne peuvent pas changer la réalité, si nous nous plaçons du point de vue du long terme, et, nous, nous comptons justement sur la réalité du terrain. D’un autre côté, nous avons essayé de faire part de notre point de vue à des journalistes de différents pays, mais nous n’y avons pas toujours réussi, parce qu’ils boycottent la Syrie et y envoient des journalistes qui racontent les mêmes mensonges, et ce de façon certaine. Ainsi étaient les choses au début de la crise. Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Mais je voudrai faire observer une fois encore que nous devons nous concentrer sur la réalité du terrain, et non sur ce que diffusent les médias.

Rossia 24 : Vous n’êtes pas touché – en tant qu’être humain ordinaire – par ces mensonges diffusés partout, je veux parler de vous même et de Madame votre épouse ?

Bachar el-Assad : Tout cela était mensonges, fausses suppositions et accusations fausses. On peut l’appeler de n’importe quel nom. Ce sont des bulles de savon dont la vie est courte. Si vous vivez dans le monde réel, vous ne faites pas attention à cela, leur but est d’occuper votre attention à l’aide de ces accusations ; et si vous n’y répondez pas, vous gagnez doublement : au lieu de vous causer des soucis, ils s’en créent à eux-mêmes et à leurs amis ; et avec le temps, il en arrivent à croire à leurs propres mensonges et à leur vision faussée de la réalité, de sorte qu’ils en arrivent à prendre leurs décisions futures à partir de mensonges. Je vous rappelle que ne nous voulons pas démentir ces accusations, mais que nous gardons le silence. Beaucoup nous demandent : pourquoi nous ne répondez-vous pas à ces accusations ? Pourquoi ne dites-vous pas qu’il s’agit de mensonges ? Mais nous, nous disons : c’est une excellente chose, laissez-les réfléchir ainsi, un de ces jours, les gens sauront qu’il s’agissait de mensonges. Mais maintenant, profitons de notre position actuelle. Personnellement, je n’accorde aucune attention à ce qu’ils disent, mais je parle à l’occasion de la façon dont on pourrait tirer profit de ces accusations politiques.

Sur les réformes

Rossia 24 : Quelles sont et votre vision de l’avenir de la Syrie, et la nature des prochaines étapes ?

Bachar el-Assad : Nous aurons un parlement nouveau, et nous planifions aussi le lancement d’un dialogue direct avec les différents partis et leaders politiques en Syrie. Nous poursuivons les réformes, dans le cadre du dialogue national ; nous y discuterons tous les articles de lois adoptés lors de la crise, peut-être même que nous y discuterons de la constitution elle-même. Tels sont nos plans. Et le plus important est le gouvernement sous l’égide duquel se déroulera le dialogue entre les différents courants politiques.

Rossia 24 : Le Ministre des affaires étrangères russes aussi a déclaré à maintes reprises que les réformes en Syrie sont trop lentes, qu’est-ce qui explique cette difficulté excessive ?

Bachar el-Assad : Votre ministre des affaires étrangères, ne m’a pas dit ces paroles-là, mais lorsque nous discutons de ce qui est venu trop tôt, à point, ou à temps, il nous faut décider quel est le temps exact. Maintenant, le problème du terrorisme est l’un des plus importants en Syrie. Certains imaginent que si nous avions entrepris les réformes plutôt, la situation aurait été meilleure que maintenant. Mais ceci n’est pas vrai, pour cette unique raison que les terroristes ne s’intéressent pas aux réformes, mais seulement au terrorisme. Votre pays a également été victime d’actes terroristes, dont le but aussi n’était pas précisément les réformes… Tôt, tard, ou à temps, cela ne change rien, et ne relève pas d’une vision objective. Qui fixe les limites ? Beaucoup de Syriens considèrent que ces réformes sont précoces. Nous avons rédigé une nouvelle constitution, et nous l’avons adoptée en seulement quatre mois ; c’est une période trop courte pour réviser toutes les lois et les discuter. En général, cette opération exige une durée entre six mois et une année entière. L’essentiel est de distinguer ce qui relève du terrorisme, et ce qui relève de la vie politique normale du pays. Aucune ligne politique ne nous débarrassera du phénomène terrorisme. C’est pourquoi, nous ne sommes tenus à aucun rendez-vous ; il y a des terroristes, et il faut les combattre.

Rossia 24 : Que pensez-vous du soutien que la Russie et la Chine témoignent ?

Bachar el-Assad : Ils ne me soutiennent pas en tant que président. Ils ne soutiennent pas davantage l’ordre établi en Syrie. Et je n’aime pas cette expression, parce que nous sommes un État constitutionnel. En fait ces deux pays soutiennent plutôt la stabilité de notre région. Ils sont parfaitement conscients du rôle géostratégique de la Syrie. Sans leur soutien, la région tombera dans l’anarchie, qui ne manquera pas de se répandre à d’autres régions après la Syrie. Par conséquent, la Syrie n’est pas la seule impliquée, mais il s’agit bel et bien de la stabilité mondiale. Je vous remercie infiniment.

Traduction de Bwane pour InfoSyrie.fr.