Le premier tour de l’élection présidentielle française est terminé et le second vient de commencer. Les Français doivent choisir leur président pour les cinq prochaines années. Ils ne le font pas à partir de nos préoccupations, mais des leurs. Ils n’ont pas accordé une grande importance aux questions internationales, bien que leur président sortant ait joué leur avenir à l’étranger. Alors que les crises intérieures qu’ils affrontent sont des conséquences des choix posés en politique étrangère, il n’y ont pas consacré leurs débats.

Cependant, lors du premier tour, les Français ont implicitement sanctionné Nicolas Sarkozy. Celui-ci a obtenu le plus faible résultat jamais enregistré par un président sortant. Ce choc historique s’est traduit par deux faits :
• Le retour sur le devant de la scène d’une gauche militante autour de Jean-Luc Mélenchon.
• Le meilleur score jamais obtenu par le Front national de Marine Le Pen, formation nationaliste issue de l’extrême droite.

Les Français ont voté massivement bien qu’ils aient jugé la campagne électorale ennuyeuse, dépourvue de discussions profondes aux plans intellectuel et politique. Néanmoins, cette campagne porte en elle tant de leçons et de graves conséquences.

Les Français se sont rebellés contre la manière dont Nicolas Sarkozy gouverne, bien éloignée de la démocratie. Les trois quarts des électeurs ne se reconnaissent ni dans sa politique intérieure, ni dans sa politique extérieure. Beaucoup s’insurgent contre son néo-colonialisme, tel qu’ils l’ont vu en Syrie, en Libye et en Côte d’ivoire. Ils déplorent des ingérences qui, quelles que soient leurs justifications humanitaires, sont un retour au colonialisme d’antan, qui plus est au service de l’Empire états-unien. Cette politique n’a apporté à la France que davantage de soumission et de crises sociales. En outre, elle place la France en confrontation avec des forces émergentes dans le monde au lieu de coopérer avec elles.

Même s’ils n’ont pas critiqué les ingérences françaises, tous les autres candidats ont reproché à Nicolas Sarkozy son alliance contre-nature avec les courants religieux extrémistes animés par l’Arabie saoudite et le Qatar. Ils se sont tous inquiétés de la montée de cet intégrisme de l’Atlantique au Golfe arabo-persique. Cette alliance a surtout été conclue pour satisfaire les néoconservateurs et leur stratégie visant à dominer le monde arabe en portant au pouvoir de nouvelles dictatures animées par des idéologies arriérées. Elle avait aussi pour but de promouvoir ses intérêts financiers personnels et de remercier économiquement les amis qui l’avaient aidé à se faire élire, il y a cinq ans. À cet égard, les investissements en France des princes des pétro-monarchies ne constituent aucunement des investissements stratégiques dont les Français pourraient être bénéficiaires. Les seuls et uniques bénéficiaires sont les hommes d’affaire liés à Nicolas Sarkozy, jouissant de son favoritisme. Or, ces personnalités sont toutes également liées aux États-Unis et défendent les intérêts de Washington sur les marchés internationaux, jamais ceux de la France.

Le candidat favori, le socialiste François Hollande, a maintenu un flou artistique sur sa politique à l’égard de la Syrie, mais l’école idéologique et stratégique dont il est issu lui interdit de poursuivre la politique du tandem Sarkozy-Juppé, de vassalisation dans le Nouvel Ordre Mondial. Hollande conçoit la Russie et la Chine comme des partenaires nécessaires et non pas comme des adversaires. Bien qu’il ait tenu le même discours que Sarkozy-Juppé sur la promotion des Droits de l’homme et de la démocratie dans le monde, et notamment dans la zone d’influence française, il considère que des interventions militaires intempestives loin d’améliorer les choses ne font souvent que les empirer. En ce sens, il tire les conclusions des aventures états-uniennes d’après le 11-Septembre.

Hollande estime qu’il n’est pas possible d’instaurer de démocraties dans le monde arabe tant que les régimes saoudien et qatari y exercent une influence. Selon lui, il convient en priorité de réformer la structure politique des monarchies du Golfe. Par conséquent, il n’y a aucun doute que la politique française dans cette région va changer. Malgré les liens opportunistes du Parti socialistes avec certains bailleurs de fonds du Golfe, François Hollande pourrait jeter les bases de nouvelles règles dans les relations internationales.

Néanmoins, ce changement de cap ne sera pas suffisant pour que la France retrouve son influence dans le monde arabe tant les dégâts de l’ère Sarkozy sont considérables. Il est donc indispensable que le nouveau président français prenne des initiatives spectaculaires pour tourner la page.