Question : Monsieur Fischer, votre homologue français a plaidé devant l’ONU pour un renforcement des inspections. Il n’a pas été question de mandat robuste ni de casques bleus pour l’Iraq. Une idée aurait-elle été rendue publique avant l’heure ?

Réponse : Je n’ai pas l’intention de participer aux spéculations médiatiques. Ce que nous voulons est clair. Nous voulons, d’une part, que l’Iraq se montre plus coopérant. Le voyage de Hans Blix à Bagdad donne des raisons d’espérer. D’autre part, nous voulons intensifier les contrôles. Que ce soit en mobilisant plus d’inspecteurs ou par le biais de la reconnaissance aérienne.

(...)

Question : L’option d’un mandat robuste a-t-elle été retenue ou est-elle à retenir ?

Réponse : Je ne commenterai pas l’agitation publique. Je préfère attendre vendredi, lorsque Monsieur Blix remettra son rapport. Nous verrons alors ce qu’il faut faire pour accélérer et soutenir les inspections. Nous ne devons pas devenir prisonniers d’une logique militaire.

Question : Les États-Unis ont-ils raison d’être fâchés ?

Réponse : Il faut voir que nous menons une coopération étroite à de nombreux niveaux pour lutter contre le terrorisme en Afghanistan. Si nous dressons le bilan de cette coopération, nous constaterons que le discours actuel en fait souvent abstraction. L’Alliance transatlantique est pour nous d’une importance capitale. Mais sur un point, nous avons une position divergente : je crois que la politique a encore son mot à dire.

Question : Il est manifeste que la Chine, la Russie, la France et l’Allemagne défendent des positions similaires. S’agit-il de former un consensus avec les États-Unis ou d’exprimer volontairement une divergence ?

Réponse : Les inspections ont déjà conduit à une diminution considérable des risques. Si nous continuons à privilégier le dialogue au sein du Conseil de sécurité, je pense qu’il y a une chance.

Question : Du point de vue des États-Unis, Saddam joue au chat et à la souris. Pendant combien de temps encore peut-on accepter ce jeu ?

Réponse : Ce n’est pas une question de chat et de souris, mais de danger. Entre les risques d’une guerre - à court terme le facteur humanitaire, à moyen terme la déstabilisation de toute la région - et le danger que représente aujourd’hui l’Iraq, j’arrive à une autre conclusion que certains Américains.

Question : Si la mission des inspecteurs n’aboutit pas, quelle sera alors l’attitude de l’Allemagne ?

Réponse : C’est une question spéculative. Je peux seulement vous dire ceci : nous sommes extrêmement sceptiques à l’égard d’une intervention militaire. Je n’accepte pas la nécessité d’une guerre.

Question : Vous ne l’acceptez pas ou vous ne voulez pas l’admettre ?

Réponse : Vous savez que je ne suis pas quelqu’un de dogmatique. Je ne me suis pas dérobé à des débats houleux, notamment à trois reprises. Le chancelier et moi-même avons par trois fois mis en jeu la coalition quand il s’est agi du Kosovo, de la Macédoine et de l’Afghanistan. Dans mon parti, à Bielefeld, je me suis exposé à un affrontement presque physique. Pour cela, je devais être convaincu qu’il n’y avait pas d’alternative à la guerre.

Question : Les inspections doivent-elles durer aussi longtemps que les inspecteurs croient au succès de leur mission ?

Réponse : Les inspecteurs contribuent au plan matériel à une diminution substantielle des risques. Ils doivent avoir tout le temps dont ils ont besoin.

Question : Qu’est-ce qui compte le plus pour vous ? Maintenir votre position ou éviter d’être isolé ?

Réponse : Ce n’est pas une question de choix. L’Allemagne n’a pas l’intention de s’isoler. Mais il est aussi naturel de vouloir maintenir notre position. La politique a pour but de concilier les deux. Nous souhaitons que la résolution 1441 soit mise en œuvre par des moyens pacifiques. Si j’écoute autour de moi à l’ONU, une attaque militaire suscite beaucoup de scepticisme.

Traduction officielle du ministère fédéral allemand des affaires étrangères