La tendance générale

L’hypocrisie politique : Washington avoue qu’Al-Qaïda est active en Syrie
par Ghaleb Kandil

L’aveu du secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, au sujet de l’existence d’Al-Qaïda en Syrie et que les derniers attentats de Damas, qui ont fait 55 morts et 380 blessés, portent l’empreinte de l’organisation terroriste, comporte une grosse dose d’hypocrisie politique. Il ne s’agit pas, en effet, de la première fois que les responsables politiques et militaires Américains font de telles déclarations. La secrétaire d’Etat, Mme Hillary Clinton, l’a déjà répété à plusieurs reprises, sans que Washington ne modifie d’un iota son attitude à l’égard de la crise syrienne. Au contraire, les Américains sont déterminés à renforcer les pressions sur l’Etat et le peuple syriens, qui résistent au terrorisme takfiriste, lequel jouit d’un soutien international et régional de la part d’une alliance conduite par les Etats-Unis.

Léon Panetta affirme que les groupes d’Al-Qaïda tirent profit du chaos qui sévit dans certaines syriennes. Mais ce chaos est le résultat de la présence de groupes armés couvés par les services de renseignements américains et occidentaux, et disposant de bases militaires installées sur le territoire turc avec la bénédiction d’Ankara. Pour leur part, l’Arabie saoudite et le Qatar reconnaissent publiquement qu’ils financent et arment ces groupes depuis le début de 2011. Si le désordre et le chaos règnent dans certaines régions syriennes, la faute en revient, donc, à ces pays.

Personne au monde ne peut accepter l’idée que l’Arabie saoudite, le gouvernement de l’illusion ottomane, et encore moins le Qatar, oseraient exprimer des positions ou prendre des décisions qui déplairaient aux États-Unis ou qui ne seraient pas le fruit d’une étroite coordination avec Washington. Cette alliance a établi une chambre d’opération commune, animée par les services de renseignements américains et français, dans la base de l’Otan d’Incerlik, en Turquie, pour diriger les groupes terroristes en Syrie.

De même que personne au monde ne croirait la tentative américaine de nier tout parrainage des vastes opérations de trafic d’armes au profit des groupes extrémistes qui exécutent des attentats suicides, qui font des centaines de morts et de blessés dans les rangs des civils innocents. Aucun des amis de Washington n’oserait déplacer d’un côté à l’autre de la Méditerranée des centaines de tonnes d’armes sophistiquées, qui passent au large des côtes israéliennes sans être inquiétées. C’est le cas, notamment, du cargo Lutfallah II, arraisonné par l’Armée libanaise avec 60 tonnes d’armes, qui devaient être introduites en Syrie via le Liban, avec la complicité du 14-Mars, dirigé par Jeffrey Feltman et Bandar Ben Sultan.

L’État syrien fait état, depuis le début des événements, de l’existence de groupes terroristes, d’une forte activité de groupes takfiristes et du rassemblement en Syrie de cellules d’Al-Qaïda. Des rassemblements similaires ont été observés dans des régions frontalières proches de la Syrie, au Liban, en Jordanie et en Turquie. L’américain hypocrite niait ces informations.

Pourtant, la logique politique voudrait que la communauté internationale, qui prétend combattre le terrorisme depuis des années, apporte son soutien à l’État syrien qui combat ce même terrorisme. Mais la réalité est les États-Unis et leurs alliés craignent la résurgence de la force de la Syrie après sa victoire sur le complot dont elle est victime, ce qui aurait des répercussions décisives sur les rapports de force internationaux et favoriserait l’émergence de nouvelles équations. Le plan de Kofi Annan constitue l’arène du conflit entre le précédent enregistré au Conseil de sécurité avec le double véto sino-russe, et la détermination américaine à entraver la naissance d’un nouvel ordre mondial.

La tendance au Liban

Les salafistes tentent de prendre le contrôle de la ville de Tripoli

Des groupes salafistes takfiristes ont tenté de prendre le contrôle de Tripoli, la deuxième ville du Liban, en déployant des centaines de miliciens armés jusqu’aux dents, qui ont combattu l’Armée libanaise et attaqué le quartier alaouite de Jabal Mohsen. De violents combats aux armes automatiques et aux roquettes antichars ont secoué plusieurs quartiers de la ville, complètement paralysée ce week-end.

Les groupes extrémistes ont pris pour prétexte l’arrestation, par la Sûreté générale, d’un militant salafiste, Chadi Mawlaoui, soupçonné de "contacts avec un groupe terroriste".

Au moins quatre personnes, dont un militaire abattu par un franc-tireur, ont été tuées, et 25 autres blessés, des civils pour la plupart.

Tout a commencé samedi soir, lorsque des dizaines d’hommes armés sont descendus dans les rues, tirant en l’air et semant la terreur dans la ville. Des groupes ont également bloqué toutes les entrées de Tripoli à l’aide de pneus brûlés, isolant la ville du reste du pays.

Dimanche, l’Armée libanaise a bloqué l’autoroute internationale de Zahiriya, alors que des unités des forces spéciales se sont déployées en force dans différents quartiers de la ville.

Des échange de tirs nourris entre les manifestants islamistes et l’armée se sont produits lorsque ces jeunes ont tenté de s’approcher d’un bureau du Parti syrien national social (PSNS), une formation laïque libanaise.

Les groupes salafistes se sont enhardis grâce à la couverture politique assureé par de nombreux députés du Courant du futur de Saad Hariri. Les autres composantes du 14-Mars et les notables de Tripoli adoptent des positions ambigües, qui encouragent les extrémistes à s’en prendre à l’armée. Le président de la République a convoqué le Conseil supérieur de la défense à une réunion pour prendre des mesures susceptibles de ramener l’ordre et la sécurité dans cette ville.

L’armée y a envoyé des renforts en hommes et en matériels.

Déclarations et prises de positions

 Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah

« Le but de la guerre de juillet 2006 était non seulement de détruire la Résistance, mais aussi de punir sauvagement le terreau dans lequel elle évolue pour montrer à ses partisans que le prix de l’appui à la Résistance est très lourd. C’est ainsi qu’il faut comprendre les destructions systématiques des quartiers et des villages. Le projet Waad est non seulement une réalisation urbaine, mais aussi la victoire de la reconstruction sur la destruction, et celle de la volonté de vivre dans la dignité chez soi. En 2006, la Résistance était peut-être capable de bombarder Tel-Aviv, et ne l’a pas fait pour préserver Beyrouth. Elle est maintenant capable de frapper des cibles précises non seulement à Tel-Aviv, mais sur l’ensemble du territoire israélien. L’époque où nous avions peur alors qu’ils vivaient dans la sécurité est révolue (...) Ce sont les mêmes mains et le même cerveau qui agissaient en Irak qui sévissent désormais en Syrie. Nous sommes de plus en plus convaincus que certains veulent détruire la Syrie qui appuie la Résistance pour se venger du peuple, tous deux ayant mis en échec le projet de Bush. Les Syriens sont devant deux modèles : soit adhérer au processus politique et procéder au dialogue, soit livrer leur pays à la terreur et au sang comme ce fut le cas en Irak (...) Au Liban, les élections législatives sont suffisamment importante pour mériter un dialogue sérieux et pour que les parties libanaises prennent le temps de s’écouter les unes les autres. Il ne faut fermer la porte à aucune option. Le Hezbollah et Amal auront le même poids quelle que soit la formule retenue. Mais avec nos alliés, nous préférons le scrutin proportionnel avec de grandes circonscriptions pour assurer une meilleure représentation populaire. Le Courant du futur rejette cette formule parce qu’il refuse de perdre le monopole de la représentation sunnite. Pourtant, en 2009, malgré 1,2 milliard de dollars versés et une campagne féroce menée contre l’opposition sunnite, celle-ci a obtenu 35% des suffrages sunnites (...) Si les événements du 7 mai 2008 sont évoqués régulièrement, c’est parce que l’autre camp n’a rien à proposer à ses partisans et n’a pas de projet. Il a donc recours à la mobilisation confessionnelle. Mais il faut en définitive préserver notre pays face à la tempête qui souffle autour de nous. Si le Hezbollah ne répond pas aux attaques dont il fait l’objet, ce n’est certainement pas parce qu’il est faible ou parce qu’il a peur. Voulez-vous entrer avec nous dans une guerre psychologique et d’incitation confessionnelle ? Nous savons parfaitement que ce qui s’est passé le 7 mai avait ses causes et ses considérations locales et autres. »

 Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie

« La Russie œuvre pour le renforcement de la sécurité dans le monde. Nous avons le droit moral de défendre nos positions, parce que notre pays a repoussé l’attaque du nazisme, il a passé de dures épreuves et a déterminé le résultat de la guerre. Il faut se souvenir des raisons de la Seconde guerre mondiale et à en tirer les leçons qui sont toujours d’actualité. »

 Marwan Hamadé, député druze pro-occidental

« À un an du scrutin législatif, il est impératif de former un gouvernement neutre qui superviserait l’élaboration d’une loi électorale et l’organisation des élections, en présence d’observateurs et après avoir obtenu la neutralité des armes du Hezbollah, qui sont plus dirigés vers l’intérieur que vers Israël. La chute du régime, évoquée par Saad Hariri, signifie la chute de l’hégémonie des armes sur les institutions de l’Etat et non pas le partage du Liban. Les centristes vont s’éloigner de plus en plus de l’extrémisme représenté par le Hezbollah et le Courant patriotique libre. Cet extrémisme ne ressemble pas au Liban et n’augure rien de bon pour son avenir. »

 Andrea Tenente, porte-parole de la Finul

« Les deux tentatives de faire passer des armes illégalement par voie de mer constituent des violations de la résolution 1701 du Conseil de sécurité. Le rôle de la force navale de la Finul est de contacter les navires qui passent dans les eaux territoriales libanaises et de s’enquérir de leur cargaison. Mais lorsqu’il y a un doute sur la marchandise transportée par un bateau, la responsabilité de l’arraisonnement et de l’enquête appartient à l’Armée libanaise. Ce sont les prérogatives du gouvernement libanais. »

Revue de presse

  As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 11 mai 2012)
Sateh Noureddine

L’horrible massacre de Damas constitue un tournant décisif dans la crise syrienne. Cette date charnière marque l’ébauche d’une étape de liquidation générale qui emporte tout le monde sur son passage, et qui est souvent conduite par une tierce partie qui souhaite se mettre en avant, sur la ligne de front, et par la suite occuper une place de choix autour de la table de négociations. Les attentats odieux qui ont frappé la capitale syrienne sont sans précédent. Ces actes ne sauraient être attribués ni à l’opposition ni au régime. Un danger pressant menace les uns et les autres sans exception. Car ce double attentat porte les empreintes d’une partie qui essaie de prendre la main en ôtant tout pouvoir d’initiative à la rébellion et au régime. Tous les soupçons pèsent sur Al-Qaïda elle-même, plutôt que sur un réseau ou une cellule proche de cette organisation : la décision est venue d’Afghanistan ou du Pakistan, contrairement à ce qu’il en fut pour les attentats précédents, probablement exécutés par des organisations islamistes locales syriennes qui souhaitaient peut-être remettre leurs lettres de créance au commandement suprême afghan. La tuerie de Damas est tellement grave qu’elle ne saurait être située dans le cadre du conflit entre un régime et une opposition, qui ont encore perdu de leur crédibilité et de leur légitimité.

  As Safir (11 mai 2012)
Imad Marmal

Le moment n’est pas encore venu d’abandonner les impératifs qui ont protégé le gouvernement jusqu’à présent. Cela signifie que l’instabilité « contrôlée » au niveau gouvernemental va se poursuivre, sans que le cabinet ne sombre dans le gouffre, en attendant Les changements régionaux. Le Hezbollah, qui est sans doute la partie la plus mécontente de l’action du gouvernement, est en même temps la plus disciplinée. Pour lui, la priorité, dans cette période transitoire, est de préserver le statu quo. C’est ainsi qu’il contient Walid Joumblatt, bien qu’il soit allé très loin dans ces choix opposés, il comprend la colère de Michel Aoun, bien qu’elle a parfois des répercussions politiques, respecte la particularité du président Michel Sleiman, malgré les reproches qu’il peut avoir sur son attitude, et ménage Najib Mikati, en dépit de la crise de confiance entre eux. Pourtant, le Hezbollah a beaucoup de choses à dire, en observant le pourrissement de la situation. A ceux qui l’accusent de former un État dans l’État, un responsable du parti a répondu : « Notre expérience au pouvoir nous pousse à nous demander s’il existe vraiment un Etat pour que nous nous substituions à lui ».

  As Safir (10 mai 2012)
Marlène Khalifé

Le retour du socialisme au pouvoir après 24 ans d’absence, soulève de nombreuses interrogations quant à la politique de la France vis-à-vis du Liban. La réponse rapide est la suivante : constance au niveau des positions de la France quant aux questions arabes et respect de la spécificité des relations avec le Liban, toujours sous la houlette américaine.

La presse française prévoit que l’ancien Premier ministre Laurent Fabius sera en charge du portefeuille des Affaires étrangères. Ce dernier durant sa dernière visite au Liban, dans le cadre de la campagne présidentielle française, avait souligné que François Hollande, si élu président, respectera l’engagement de la France quant à la Finul et n’acceptera pas le comportement du régime d’Assad, en particulier les massacres perpétrés en Syrie par le régime. Il a également fait état de la compréhension des socialistes français de la politique de dissociation adoptée par le Liban vis-à-vis de la crise syrienne.

La Directrice de la Faculté des Sciences Politiques à l’USJ, Fadia Kiwan, a considéré pour sa part que le seul changement dans la politique étrangère de la France au Liban, se manifestera au niveau des relations de l’Hexagone avec les différentes composantes de la scène libanaise. Sous le mandat de Jacques Chirac, ces relations étaient réduites au lien qui existait entre le Président Chirac et Rafic Hariri. Sarkozy a pu élargir ces relations à toutes les forces du 14-Mars. A présent, une tiédeur pourrait s’installer au niveau des relations entre le gouvernement français et les différentes formations libanaises. Le gouvernement français ne pourrait plus assumer les prises de positions farouches contre un camp en faveur de l’autre. Dans ce contexte, les socialistes portent un intérêt particulier à la logique de la Résistance. Ils pourraient jouer le rôle de médiateur ou de pont avec le Hezbollah, sachant qu’ils sont aussi avec Israël. Elle ajoute qu’au Moyen-Orient, la relation avec Israël, l’amitié avec les pays arabes et la création d’un État palestinien sont parmi les constantes des socialistes. Sur la question syrienne, Kiwan considère que durant les premiers mois du mandat de Hollande, voire jusqu’à la tenue des élections présidentielles aux États-Unis, la France n’affichera pas une position ferme vis-à-vis de la question syrienne. Il y aura une période d’attentisme. Mais plus tard, la France jouera un rôle plus modéré que son rôle d’aujourd’hui.

  As Safir (10 mai 2012)
Nabil Haitham

Un cadre du Courant du futur explique que Saad Hariri n’a pas appelé, à travers son slogan « le peuple veut la chute du régime », à renverser Taëf, il faisait allusion à la tutelle des armes. Les détracteurs de Hariri, quant à eux, n’ont vu aucun lien entre le slogan et les élections. Un ténor de la majorité considère que Hariri ne peut pas s’aligner sur les révolutions arabes en leur empruntant leur slogan, d’autant plus que lui et son camp avaient présenté la « Révolution du Cèdre », comme étant le modèle suivi par les peuples arabes. En lançant ce slogan, Hariri a tenté de dissimuler le recul politique et populaire du Courant du futur, en raison de la montée des courants salafistes dans ses bastions et le recul de ses prestations dans tous les domaines. Il poursuit que Hariri n’a pas les éléments et les mécanismes nécessaires pour réaliser cet objectif sur le terrain et que son slogan n’a aucun lien avec les législatives. Si son objectif est de suivre l’exemple des révolutions arabes, il faut noter que le slogan « le peuple veut la chute du régime » n’a pas produit des régimes démocratiques dans certains pays, mais plutôt le chaos et le régime des Frères Musulmans. « Saad Hariri a peut-être voulu lubrifié le moteur de son courant mais au contraire il a fait une faveur à la majorité, en se mettant sur la défensive", indique la source.

  An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars, 11 mai 2012)
Ismaïl Sabraoui

Deux mois après la fin des agressions israéliennes contre le Liban, en 2006, le président français François Hollande a visité la ville de Tyr au Sud, où il a rencontré le président du Conseil municipal, Abdel Mohsen Husseini. La visite est intervenue à l’issue de la Conférence de l’Internationale socialiste à Paris, à laquelle a participé le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. Ce dernier a entendu Hollande exprimer son admiration vis-à-vis des positions courageuses de Husseini durant la guerre de juillet, et de la ténacité des habitants de Tyr. Il a également exprimé à Joumblatt son souhait de visiter la ville. Le chef du PSP a transmis le message au président du Parlement, Nabih Berry. La visite a eu lieu. Un accueil chaleureux a été réservé à Hollande et à la délégation qui l’accompagnait. Lors de sa visite, le dirigeant socialiste avait souligné que la France soutient le Liban, ses droits et sa souveraineté.

Évoquant la visite de 2006, Husseini a considéré que même si le président français change de position, il continuera à le "regarder à travers l’image qu’on a gardée de lui depuis sa visite au Sud. Il est au cœur de notre cause. Nous espérons qu’il représentera la modération politique et qu’il soutiendra les peuples opprimés."

  An Nahar (11 mai 2012)
Sarkis Naoum

Un haut responsable américain qui s’occupe du dossier iranien au sein de l’administration présente l’analyse suivante : « L’Iran doit d’abord décider d’entamer un dialogue et l’objectif de ce dialogue ne doit pas nécessairement être de mettre sur pied un axe au détriment d’un autre axe. Les pays du Golfe persique sont tous importants. Dans le passé, l’argent du Golfe étaient investis à l’étranger. Aujourd’hui, il reste à l’intérieur. Avec la présence de bases américaine, d’une forte activité internationale et régionale, imaginez ce qui pourrait se passer si la relation avec l’Iran se normalisait. On assisterait à un véritable boom économique. L’Irak reste le principal centre d’intérêt de l’Iran et elle y restera attachée jusqu’au bout. Mais nous estimons que la Syrie est aussi extrêmement importante pour l’Iran, et elle la défendra jusqu’à la dernière minute avec tout ce qu’elle possède.

Un responsable qui s’occupe du dossier turc au sein de l’administration explique : « La Turquie est un pays fort et prospère et possède une économie solide. Le pouvoir a étendu son contrôle sur l’armée mais reste en même temps démocratique. Nous traitons avec elle en partant de ce constat, même si parfois nous sommes inquiets des arrestations opérées par les autorités ӑ l’encontre de personnalités laïques. Un député turc à qui je qualifiais le pouvoir de néo-ottoman m’a répondu : ce sont des Ottomans. Parfois, ils sont bercés par le rêve de jouer le rôle de père dans la région. Mais ils doivent bien définir leurs priorités, car il y a des limites à leur action. Ils ne le réalisaient pas, alors ils les ont dépassés et se sont heurtés à un mur. Ils veulent avoir un rôle dans tout : de bonnes relations avec Israël et les Palestiniens ; un rôle dans la protection des sunnites arabes en Syrie ; un rôle dans la confrontation avec l’Iran aux côtés de l’Otan, de l’Amérique et de l’Europe. Cela dépasse leurs moyens. Et je crois qu’ils ont commis une erreur en n’entreprenant pas un dialogue sérieux avec la Russie. La Turquie a reculé dans la question syrienne. Elle a fait beaucoup de promesses, poussant l’opposition à placer haut la barre de ses revendications. Mais elle n’a pas pu tenir ses promesses. Elle a laissé miroiter aux révolutionnaires syriens la possibilité d’une action militaire, puis s’est rétractée.

  Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 11 mai 2012)

De hautes sources de sécurité ont révélé que les investigations autour de la tentative d’assassinat du chef des Forces libanaises, Samir Gaegea, sont reparties à zéro. D’autres sources concernées par l’enquête révèlent que certains « indices et preuves » sur lesquels les enquêteurs avaient bâti des espoirs pour faire avancer les investigations, sont apparus sans valeur. Les enquêteurs ont indiqué que les estimations préliminaires de leurs collègues sur l’endroit d’où les balles auraient été tirées en direction de la résidence de M. Geagea étaient erronées. Les nouvelles estimations ont abouti que les balles ont été tirées d’une colline surplombant la forteresse de Geagea, sans être en mesures de définir avec précision l’endroit où étaient postés le ou les tireurs.

Les mêmes sources ajoutent que le grand morceau de toile retrouvé à un endroit surplombant la résidence a été utilisé dans des activités civiles organisées dans la région. De même que la bouteille d’eau, retrouvée par les forces de l’ordre. Des sources concernées par les investigations indiquent que les enquêteurs ont procédé à un relevé minutieux de l’endroit suspecté, à la recherche de traces d’ADN humain. Mais le résultat était négatif. Même chose pour les traces de poudre, qui n’ont pas été trouvées. Cela prouve que les balles n’ont pas été tirées de l’endroit suspecté, situé en face de Maarab.

Des sources de l’enquête attribuent l’absence de preuves et d’indices aux pluies qui s’étaient abattues sur la région. Mais d’autres sources affirment que la recherche de traces d’ADN a eu lieu avant qu’il ne pleuve.

  Al Akhbar (10 mai 2012)

Les services de sécurité tentent d’identifier un Libanais qui a joué un rôle de premier plan dans la transaction pour l’achat des armes en Libye -découverte dans trois conteneurs sur le Lutfallah II-, leur stockage puis leur transport vers la Syrie, où elles devaient être remises aux groupes armés de l’opposition. Le secrétaire général du Conseil supérieur libanais-syrien, M. Nasri Khoury, a demandé à être informé des résultats de l’enquête, au moins la partie impliquant des citoyens syriens. L’ambassadeur de Syrie à Beyrouth, M. Ali Abdel Karim Ali, a transmis aux autorités libanaises une requête similaire. Damas a ainsi reçu un rapport préliminaire sur les résultats de l’enquête concernant certaines informations sur le propriétaire du cargo, son trajet et ceux qui ont financé la transaction. Le rapport comporte aussi des détails sur la cargaison et le type d’armement. Il s’agit d’armes modernes et d’une énorme quantité de munitions. Le plus important étaient des missiles sol-air de type Sam 7, des missiles antichars, et des obus de canons de gros calibre, ainsi que des centaines de milliers de balles et de cartouches de différents calibres. Il y avait aussi des lance-roquettes à tubes multiples de fabrication française, semblables à ceux utilisés par les rebelles syriens contre les forces du colonel Mouammar Kadhafi. Il s’agit d’engins conçus pour être installés sur des hélicoptères, mais que les insurgés libyens ont monté sur des pick-up, les transformant de missiles air-sol en missiles sol-sol.

  Al Akhbar (10 mai 2012)
Jean Aziz

Aucun responsable syrien n’hésite à relever les coïncidences de cette semaine : Paris chasse la dernière version caricaturale du mini-Napoléon, alors que Moscou rouvre son palais à son grand Tsar. La coïncidence pourrait ne pas avoir de signification concrète, mais même au moment des grandes crises, ou peut-être surtout pendant ces temps-là, il existe toujours une petite marge pour la vengeance personnelle : un ennemi est tombé, et un allié a triomphé. Au sujet du plan Annan, les responsables syriens font les pronostics suivants : dans quelques jours, l’émissaire international constatera que le premier volet de sa mission touche à sa fin. C’est le volet relatif à la cessation des violences. Bien évidemment, ceci ne voudra pas dire qu’on n’entendra plus un seul coup de feu en Syrie, mais que les violences ont régressé à un point qui permet désormais de passer à la seconde étape de cette mission : le dialogue entre les parties au conflit. Mais c’est là où des obstacles risquent de se présenter.

Selon un responsable syrien, tout indique qu’une nouvelle étape jalonnée de violences pourrait s’ouvrir dans le pays : ce sera selon lui la troisième phase du conflit, après l’échec des manifestations populaires et de la confrontation militaire –la phase des attentats terroristes, des cellules dormantes d’Al-Qaïda.

  Al Akhbar (8 Mai 2012)
Nasser Charara

Une personnalité arabe est arrivée, il y a quelques jours, à l’aéroport de Damas et a demandé un rendez-vous au commandement syrien pour lui remettre un message du Qatar intitulé : « Initiative qatarie pour régler la crise syrienne ». Mais Damas a fait porter à son tour au médiateur arabe une réponse succincte en un seul mot : rejetée.

Des sources syriennes précisent que la position de la Syrie à l’égard du Qatar n’habilite pas ce pays à jouer le rôle de médiateur dans la crise. Damas exige de Doha une annonce sincère de l’abandon de sa politique visant à armer l’opposition syrienne et à s’aligner sur des agendas étrangers dans le but de déstabiliser le pays. En dehors de ces exigences, Damas « n’a pas le temps d’écouter de quelconques propos qataris ».

Le dernier contact entre Doha et Damas a eu lieu lors de la fête de l’Adha, lorsque l’émir du Qatar, Hamad Al Thani, a contacté le président Bachar al-Assad pour lui présenter ses vœux. Hamad espérait que la conversation dévierait vers la crise en Syrie. Mais le président Assad ne lui en n’a pas donné l’occasion, recadrant la discussion dans le sens des vœux. L’émir s’était plaint à l’époque auprès d’un chef d’État arabe ami des Syriens qu’Assad ne lui avait pas donné la chance de parler d’autre chose.

Il y a quelques jours, le Qatar a tenté une nouvelle fois sa chance. L’initiative proposée comporte plusieurs points. D’abord, une réconciliation entre les deux pays et l’ouverture d’une nouvelle page dans les relations bilatérales basée sur la coopération. Ensuite, Doha entreprend de proposer une feuille de route pour une solution basée sur la nomination en Syrie d’un Premier ministre sunnite des Frères musulmans. L’émirat organise après cela à Doha une réunion de l’opposition syrienne, au cours de laquelle elle exerce des pressions pour convaincre les opposants d’entamer un dialogue avec le régime syrien. L’initiative comporte d’autres points, notamment certaines garanties présentées par le régime à l’opposition, afin de l’aider à créer un climat propice pour abandonner la lutte armée et commencer un dialogue avec les autorités.

Les sources syriennes estiment qu’à travers cette nouvelle initiative, le Qatar sonde, pour le compte d’autres États, les dispositions du régime syrien à accepter un « Taëf syrien », à l’instar de la conférence de Taëf, organisée dans les années 90 du siècle dernier en Arabie saoudite pour mettre un terme à la guerre civile libanaise.

Mais une initiative similaire avait été proposée au régime syrien par le biais de pays arabes, de la Russie et de puissances occidentales. Mais il l’avait également rejeté. La solution prévoyait de nommer un Premier ministre sunnite, un chef de Parlement kurde ou chrétien, alors que la présidence de la République resterait aux alaouites.

  Magazine (hebdomadaire libanais francophone indépendant, 11 mai 2012)
Paul Khalifé

A Bagdad, l’Iran a encore marqué un point, ces derniers jours, avec l’annonce de l’acquittement de Ali Dakdouk, ce membre du Hezbollah accusé par Washington d’avoir planifié l’enlèvement, à Karbala, en 2007, de cinq soldats américains qui ont été tués. Pourtant, les autorités irakiennes s’étaient engagées à garder en prison ce militant qui avait réussi à tromper les enquêteurs américains pendant de longs mois, en se faisant passer pour un sourd-muet. Quelques jours plus tôt, les deux pays se sont affrontés indirectement au Liban, par délégations interposées. Le vice-président iranien, Mohammad Reda Rahimi, et le secrétaire d’État américain pour les Affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman, se sont croisés dans les rues de Beyrouth et dans les sièges des institutions constitutionnelles, sans jamais se rencontrer.

La visite de Rahimi était prévue de longue date. Celle de Feltman a été décidée récemment, et le timing a été choisi afin qu’elle coïncide avec celle du dirigeant iranien, assurent des sources officielles bien informées. Le message est clair : il n’est pas question de laisser le terrain libre aux Iraniens en cette étape cruciale. En Syrie, la Russie, soutenue par l’Iran et la Chine, a pris l’initiative et tente, avec difficulté, de jeter les fondements d’une solution politique à laquelle serait associé le régime de Bachar el-Assad, au grand dam des Occidentaux et des Arabes du Golfe. Au Liban, le Hezbollah et ses alliés avancent leurs pions, à un an des législatives.

Face à cet activisme énergique, Washington déploie ses moyens. Et ils sont gros. En moins d’un mois, quatre délégations américaines, militaires et diplomatiques, ont débarqué à Beyrouth. Le premier à venir a été le chef des forces terrestres du CentCom, le général Vincent Brooks, qui a inspecté la Ligne bleue avant de quitter le pays, laissant derrière lui une flopée de questions sans réponses. Il a été suivi, le 26 avril, par la secrétaire d’État adjointe américaine, Elizabeth Debel. Cette visite a coïncidé avec la présence au Liban de la directrice du département du Moyen-Orient à l’Agence américaine du développement, Mara Rodman. On dit que ces deux dames sont venues préparer le volet relatif à la Syrie des entretiens de Feltman.

Dans ce contexte, la visite de Rahimi peut être considérée comme une réponse à cette effervescence américaine. Mais ce n’est pas le cas. Car, comme précisé précédemment, ce voyage était programmé depuis des semaines. Cependant, les Iraniens en ont profité pour faire le plus de bruit possible, afin d’attirer l’attention des États-Unis. La taille de la délégation qui a accompagné le vice-président iranien montre bien que la discrétion n’était pas son principal souci : quinze ministres, vice-ministres et directeurs généraux. De plus, tout ce beau monde ne ramenait pas de nouveaux accords de coopération, mais plutôt des projets de décret d’exécution pour les seize accords signés lors de la visite au Liban du président Mahmoud Ahmadinejad, en octobre 2010. Selon des sources bien informées, le point d’orgue de la visite de Rahimi a été la pose de la première pierre d’un complexe culturel financé par l’Iran, sur la route de l’aéroport. Certes, les Iraniens ont reformulé, pour la énième fois, leur proposition de construire des centrales électriques à des prix préférentiels et dans des délais très rapides. Toutefois, ils savent pertinemment que le Liban n’est pas disposé à accepter cette offre, aussi généreuse soit-elle, de peur de subir la colère des États-Unis pour violation des sanctions imposées à l’Iran. Et, comme pour être sûr qu’il sera remarqué, Rahimi s’est déplacé en tête d’un convoi de plusieurs dizaines de véhicules pour se rendre à Maroun el-Ras, à un jet de pierre de la frontière méridionale, où il a scruté la Galilée à travers de puissantes jumelles.

En revanche, le contenu de la visite de Feltman était plus important, bien qu’elle n’ait été décidée que tardivement. Le diplomate américain est venu discuter essentiellement de deux gros sujets : la crise syrienne et les prochaines élections législatives au Liban. Le sort du gouvernement est étroitement lié à la deuxième question. Au passage, il a évoqué d’autres points subsidiaires.

Avec les officiels, il s’est surtout entretenu de la situation en Syrie. Il a réaffirmé la détermination des États-Unis à obtenir le départ de Bachar el-Assad. Tout en encourageant les responsables à poursuivre la politique de « dissociation » de la crise syrienne, il a plaidé en faveur d’un « environnement sûr pour les réfugiés et les opposants syriens ». Dans ce cadre, il a sondé – sans trop insister – le président Michel Sleiman et le Premier ministre, Najib Mikati, sur la possibilité d’installer deux camps pour les réfugiés syriens, l’un au Nord, l’autre dans la Békaa, comme le souhaitent les « Amis de la Syrie ». Dans un article, publié le 26 avril dans al-Akhbar, Nasser Charara fait état d’un « rôle important attribué à la Norvège dans le dossier des réfugiés syriens ». Ce pays dispose déjà de trois associations et ONG actives au Liban dans ce secteur. Elles emploient entre 70 et 90 Libanais », écrit le journaliste.
Le diplomate a, en outre, rappelé aux deux responsables que les Etats-Unis verraient d’un mauvais œil l’utilisation par l’Iran du secteur bancaire libanais pour contourner les sanctions, ainsi que d’éventuelles facilités financières accordées à la République islamique.

Avec Nabih Berry, Feltman a surtout évoqué le litige pétrolier entre le Liban et Israël. Il a assuré que Washington étudiait un projet de solution dont les contours commencent à apparaître. Il s’agirait d’une ligne bleue maritime, une sorte de ligne de séparation provisoire, en attendant que la frontière définitive soit tracée.

L’entretien avec Walid Joumblatt était extrêmement important. Feltman a tenté de le rapprocher du 14-mars et semble y avoir réussi. Deux jours après le départ du diplomate américain, le leader druze a tenu des propos particulièrement critiques à l’adresse du Hezbollah, sans le nommer. Certes, il reste au gouvernement, pour l’instant, et ne s’attaque pas encore aux armes de la Résistance. Mais il est clair que ses positions sont plus proches de celles du 14-mars que du 8-mars, sur la Syrie bien sûr, mais aussi sur des questions internes telles que le litige financier, les nominations etc. Jeffrey Feltman a également écouté les arguments de Joumblatt sur son rejet de la proportionnelle, mettant l’accent sur l’importance que le scrutin ait lieu à temps.

Il est intéressant de noter que Feltman a rencontré collectivement ou séparément presque tous les ténors chrétiens du 14-mars. Selon des sources bien informées, sa visite à Fouad Siniora n’était pas prévue dans le programme initial. Elle a été rajoutée après que certaines figures du Courant du futur ont exprimé leur mécontentement en boycottant le dîner chez le député Boutros Harb.

Cet indice montre que les Américains pensent que l’électorat chrétien sera le principal enjeu des prochaines élections législatives. Il a d’ailleurs été essentiellement question d’élections avec le 14-mars. Feltman a encouragé ses interlocuteurs à resserrer les rangs, afin d’être prêts pour cette échéance qui permettra au 14-mars de revenir au pouvoir. Il a répété la phrase de son discours prononcé lors de la commémoration, en mars, au Capitole, de l’anniversaire de la révolution du Cèdre : « Il faudra profiter des prochaines élections législatives pour en finir avec les vestiges et les résidus du régime syrien au Liban ». Selon des sources bien informées, Feltman a insisté, auprès de ses interlocuteurs, sur l’importance de l’échéance électorale dans la stratégie américaine, car elle permettra de « réduire à presque zéro l’influence syro-iranienne au Liban ». Il a pressé les amis et alliés des États-Unis à adopter une position commune au sujet de la loi électorale et d’unir leurs efforts, afin de former des alliances électorales « solides et efficaces ». Après avoir entendu leurs arguments au sujet de la proportionnelle, il les a appuyés dans leur revendication pour un retour à la loi de 1960, avec quelques modifications. En revanche, il leur a conseillé de mettre une sourdine au projet de gouvernement de technocrates, car la stabilité du Liban reste une priorité pour les États-Unis. « Il sera toujours possible d’envisager un cabinet neutre dans quelques mois », a-t-il dit.

  The Telegraph (Quotidien britannique, 7 mai 2012)

« Toutes représailles du Hezbollah à une attaque contre les installations nucléaires de l’Iran inciterait Israël à lancer une guerre contre le Liban si féroce que cela prendrait une dizaine d’années pour reconstruire les villages détruits », explique un officier supérieur de l’armée israélienne. Malgré des condamnations internationales que devraient provoquer ces déclarations, Israël n’aura pas d’autre choix que de s’attaquer à des pans entiers de Sud-Liban, en raison du profond enracinement du Hezbollah au sein de la population civile.

Cet avertissement inhabituellement menaçant vient après des mois de spéculation. Oui, le gouvernement israélien envisage une action militaire unilatérale contre les installations nucléaires de l’Iran malgré l’opposition des États-Unis. Israël estime avoir une occasion inespérée, suite au printemps arabe qui a considérablement diminué l’influence de Téhéran dans la région.

En espérant détériorer les relations entre le Hezbollah et les communautés sunnites et chrétiennes au Liban, l’officier supérieur israélien exhorte le peuple libanais à rester soudé. C’est l’Iran, et non le Liban, qui doit payer le prix de son action. Il estime qu’en 2006, Israël avait été trop négligent. « Nous ne referons pas les mêmes erreurs. Nous savons par exemple qu’à Khiam, le Hezbollah a réquisitionné plusieurs bâtiments à des fins militaires ».

Source
New Orient News