Q - Comment vous sentez-vous à l’heure actuelle, après la fin de la guerre, en tant que partie de la vieille Europe ?

R - Je tiens à vous dire que mon pays, comme la plupart des pays européens, ont le sentiment qu’il existe une seule et unique Europe. Je pense que nous ne devons pas parler de fossé entre la vieille et la nouvelle Europe, entre petits et grands Etats de l’UE, mais d’une Europe. Je dois vous dire que pendant le Sommet d’Athènes, nous avons réussi à combler le fossé historique qui a vu le jour au sein de l’Europe. Voilà le grand défi qui s’impose à nous et au cours du sommet des vingt-cinq ministres des Affaires étrangères nous avons discuté de toutes les questions en cours.

Q - Quelle est la véritable raison de cette guerre ?

R - Je pense que l’objectif de la communauté internationale était le désarmement de l’Irak. L’objectif reste toujours le désarmement de l’Irak. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté la résolution 1441, pour limiter les armes de destruction massive. C’est la raison pour laquelle nous avons aussi décidé d’organiser des inspections en Irak. Jusqu’au début de 2003, nous pensions que les travaux des inspecteurs avaient progressé et que la procédure devait continuer. Bien que nous nous pensions que le désarmement pacifique de l’Irak était possible, les Etats-Unis et les forces alliées ont décidé de prendre l’initiative seuls. Bien sûr, nous ne les avons pas soutenus. Mais la chute de Saddam Hussein a évidemment été une bonne nouvelle.

Q - Les Etats-Unis ont fondé leurs arguments en faveur de la guerre sur la question des armes de destruction massive. Le fait que ces armes n’aient pas été retrouvées ne pose-t-il pas un problème politique et moral grave ? Que compte faire la France à ce sujet ?

R - A l’heure actuelle, nous devons travailler tous ensemble en pensant à l’avenir. Nous devons coopérer pour assurer la reconstruction de l’Irak et trouver une solution aux problèmes de son peuple. Nous avons besoin d’un Irak uni et stable et nous devons coopérer pour sauvegarder son intégrité.

Q - Croyez-vous que Washington coopérera avec l’Union européenne pour trouver une solution à la question palestinienne, ou en sera-t-il empêché par ses lobbies internes ?

R - On ne peut pas partager le Proche Orient en régions de paix et régions de guerre. C’est pourquoi il faut, parallèlement à la question irakienne, trouver une solution à la crise israélo-palestinienne. La "feuille de route" doit être appliquée. Voilà le grand défi de la communauté actuelle en ce moment.

Q - Richard Perle demande à ce que vous perdiez votre siège de membre permanent au Conseil de sécurité, et d’autres Américains estiment que votre réaction à la crise irakienne était liée aux intérêts des sociétés françaises dans l’exploitation du pétrole irakien. Que répondez-vous à ces accusations ?

R - Il s’agit là de la réaction d’un groupe d’Américains et non pas de la réaction du gouvernement américain. En ce moment, tous pensent à la situation difficile qui règne au Proche Orient. Nous avons besoin d’une communauté internationale unie. Nous devons nous consacrer à l’avenir et non pas nous disputer sur ce qui a eu lieu par le passé. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne doit rester unie. Après le Sommet d’Athènes, nous disposons d’un nouveau dynamisme parmi les vingt-cinq pays membres de l’Union européenne, et je suis très heureux que la présidence grecque ait dépensé autant d’énergie pour préserver notre unité. La France jouera son rôle propre. Nous coopérons avec le Conseil de sécurité des Nations unies afin de résoudre les problèmes de sécurité et d’aide humanitaire. Nous avons besoin, le plus vite possible, d’une nouvelle autorité irakienne, car les Irakiens doivent regagner leur souveraineté et pouvoir déterminer leur propre destin.

Q - Les Etats-Unis disposent aujourd’hui d’une énorme force militaire à côté de celle de l’Europe. Pensez-vous que l’initiative des "Quatre" de Bruxelles peut combler ce fossé ou bien l’Europe restera plutôt une force de deuxième catégorie ?

R - Quelles qu’aient été les difficultés du passé, nous devons maintenant les transformer en défis et en opportunités pour l’Europe. L’Union européenne, si elle reste unie, pourra faire la différence au sein de la communauté internationale. Elle devra déployer de grands efforts pour la paix et la stabilité au Proche-Orient. Nous devons également faire le bilan des conséquences de la guerre en termes de politique et de sécurité. Vous vous êtes référés à la rencontre des "Quatre" à Bruxelles. Il s’agit du début d’une procédure à laquelle tous les pays européens devraient prendre part. Il est important pour les pays européens de faire plus pour la défense. Le monde dans lequel nous vivons présente des défis importants comme le terrorisme et le développement des armes de destruction massive. Ces armes posent problème non seulement en Irak mais aussi en Corée du Nord et dans d’autres pays du Proche-Orient. C’est la raison pour laquelle nous devons travailler tous ensemble et voir ce que l’Union européenne peut faire.

Q - Pensez-vous que les Etats-Unis vont attaquer la Syrie ou l’Iran ?

R - Il s’agit de scénarios. Nous devons prendre les devants et renforcer les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis. La compréhension mutuelle est nécessaire pour mieux se comprendre et assurer le respect et la tolérance dans nos relations.

Q - J’ai l’impression que la présidence grecque a fait une sorte de psychothérapie aux gouvernements de l’Union européenne. Mais, la guerre en Irak pourra-t-elle susciter un éveil susceptible de faire avancer l’Europe ?

R - Le gouvernement grec a dépensé beaucoup d’énergie et a fait preuve de grande patience, éléments nécessaires pour faire avancer l’Europe. Nous avons la volonté d’avancer, nous voulons une Europe plus forte et plus déterminée. Et cela car nous croyons que c’est le seul moyen pour que notre monde devienne plus stable./.

Source : ministère français des Affaires étrangères