Introduction

Si la déclaration de guerre au terrorisme faite par le président Bush à la suite des attentats du 11 septembre 2001 n’a pas été bien accueillie partout, on ne peut plus douter aujourd’hui qu’Al Qaida est en guerre contre les États-Unis - une première attaque avait été lancée contre le World Trade Center en 1993 - et que les autres pays de l’" Ouest capitaliste " (peu importe la définition qu’on donne à celui-ci) doivent désormais vivre sous la menace en raison de leur " alliance " avec les Américains. Au moment où nous écrivons ces lignes (hiver 2002-2003), le gouvernement britannique fait grand cas d’une éventuelle attaque terroriste à l’arme chimique, biologique ou radiologique et met en garde la population : il est impossible de garantir une sécurité sans faille, totale. Présumant que de tels avertissements reposent sur des éléments concrets, nous vivons dans un climat dominé par une sérieuse menace, situation qui n’aura rien de passager.

On peut donc estimer que le renseignement va de soi dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. La place qu’il occupe dans la pensée américaine a été mise en évidence dans la National Security Strategy, le 20 septembre 2002 : le président Bush y a fait 18 fois référence en parlant des principaux atouts nationaux - le renseignement n’est surpassé que par les moyens militaires (24 allusions) et devance largement la diplomatie, citée sept fois. À l’exemple des États-Unis, la plupart des pays occidentaux ont augmenté les crédits consacrés à leurs services de renseignements et assoupli les restrictions légales à leurs activités. Partout, le renseignement a la cote.

Notons qu’il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’un revirement complet de la situation. D’accord, les services de renseignements avaient perdu de leur importance avec la fin de la guerre froide (c’était là un des dividendes de la paix), mais déjà avant le 11 septembre, les budgets qu’on leur réservait étaient à la hausse non seulement parce qu’il fallait faire face au terrorisme, mais également parce qu’on devait tenir compte des impératifs des années 90 : participation aux opérations internationales axées sur le maintien de la paix ou l’aide humanitaire, collecte de données sur la prolifération des armes de destruction massive, sur le non-respect des sanctions, sur le trafic des stupéfiants et sur les nouveaux défis de la décennie. Les gouvernements cherchaient déjà à s’adapter à ce qui semblait un monde de plus en plus instable, de même qu’à la révolution touchant l’information accessible et à leur capacité de recueillir et de traiter cette dernière. Les satellites de renseignement avaient cessé d’être l’apanage des superpuissances et, déjà, toute une gamme de puissances secondaires en exploitaient ou prévoyaient le faire. Le renseignement dans son ensemble gagnait en légitimité au sein de l’État ; on n’avait plus à en nier l’existence.

Les événements du 11 septembre 2001 ont renforcé cette tendance de façon spectaculaire, confirmant la place qu’occupe le renseignement dans la panoplie des éléments essentiels d’un pouvoir national discret (ou à moitié discret). Toutes les nations, sauf les plus modestes, vont bientôt prendre certaines mesures à cet égard - si ce n’est déjà fait. Les attentats ont également mis en lumière le rôle joué par l’antiterrorisme dans le tableau global du renseignement : dorénavant, on peut le tenir pour une catégorie distincte et importante des services de renseignement, semblable aux sous-ensembles politique, militaire et économique qui existaient antérieurement et comprenant une grande partie de ce qu’on appelait, jusqu’alors, le " renseignement de sécurité ". Nul doute que ce volet entrera en concurrence avec d’autres impératifs - à l’heure actuelle, par exemple, la recherche de preuves tangibles de l’existence d’armes de destruction massive mises au point par Saddam Hussein revêt une priorité semblable pour les États-Unis -, mais il semble néanmoins exercer une influence dominante et durable sur le milieu du renseignement.

Quoi qu’il en soit, le renseignement est appelé à changer de façon radicale dans le cadre de la révolution de l’information, dont il fait d’ailleurs partie. Comme le faisaient remarquer deux écrivains américains avant le 11 septembre, " si les services de renseignements veulent conserver leur efficacité, les milieux qui les composent devront se prêter à des changements d’une ampleur telle que, cette étape franchie, on aura peine à reconnaître l’organisation créée il y a cinquante ans " [1] (trad. libre). Mais la place prépondérante qu’occupe l’antiterrorisme, pratiquement sur le pied de guerre pour longtemps, imposera au processus un rythme particulier.

On s’interroge, dans ce document, sur l’avenir du renseignement et sur les défis qui lui sont associés. L’auteur, britannique, y fait part de son opinion personnelle à la lumière de la situation prévalant dans son pays et des récentes proclamations américaines. Il s’attardera quelque peu aux services de renseignements occidentaux dans leur ensemble, et peut-être même plus en détail.

Antiterrorisme et nature du renseignement

Le renseignement sur le terrorisme - ou, si l’on veut, l’antiterrorisme - repose d’abord sur le repérage et le pistage de personnes ainsi que sur la découverte de leurs projets et activités. Il s’intéresse aux individus plutôt qu’aux choses, ce qui contraste avec le renseignement de nature militaire, qui met l’accent sur le matériel militaire et sur l’ordre de bataille des unités structurées. Son but : le dépistage plutôt que l’analyse de situations d’ensemble, démarche centrale de nombre d’autres services de renseignements - on pense, par exemple, à la connaissance de la situation du champ de bataille rendue possible par la puissance des techniques modernes de collecte de données. Voilà pourquoi, avant comme après le 11 septembre, le débat ayant entouré l’antiterrorisme s’est articulé pour une grande part autour de la nécessité d’améliorer au premier chef ce qu’il est convenu d’appeler le renseignement humain (HUMINT).

Pareille conjoncture peut avoir laissé transparaître des traces de naïveté ou avoir donné lieu à la quête d’une panacée. De bonnes sources humaines de renseignements sur le terrorisme valent leur pesant d’or. Les succès qu’ont connus les forces britanniques dans leur lutte contre l’Armée républicaine irlandaise (IRA) leur ont été largement tributaires. En réalité, les observateurs américains ont peut-être raison lorsqu’ils soutiennent que les critiques constantes du Congrès et des médias, conjuguées à l’absence de soutien de ladirection, ont démoralisé les responsables de la direction des opérations de la CIA. Mais il serait pour le moins chimérique de placer trop d’espoir même dans un effort accru de l’HUMINT lorsque les cibles/objectifs sont, à ce point, obnubilés par la sécurité.

Le défi le plus important et le plus singulier de l’antiterrorisme ne se situe peut-être pas dans un type particulier de collecte de données, mais plutôt dans la recherche de liens entre des preuves nombreuses et de divers types. Récemment, un membre de l’International Counter Terrorist Branch du British Security Service (BSS) a rédigé un document pertinent [2] , dans lequel il affirmait que l’antiterrorisme ne consiste ni en une partie d’échecs contre un seul ennemi ni en la réalisation d’un puzzle, à moins qu’on n’accepte d’avance que l’image à reproduire soit fragmentaire et évanescente et que nombre des pièces contenues dans la boîte soient inutiles. En quête d’une piste, il opte pour la métaphore des fils conducteurs repérables et des motifs tissés. Les matériaux de base eux-mêmes sont bigarrés et d’une diversité considérable. On pense, entre autres choses :

 aux renseignements secrets glanés au fil des communications (interceptées) de terroristes connus ;
 aux renseignements secrets portant sur ceux qui, au pays ou à l’étranger, sont réputés avoir déjà été parties prenantes à des activités de soutien au terrorisme ;
 aux rapports d’organismes de sécurité étrangers - rapports parfois teintés d’une saveur politique et d’une qualité éminemment inégale - faisant état de projets, concrets ou potentiels, d’attaques terroristes ;
 aux rapports des services de police signalant, par exemple, des allées et venues suspectes dans des ports ;
 aux allégations émanant de particuliers qui, d’eux-mêmes, viennent avouer posséder des renseignements de première main concernant des projets terroristes ;
 aux appels de simples citoyens soucieux de déballer leurs soupçons ;
 aux déclarations, rapportées par les médias, des porte-parole de groupes terroristes ou de leurs sympathisants.

Les éléments de renseignement affluent en quantité incroyable et le tout est, dans une certaine mesure, assujetti aux forces du marché : si l’on est prêt à payer pour obtenir des renseignements antiterroristes, il se trouvera assurément quelqu’un qui sera disposé à en fournir - quitte, au besoin, à les fabriquer de toutes pièces.

Face à cet afflux de données

L’agent de renseignements a pour tâche de cerner les fils conducteurs qui méritent une investigation plus poussée et de se lancer dans celle-ci jusqu’à ce qu’il connaisse le fin mot de l’histoire ; il peut procéder en ordre inverse et commencer par éliminer les renseignements qui ont l’air trop loufoques et qui ne valent pas le coup ou qu’on a exploité jusqu’à la trame. Il s’agit-là d’un processus de gestion du risque. Virtuellement, le nombre de pistes est infini. D’un autre côté, une enquête secrète monopolise énormément de ressources et empiète sur les droits de la personne qui en fait l’objet. Voilà pourquoi le seuil à respecter pour lancer de telles enquêtes est élevé (facteur qui explique leur nombre nécessairement limité) et pourquoi beaucoup de fils conducteurs possibles sont écartés. Les décisions à cet égard - quelles pistes suivre ou non - sont vitales et complexes ; elles supposent un discernement à toute épreuve.

Le secrétaire au Foreign Office a fait ressortir un aspect semblable, lorsqu’il a justifié la façon dont le BSS avait traité l’affaire de l’attentat à la bombe à Bali, en soutenant que les responsables reçoivent 150 avertissements chaque jour. Le terrorisme mondial suppose de nombreux défis et la capacité de traiter des données détaillées de divers types semble constituer un critère incontournable d’une réaction efficace.

Entre aussi en ligne de compte la nécessité du secret. Peu des éléments traités sont du domaine public : pour une grande part, ils proviennent de sources secrètes, au pays ou à l’étranger, qui doivent être protégées ; s’ils donnent lieu à des enquêtes complémentaires, celles-ci doivent également être protégées. Une bonne sécurité est aussi essentielle aux activités antiterroristes qu’elle l’est aux activités terroristes elles-mêmes. D’où l’omniprésence du secret.

Pareille réalité influe sur la nature du renseignement dans son ensemble, activité qu’on a toujours associée, en partie, à une démarche secrète de collecte d’information - l’acquisition clandestine de secrets - et, en partie, à l’analyse de questions et de conjonctures dans des contextes plus généraux, en recoupant des données de toutes sources. Greg Treverton a dépeint les deux différents aspects de cette réalité : les renseignements assimilés aux secrets et les renseignements assimilés à l’information, ce dernier volet puisant davantage aux sources ouvertes et incluant des appréciations et prévisions d’ordre plus conjectural - qui, souvent, se prêtent davantage aux prises de décisions centralisées [3] . Les services de renseignements ont eu tendance à mettre l’accent soit sur l’une, soit sur l’autre de ces caractéristiques. Pendant la guerre froide, on investissait surtout dans la collecte secrète de renseignements, et la collecte de secrets prédominait ; mais pendant la plus grande partie des années 90, les observateurs affirmaient que l’avenir, dans ce domaine, passait par l’analyse. Il y avait de plus en plus d’information ouvertement accessible et, si des activités secrètes de collecte pouvaient combler les lacunes, la fonction la plus significative des services concernés résidait dans une analyse avertie à l’intention des hauts responsables du gouvernement. Après la fin de la guerre froide, l’auteur soutenait que le renseignement deviendrait de plus en plus hétéroclite, souple et opportuniste. Le renseignement est désormais moins vital à la survie de la Grande-Bretagne qu’il ne l’était durant la guerre froide, mais il est sans doute plus utile. (...) L’importance nationale du renseignement britannique doit dès lors être estimée surtout dans des contextes plus généraux : hypothèses publiques relatives à la politique étrangère et à la défense ; attentes à long terme des services de renseignements (atout dans le jeu du gouvernement) ; liens entre le renseignement et les relations politiques transatlantiques [4]. (trad. libre).

À partir de là, un esprit libéral aurait décemment pu s’attendre à ce que le renseignement perde de son auréole de mystère et d’extraordinaire et s’aligne sur les services d’information plus " normaux " - les statistiques gouvernementales, par exemple -, quelque chose de moins spectaculaire, suscitant moins la curiosité des journalistes et se prêtant moins au battage mené par les médias.

Pareille vision a été drôlement dépassée par les événements ! Déjà, à la fin des années 90, le balancier redonnait quelque vigueur à l’ancienne conception des choses. Les opérations dans l’ex-Yougoslavie ont fait ressortir la nécessité permanente des activités secrètes de collecte et le besoin d’étayer le recours aux forces armées. Pourtant, on ne semblait pas, à l’époque, faire face à une menace d’envergure et les interventions militaires des pays occidentaux étaient encore une question de choix. Le 11 septembre et les menées terroristes ultérieures ont modifié du tout au tout la donne. Comme pendant la guerre froide, les services de renseignements s’intéressent surtout à une menace majeure émanant d’une cible étonnamment difficile à cerner ; mais tout porte à croire que la menace est désormais réelle et non plus latente et qu’elle est encore plus impénétrable qu’elle ne l’était alors. Pendant la guerre froide, les services de renseignements aidaient leurs gouvernements respectifs à éviter la guerre. Aujourd’hui, ils prennent activement part à une guerre, s’efforçant de sauver des vies et de défendre la sécurité nationale au sens le plus strict du terme. Quelles que soient les réserves soulevées lorsqu’on fait allusion à la guerre pour décrire les réactions occidentales aux attaques terroristes du 11 septembre, la métaphore du " temps de guerre " se prête assez bien aux nouvelles conditions dans lesquelles évoluent les services de renseignements.

Ceux-ci continueront, évidemment, à remplir diverses autres fonctions qui, dans bien des cas, relèveront toujours des domaines politique ou militaire - ou des deux à la fois, dans les appréciations composites politico-militaire qui s’imposent dans tant et tant de situations actuelles -, voire, parfois, du monde des affaires, des finances et de l’économie. En soi, le rôle antiterroriste qu’ils jouent n’a rien de neuf : le terrorisme irlandais a été la principale priorité des Britanniques pendant trente ans. Mais la menace était, alors, limitée tant par son ampleur que par la zone géographique visée ; il semble même qu’elle ait été relativement faible si on la compare à celle qui émane du terrorisme contemporain, à la capacité destructrice mondialisante.

L’antiterrorisme gagnant en importance, les services de renseignements seront peut-être obligés de se réorienter, d’une manière ou d’une autre, en fonction de ses exigences et ses besoins. Il peut en résulter une incidence accrue sur les politiques et sur les perceptions relatives au renseignement. Les lois adoptées par les gouvernements après le 11 septembre peuvent laisser présager un virage permanent au regard de l’équilibre entre la surveillance à des fins de sécurité et les droits individuels. Le dilemme de longue date mettant en opposition transparence démocratique et réticence officielle sera grandement influencé par le besoin de secret entourant la lutte antiterroriste. Peut-être associera-t-on moins l’optimisation des ressources, dans ce domaine, à l’appui aux instances politiques suprêmes qu’à l’efficacité pointue en matière d’antiterrorisme. La déclaration de dame Stella Rimington, en 1994, qui affirmait que les forces de sécurité en Irlande du Nord contrecarraient quatre projets d’attaque terroriste sur cinq, illustre bien la signification cumulative mais peu spectaculaire d’avertissements tactiques préventifs fructueux [5]. Rien, dans tout ceci, ne vient réduire l’obligation de pénétrer l’esprit de l’ennemi et d’aborder d’autres grandes questions. En fait, la réalité de l’antiterrorisme suppose que l’on porte une attention spéciale à l’analyse de fond et à une exploitation réfléchie des données.

Pareille réévaluation peut faire des vagues dans des directions inattendues. Au niveau théorique, par exemple, la doctrine consacrée concernant les " avertissements lettre morte " devra sans doute être repensée pour tenir compte de la nature asymétrique de la lutte au terrorisme. Tout ceci pourrait bien faire partie de l’évolution générale profonde qui, au XXIe siècle, touchera le concept même du renseignement dans son ensemble.

On ne s’interroge pas ici sur la forme que ce dernier pourrait prendre. On s’intéresse plutôt à un aspect en particulier. Si, essentiellement, l’antiterrorisme a pour fonction de dénicher des fils conducteurs et des motifs à partir de différents types de preuves, il va de soi qu’il puisse avoir recours aux derniers développements des TIC (technologies de l’information et des communications) pour explorer, horizontalement, les données que possèdent en propre tous les organismes distincts compétents. Ce qui, dès lors, soulève des questions quant aux limites institutionnelles verticales qui concèdent aux organismes pris séparément le contrôle exclusif de leurs propres éléments d’information. Jusqu’où le lien entre l’antiterroriste et la révolution de l’information remet-il en question les structures établies des services de renseignements ?

Structure du milieu

Dans les pays anglophones, en fait, les structures des milieux du renseignement se sont révélées étonnamment statiques depuis qu’elles ont subi leur dernier grand façonnage, juste après la Deuxième Guerre mondiale. Si l’on fait abstraction de l’intégration des diverses équipes des services centraux de renseignements des forces armées, la structure actuelle des services de renseignements britanniques demeure sensiblement la même qu’à l’issue de la guerre, en 1945. Aux États-Unis, depuis la naissance de la CIA (1947) et de la NSA (1952) et exception faite de la mise en place des nouveaux organismes associés aux satellites de renseignement et à l’imagerie qu’ils produisent, l’organisation des milieux du renseignement a accusé un conservatisme relatif. Au Canada, la création du SCRS, indépendant de la GRC, fut sans doute l’une des réformes les plus radicales à s’être produite dans les pays de langue anglaise. Cette relative stabilité a perduré au moment où la réorganisation était endémique dans le reste de l’administration publique et où, partout ailleurs, le mot d’ordre en matière de gestion tournait autour du concept de " souplesse organisationnelle ".

Avant le 11 septembre, nombre d’auteurs américains réclamaient un changement. Dans la majorité des cas, ils exposaient surtout des failles précises : on disait de la National Security Agency qu’elle était fossilisée ; on avançait que la nouvelle National Imagery and Mapping Agency n’aurait jamais dû voir le jour ; on déclarait que la Defense Intelligence Agency n’avait jamais trouvé réellement sa vocation. Aux yeux de certains, la CIA avait un côté civil trop prononcé ; pour d’autres, on l’avait trop orientée vers le soutien militaire depuis la guerre du Golfe. Au sommet de la structure, le DCI était jugé inefficace, sans contrôle direct sur l’argent et les postes afférents.

Dans une certaine mesure, une telle conjoncture traduisait la propension des Américains à vouloir améliorer toute chose, mais elle correspondait également à un courant plus vaste, manière de tension s’exerçant sur la pensée organisationnelle. On estimait que la place prise par le renseignement dans la structure d’organismes distincts et puissants favorisait le cloisonnement, d’où transmission verticale directe, vers le sommet, des données émanant de source unique et intégration insuffisante (données de toutes sources). Les auteurs critiquaient l’espèce de marketing qui en résultait - où on faisait la part belle aux renseignements de source unique au détriment de ceux de toutes sources -, la rivalité entre organismes et la priorité accordée aux intérêts de l’organisme plutôt qu’à ceux du milieu. Le ton était fortement antibureaucratique : les bureaucraties étaient néfastes, les bureaucraties secrètes étaient pires encore [6]. On lisait l’avenir du renseignement à travers le prisme de la doctrine organisationnelle moderne prônant la déstratification, les modèles basés sur le marché, les communautés virtuelles et l’esprit d’équipe.

On serait porté à penser que le cloisonnement était devenu un bouc émissaire bien commode, surtout si l’on voulait expliquer des lacunes de toute sorte. Les services de renseignement doivent miser sur une grande fiabilité et des divisions organisationnelles s’imposent si l’on veut nourrir divers types de savoir-faire et de responsabilité. On ne peut abandonner le renseignement à lui-même, accepter qu’il soit partie à la mêlée générale. Un organisme doit assumer la responsabilité première - analyse, contribution aux politiques - dans des situations d’urgence, où il faut réagir rapidement - comme le fait le BSS au Royaume-Uni. (Aux États-Unis, le problème se situe partiellement dans le fait qu’on ne sait pas au juste qui mène la barque, de la CIA ou du FBI, lorsque se trament, à l’étranger, des attaques dirigées contre le territoire national.) La difficulté ne réside pas tant dans l’existence que dans le nombre et l’étendue des cloisons, de même que dans les mécanismes de liaison dont celles-ci sont assorties [7].

Quoi qu’il en soit, on ne peut faire fi de la critique. S’il doit en croire son expérience personnelle (qu’il admet limitée), l’auteur estime que pendant la guerre froide, l’imagerie par satellite des Américains représentait un miracle sur les plans technique et professionnel, mais qu’en raison de son traitement par des organismes distincts dotés de règlements de sécurité différents, il était difficile, pour quiconque, de l’intégrer de façon adéquate aux autres démarches de collecte de données de nature technique. Dans le but de mieux diriger le cheminement de l’information, les services de renseignements ont conçu expressément une manière de labyrinthe, qui ne cesse de se développer, où foisonnent classifications et compartiments spéciaux, une démarche qui se justifiait pendant la guerre froide mais qui nuit à l’efficacité [8]. Après son passage chez les hauts responsables américains, Treverton a eu ce commentaire mémorable voulant que quand on parle de lui (le renseignement) comme d’un milieu, on décrit précisément ce qu’il n’est pas : il se situe quelque part entre fiction et aspiration [9].

Ce qui semble particulièrement le cas quand on se penche sur le besoin, pour l’antiterrorisme, de traiter des données de nature diverse. Étonnamment, les analyses des événements du 11 septembre effectuées par les Américains sont restées floues jusqu’à maintenant, mais le cloisonnement - surtout ses effets sur les échanges de renseignements entre la CIA et le FBI - restera incontournable dans toute enquête exhaustive. L’auteur a l’impression que dans les milieux du renseignement de langue anglaise, on maîtrise remarquablement bien les TIC modernes lorsqu’il faut créer des sites Web de renseignements classifiés où sont affichés les rapports rendus publics par les instances compétentes (produits finaux transmis aux organismes et autres consommateurs de renseignements), mais qu’on ne peut toujours pas prévoir le jour où des analystes sur la trace de terroristes seront à même de puiser automatiquement dans les bases de données inédites des autres organismes.

La réorganisation offrirait à cet égard une réponse simpliste - on pourrait commencer par éliminer la traditionnelle démarcation entre renseignements nationaux et renseignements étrangers. Pareille mesure pourrait ne pas avoir d’effets spectaculaires au Canada, mais en Grande-Bretagne, elle entraînerait la fusion du BSS et du British Secret Intelligence Service (BSIS). Elle s’inscrirait, en principe, dans le phénomène de la mondialisation, qui procure un caractère de plus en plus artificiel aux distinctions entre objectifs étrangers et objectifs nationaux. Les terroristes agissent en partie de l’étranger, en partie de l’intérieur. Ils peuvent se déplacer facilement dans un monde où les voyages à l’étranger sont monnaie courante, où foisonnent les communications planétaires et les finances internationales. Ainsi, une certaine réorganisation axée sur le terrorisme mondial n’est pas tout à fait hors de question. Il est intéressant de se demander si, en 1969, il n’aurait pas été sage pour la Grande-Bretagne de créer, probablement sous l’égide du BSS, un quelconque organisme antiterroriste qui soit plus interdisciplinaire et axé sur les objectifs, si l’on avait su que le terrorisme irlandais allait monopoliser l’attention pour une trentaine d’années.

La réorganisation demeure une solution facile sous certains angles, trop compliquée sous d’autres. Elle ne tient pas compte des compétences propres aux organismes pris séparément et des liens institutionnels entretenus par ces derniers, particulièrement avec leurs pendants à l’étranger. Treverton a habilement décrit la situation : les capacités acquises par les actuels services de renseignements sont à la fois puissantes et difficiles à créer, aussi doit-on y aller avec circonspection lorsqu’on pense à remplacer les entités existantes par quelque chose de nouveau alors qu’on ignore encore la nature exacte du monde qui nous attend [10]. Le 11 septembre n’a pas rendu désuet ce conseil de prudence. Le secteur privé, où la fluidité organisationnelle a valeur de tradition, pourrait bien réussir à se réorganiser, mais il peut courir des risques plus grands que les gouvernements.

Cela dit, il serait surprenant que la Grande-Bretagne opte, un jour, pour la fusion. Les Américains parlent bien de créer, à l’extérieur du FBI, un organisme équivalent au BSS, mais pour ce qui concerne l’intégration des démarches accomplies au pays et à l’étranger, il semble inconcevable que la CIA puisse, un jour, obtenir un mandat l’habilitant à agir au pays - mandat qu’on l’accusait de préparer dans la première moitié de la décennie 1970. Mais qu’importe leur degré d’imbrication, les services de renseignements nationaux et étrangers des pays démocratiques sont assujettis à des restrictions légales et politiques très différentes et il s’y développe, en conséquence, des tournures d’esprit distinctes. Réussir à les fusionner semble difficilement réalisable, voire souhaitable.

Si la réponse (et les mesures correctives) au cloisonnement ne réside pas dans la réorganisation, elle passe par un assouplissement des frontières entre organismes et par le recours aux TIC pour mettre sur pied des milieux virtuels s’étendant à divers organismes. Les permutations entre organismes, la formation interorganismes et d’autres initiatives du genre peuvent contribuer de manière non négligeable à une prise de conscience accrue du milieu. Dans cette optique, le renseignement aurait peut-être intérêt à s’inspirer des succès remportés par les services des forces armées, qui ont su concevoir des unités opérationnelles communes tout en conservant leur propre identité. Selon un observateur de l’administration publique, la collaboration entre organismes ressortit aux comportements et aux processus plutôt qu’aux structures ; la collaboration est un processus à long terme qui, au bout du compte, finit par engendrer un climat dominé par la confiance et la recherche de solutions communes, un climat qui produit ce qu’il appelle une " capacité de collaboration interorganismes " [11] (trad. libre). Si pareille assertion vaut pour tout gouvernement, elle s’applique particulièrement aux services de renseignement, où le secret nourrit un intense sentiment d’appartenance non pas à un milieu, mais bien à un organisme. Les documents traitant du renseignement mettent l’accent sur la nécessité de liens étroits avec les décideurs. Au regard de l’antiterrorisme, pourtant, la grande priorité des organismes de renseignements à source unique reste d’entretenir des liens étroits avec leurs collègues du renseignement de toutes sources, qui envisagent le problème dans son ensemble.

Ce qui fait ressortir l’importance de bons rapports entre les deux volets (source unique/toutes sources). Il faut reconnaître la nature différente des responsabilités qui leur incombent : l’un se spécialise dans les types particuliers de collecte et d’exploitation de renseignements, l’autre agit comme autorité gouvernementale polyvalente sur un sujet donné. La doctrine inhérente aux services de renseignements militaires établit une nette démarcation entre les deux et l’auteur du présent document a déjà écrit que, cette optique aidant, un principe occidental précieux s’est développé - par accident et non à la suite d’une démarche consciente - : normalement, ceux qui recueillent et qui traitent les renseignements ne devraient pas être responsables, au bout du compte, de leur évaluation [12]. Pourtant, les limites institutionnelles entravent ce qui, intellectuellement, est réellement une quête exhaustive de la vérité, idéalement un jeu sans frontières (titre d’un concours de chansons d’Eurovision). Malgré l’intérêt de la distinction faite entre renseignements de source unique et renseignements de toutes sources, il n’en demeure pas moins théoriquement artificiel de départager ce qui, en réalité, s’avère une quête perpétuelle de la vérité. Les analystes de renseignements de toutes sources ne disposent pas de faits limpides et objectifs qu’on leur livre tout rôtis dans le bec pour étayer leur recherche. Ils doivent pouvoir s’y retrouver dans le SIGINT et procéder à la démarche inverse [13].

Les données constituant aujourd’hui un actif commun auquel peuvent avoir accès gratuitement des milieux virtuels, les TIC offrent pratiquement la possibilité de concrétiser cette approche face à la recherche de la vérité. En un sens, il s’agit là d’un desideratum plutôt évident ; certains pourront prétendre que la situation qu’on connaît actuellement n’est pas très loin d’une telle réalité - notamment lorsque les intéressés entretiennent de bonnes relations et sont aiguillonnés par la menace terroriste. D’un autre côté, cette doctrine présente aussi quelque chose de révolutionnaire : elle bouleverse les idées reçues relativement à la protection de la sécurité et aux compétences et responsabilités des organismes spécialisés. Mais nonobstant la pertinence des TIC dans le domaine de l’antiterrorisme, il sera beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît, en pratique, d’y avoir recours dans cette optique. Il faudra un leadership énergique émanant du centre pour réduire les limites interinstitutionnelles sans éliminer le principe de protection de la source. Mais le cas échéant, la question se posera : qui mène quand il est question du renseignement ?

Qui mène ?

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, le Joint Intelligence Committee (JIC) britannique s’est développé en assumant deux grands rôles associés par ce que l’on pourrait appeler un accident de l’histoire : la direction des services de renseignements du temps de guerre (surtout par voie consensuelle entre les trois services des forces armées) et la production d’évaluations convenues du renseignement à l’intention de ceux qui étaient appelés à prendre les décisions, modèle qu’on a très largement reproduit. La plupart des pays de langue anglaise reconnaissent que des comités contribuent à la production d’évaluations de haut niveau, bien qu’il y ait des différences quant aux rôles précis qui leur sont dévolus. Les comités sont nécessaires à la gestion du renseignement, bien que presque partout ils soient chapeautés par une autorité centrale située quelque part au sein du système. On a noté une tendance générale - moins en Grande-Bretagne qu’ailleurs, cependant - à une séparation des mécanismes de gestion et d’évaluation du milieu. Les deux volets sont toutefois appelés à évoluer davantage. De quelle façon l’antiterrorisme influera-t-il sur leur évolution ?

L’un des effets prévisibles peut toucher les deux volets. De par son envergure même et conjuguée aux impératifs de gouvernement moderne - nécessité constante d’une action/réaction immédiate -, la lutte contre le terrorisme a redonné vie à la question posée par Churchill, en 1940, à propos du système britannique : Mais qui donc commande, ici ? En Grande-Bretagne comme ailleurs, on ne peut répondre plus clairement à une telle question maintenant qu’alors. Les services de renseignements acquérant de l’importance et les décisions se faisant plus pressantes, les gouvernements et les média se satisferont de moins en moins de réponses qui les renverront à des comités et à des milieux. Ils exigeront un responsable national du renseignement qui soit identifiable. Aux États-Unis, le DCI occupe déjà un tel poste, mais on soutient depuis belle lurette qu’il ne dispose pas, administrativement parlant, du mordant voulu ; le problème consiste à imaginer des moyens pratiques de les lui donner. En Grande-Bretagne, le président du JIC est le chef en titre du milieu du renseignement, mais on a toujours été des plus hésitants à lui accorder un rôle proconsulaire dans un système collégial de nature.

Il existe donc des postes supérieurs pertinents dans les deux systèmes, mais leur influence est, exceptionnellement, tributaire des qualités personnelles de leurs titulaires respectifs et des appuis reçus d’" en haut ". Dans les objectifs présidentiels énoncés récemment, on prévoyait accorder plus de pouvoir au DCI, mais on ne donnait aucun indice sur la façon dont on comptait y parvenir. En Grande-Bretagne, les choses sont plus tranchées. Dans le cadre de la réorganisation au centre, Sir David Omand a, récemment, joint les rangs de ce qui fait presque office de dyarchie à l’échelon ultime du Cabinet Office, où il est chargé de la coordination de tous les dossiers relatifs au renseignement et à la sécurité, antiterrorisme compris. Cela ne résout pas le problème de la responsabilité et du soutien ministeriels dans un régime de gouvernement de type britannique, mais on renforce ainsi assurément le poids du centre au niveau officiel. Les comités ont leur place, mais les menaces terroristes vont vraisemblablement intensifier la tendance, au sein du gouvernement, à cerner les responsabilités personnelles.

Ainsi, dans les deux régimes, et peut-être même dans ceux des autres nations anglophones, l’antiterrorisme pourrait bien avoir pour effet non pas le changement des structures officielles du renseignement, mais l’habilitation de facto des titulaires des postes de niveau supérieur évoluant au centre. Aux États-Unis, l’actuel DCI, nommé par Clinton, continue à remplir ses fonctions sous l’administration Bush. Doit-on y voir un précédent qui se traduira par une continuité et des pouvoirs accrus ? Jusqu’en 2001, au Royaume-Uni, tous les présidents du JIC émanaient du Foreign Office - où leur mission s’assortissait d’autres tâches. S’ils représentaient nécessairement un gain pour le renseignement en raison de leur calibre supérieur, ces gens plein d’avenir avaient aussi tendance à n’être que des oiseaux de passage. Depuis la période qui a précédé immédiatement le 11 septembre, le poste est occupé, et c’est une première, par un professionnel du renseignement à plein temps qui, sans doute, restera en place un bon moment. Les événements s’étant déroulés depuis ont ravivé les impératifs, d’abord formulés en 1947, voulant que le président de cet organisme devait avoir un poste assuré pour une période suffisante et bénéficier d’un personnel de soutien adéquat " s’il voulait insuffler plus de vigueur et donner plus d’influence à l’ensemble de nos services de renseignements " [14]. (trad. libre).

Mais son omniprésence aidant, peut-être l’antiterrorisme mettra-t-il en relief le leadership que doit exercer le renseignement et, parallèlement, la nécessité d’une continuité au niveau des fonctions et d’une préparation adéquate du titulaire - préparation échelonnée au fil des postes précédemment occupés. Éventuellement, le dirigeant national du renseignement pourrait jouer un rôle reconnu et être réputé professionnel au même titre que les chefs des autres services gouvernementaux spécialisés, ce qui, bien sûr, réduirait l’autonomie des organismes en cause et pourrait soulever des problèmes particuliers ; mais le climat de l’après-11 septembre donne à tout le moins aux gouvernements l’occasion d’offrir cette possibilité au milieu. Mais dans un siècle caractérisé par la rapidité du changement, à quoi ressemblera vraiment le milieu du renseignement ?

Quel milieu du renseignement ?

Le renseignement forme une manière de vaste chapelle ; il n’existe pas de définition officielle des dossiers qui lui seraient interdits. Le JIC britannique a pour mandat d’évaluer à peu près tout et, lorsqu’il traite de questions qui ne relèvent pas de ses compétences habituelles, il peut s’enrichir de représentants d’autres services. Mais en pratique, c’est lorsqu’il a à traiter d’éléments ressortissant aux menaces, aux mises en garde, à la violence, aux troubles internationaux et à la guerre qu’il est le plus dans son élément et que son influence est la plus forte. Washington a eu tendance à adopter une vision plus large (ex. : la production, par la CIA, d’études de prospective sur les tendances mondiales). Mais au moins jusqu’à la fin de la guerre froide, on admettait généralement, dans les pays de langue anglaise, que les services de renseignements étaient des plus utiles pour tout ce qui relevait, d’une façon ou d’une autre, de la sécurité nationale, plus facilement définie dans un contexte intérieur que dans un contexte extérieur.

Ce tableau d’ensemble a subi certaines modifications dans la décennie 1990. On s’est intéressé au renseignement de nature économique, secteur qu’on estimait en pleine croissance et qui, au bout du compte, n’a pratiquement pas bougé. En évolution, les liens entre le renseignement et les autorités chargées de l’application des lois, surtout les services de police, d’immigration et des douanes, se sont révélés plus prometteurs. Ils n’étaient pas nouveaux en soi, mais on les a étoffés, à la fois au Royaume-Uni et aux États-Unis, pour permettre aux organismes de renseignements de bonifier la collecte de données sur le trafic des stupéfiants, le blanchiment d’argent et d’autres activités liées aucrime organisé, notamment à l’échelon international. Les stupéfiants sont devenus un domaine d’intervention incontournable pour la CIA et, en matière de collecte, la grande priorité du JIC, qui a d’ailleurs produit des rapports sur le sujet. Selon des médias, le BSS aurait été chargé de fouiller les aspects occultes de la corruption au sein des services de police et le BSIS aurait hérité de la tâche de pister ceux qui organisaient l’immigration illégale, élément qui a également glissé dans la sphère d’activité du JIC. Parfois, même, on a mis le renseignement militaire à contribution pour fouiller des activités criminelles, comme ce fut le cas en Bosnie et au Kosovo, lorsque les forces de maintien de la paix ont eu besoin de se renseigner sur la mafia locale et internationale.

Parallèlement, le renseignement lui-même se transformait, en quelque sorte, en un nouveau champ de spécialisation au sein même des organismes d’application de la loi. En Grande-Bretagne, des indices portaient à croire qu’il donnait naissance à une communauté propre, dirigée et coordonnée par le nouveau National Criminal Intelligence Service (NCIS). Dans ce pays, à tout le moins, le " maintien de l’ordre par le renseignement " est devenu le leitmotiv qu’on ressert à tout propos pour réclamer une meilleure efficacité de la police. On reconnaît les intérêts communs entre l’ancien et le nouveau milieux du renseignement à la participation du NCIS aux réunions du JIC. Tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis, les organismes de renseignements existants procèdent à des échanges de données sur le crime international avec les services qui ont succédé au KGB dans l’actuelle Russie. Ainsi, même avant le 11 septembre, il y avait place aux suppositions quant aux futures démarcations entre nouvelle et ancienne fournées du renseignement et à la possibilité qu’à long terme, les deux volets en arrivent à fusionner, surtout dans l’optique où les crimes complexes débordaient de plus en plus les frontières des États pour devenir internationaux, tout spécialement en Europe et probablement dans les deux Amériques.

L’antiterrorisme vient encore nourrir pareille hypothèse. Il donne lieu à une étroite coopération entre les deux ensembles d’organismes particulièrement importants. Les forces de police contribuent au premier chef au renseignement sur le terrorisme et comptent parmi ses premiers consommateurs. Mentionnons qu’en Grande-Bretagne, l’analyse du financement du terrorisme est avant tout l’affaire du NCIS, que les effectifs du National Counter Terrorism and Security Office proviennent tant des services de police que du Security Service et que des représentants de ce dernier font partie intégrante de la Police International Counter Terrorist Unit. Aux États-Unis, la nécessité d’une meilleure coopération de cette nature figurait parmi les thèmes du message annuel du président - message dont on a déjà parlé. En règle générale, les terroristes ne sont pas des criminels au sens propre du terme, mais l’infrastructure même à laquelle ils sont assujettis les rend susceptibles de participer à diverses formes d’activités criminelles et d’actes illégaux.

Bien sûr, toute démarche officielle visant l’intégration et l’utilisation à diverses fins des renseignements personnels que détiennent les gouvernements sur leurs ressortissants soulève de grandes questions de principe. Une manière d’" anxiété libertaire " entoure le programme américain de recherche Total Information Awareness, dans le cadre duquel on envisage de retracer les terroristes en appariant, entre autres choses, passeports et demandes de visa, dossiers criminels et scolaires, registres des logements, renseignements sur les voyages et sur les transports et, finalement, données indissociables de l’identité personnelle (empreintes digitales et rétiniennes, par exemple). Même s’il n’est pas relié à la sécurité, l’objectif que poursuit l’actuel gouvernement britannique - recourir aux TIC pour établir des liens entre les divers services qu’il offre auxcitoyens (ou, si l’on veut, mettre en place un " gouvernement intégré ") - a soulevé des craintes semblables à celles qu’a illustrées Orwell dans 1984. En termes institutionnels, la nécessité de contrer le terrorisme pourrait bien, pourtant, nous inciter à étoffer les milieuxtraditionnels du renseignement en étendant leur représentation et leurs responsabilités au domaine de l’application de la loi.

Même dans le contexte d’une révolution de l’information, de telles modifications d’envergure n’iraient pas sans soulever des objections substantielles. La différence fondamentale est indissociable d’une part de la principale préoccupation des services de police, soit la perpétration d’activités criminelles dites " normales " en vue d’en tirer unprofit financier et, de l’autre, du recours à la violence, par les terroristes, pour arriver à des fins politiques. En Grande-Bretagne, il serait surprenant que le JIC en vienne à intégrer, comme membre à part entière, le NCIS et d’autres organismes d’application de la loi et qu’on lui confie un jour, entre autres responsabilités permanentes, d’importants secteurs de la répression de la criminalité, ce qui serait d’ailleurs, tout compte fait, peu souhaitable et peu probable. D’un autre côté, l’expérience américaine - qui fait apparaître la nécessité de mettre en commun renseignements étrangers et données nationales - semble si convaincante qu’il serait étonnant que la création du nouveau Département de la sécurité intérieure ne donne pas lieu à des bouleversements. Chose certaine, l’antiterrorisme accentue l’interdépendance du (vieux) milieu du renseignement et de son (nouveau) vis-à-vis du champ d’application de la loi. Le renseignement traditionnel a toujours eu des frontières quelque peu floues et les impératifs associés à l’application de la loi et à l’antiterrorisme ne viennent pas clarifier les choses.

Une dimension internationale, d’accord... mais jusqu’où ?

Même si l’on fait abstraction de la contribution aux volets étrangers et nationaux d’application de la loi, force est de reconnaître que la collaboration avec l’étranger avait acquis de plus en plus de place dans les activités normales des services de renseignements avant le 11 septembre. Évidemment, les liens avec l’étranger n’ont rien de neuf : ils constituaient déjà une caractéristique non négligeable des alliances occidentales du temps de la guerre froide et on les a approfondis dans les années 90. Le terrorisme international constituait déjà, alors, un objectif prioritaire. Les interventions gouvernementales mettant à contribution l’aspect militaire se faisaient aussi de plus en plus multilatérales de nature - comme dans l’ex-Yougoslavie - et s’articulaient de façon croissante autour du renseignement. Il en allait de même des efforts internationaux visant à surveiller et à contrer la mise au point des armes de destruction massive et autres menaces. Il y a eu, par la suite, mise en commun de plus en plus grande des renseignements. Avant le 11 septembre, la CIA entretenait déjà des relations avec 400 organismes de renseignements et de sécurité étrangers. À la même époque, le FSB russe (l’ex-KGB, équivalent du SCRS) affirmait que quelque 80 missions représentant les services spéciaux de 56 pays oeuvraient en permanence à Moscou et qu’il avait conclu des ententes officielles avec 40 partenaires étrangers dans 33 pays [15]. Jusqu’à ce qu’elle se retire de l’Irak, en 1998, la CSNU aurait, dit-on, obtenu des renseignements de quelque vingt pays sur le non-respect des sanctions et la mise au point d’armes par l’Irak.

Mais les événements du 11 septembre ont survolté cette internationalisation. Ils ont convaincu les États-Unis que même s’ils étaient une superpuissance en matière de renseignements, ils ne pouvaient, seuls, réussir à contrer le terrorisme. Pratiquement chaque nation est capable de fournir des renseignements uniques sur le terrorisme mondial en mettant à profit dossiers nationaux et sources humaines et techniques - qu’on pense, simplement, à l’écoute téléphonique. Dans la résolution 1373 adoptée immédiatement après le 11 septembre, le Conseil de sécurité demandait expressément qu’on procède à de tels échanges - que, dans le style onusien, on associait encore à l’" information ". Les États-Unis ont noué un réseau de nouvelles relations antiterroristes. La Grande-Bretagne a fait de même, comme en témoignait, notamment, l’annonce Blair-Poutine de décembre 2001 concernant la mise en place d’un nouveau mécanisme anglo-russe pertinent. Un an plus tard, en septembre 2002, le message du président confirmait officiellement que les Américains entendaient coordonner étroitement leurs démarches avec leurs alliés en vue d’en arriver à une évaluation commune des menaces les plus dangereuses. Le BSS, l’organisme britannique qui est obligatoirement le plus tourné vers l’intérieur, disait disposer, à l’étranger, de plus d’une centaine de liens [16].

Le passage vers une meilleure coopération n’a pas toujours été constant. Oscillant entre deux pôles - le premier incitant à solliciter le soutien international et l’autre à faire cavalier seul -, les politiques américaines influent à n’en pas douter sur le climat des services de renseignements, comme sur tout le reste. Depuis le 11 septembre, quoi qu’il en soit, l’intensification de la collaboration intergouvernementale des services de renseignements, parfois entre alliés improbables, a bouleversé du tout au tout ce qu’on avait jusqu’alors tenu instinctivement, malgré les liens avec l’étranger, pour une activité nationale fondamentalement isolée, s’exerçant dans la réclusion, profondément ancrée dans le secret et ressortissant aux intérêts nationaux (une manière de match spécial à somme nulle entre États, axé sur le renseignement, à cent lieues, en un sens, de la trame officielle des relations internationales ou, si l’on veut, le " fait de gens spéciaux évoluant dans des cases spéciales "). Par contraste, la collaboration entre les services de renseignements fait, désormais, aussi souvent la manchette des médias que les ancienséléments des relations internationales.

Dès lors, la coopération ajoute peut-être un autre facteur à l’évolution radicale du concept sous-tendant le renseignement pris dans son ensemble. Les événements du 11 septembre ont mis en relief les aspects cachés et la nécessité du secret, mais ils doivent aussi avoir renforcé la tendance, déjà apparente dans les années 90, à s’éloigner du ciblage gouvernemental de ce que l’ère victorienne appelait les " États civilisés " pour se concentrer plutôt sur des entités non étatiques - y compris des organisations terroristes -, sur des États et situations posant problème, sur des États parias qui déparent l’échiquier international (surtout ceux qui appuient ou qui abritent le terrorisme). L’importance qu’on accorde aux unités formant cette nouvelle catégorie - dont Al Qaida, l’Irak et la Corée du Nord sont des exemples types - a pour corollaire une réduction de la couverture des États " normaux ", couverture qui constitue ce fameux adjuvant de la diplomatie et des négociations classiques ou, encore, le " dix pour cent " qu’ajoute le renseignement clandestin aux rapports diplomatiques réguliers, selon un éminent diplomate britannique.

De là s’est concrétisée la possibilité d’un nouveau paradigme pour les services de renseignements. Dans le système international composé d’États (normaux), le renseignement se transforme pour devenir non plus une lutte à somme nulle, mais une activité de coopération dirigée contre des menaces/préoccupations communes. Même les grands désaccords de nature politique - comme, au moment de la rédaction du présent texte, au regard des mesures à prendre face au refus de Saddam Hussein de se plier aux inspections de l’ONU - reposent sur des preuves mises en commun (ou partiellement mises en commun). Le renseignement fournit désormais la matière première aux discours publics et intergouvernementaux à l’échelle de la planète. En matière de renseignement, le paradigme de la coopération (au niveau des activités et de l’interprétation) se voulait implicite dans les faits nouveaux qui ont émaillé les années 90, mais, à la lumière des événements du 11 septembre et de ceux qui ont suivi, il nous est désormais loisible de l’orchestrer.

On a débattu, ailleurs [17], des résultats possibles de l’existence de ce nouveau paradigme pour ce qui touche à la collecte de renseignements à l’échelle internationale et à l’acquisition d’une capacité d’analyse multilatérale et mondiale. Il y a déjà eu des activités de collecte sous l’égide de l’ONU : unités tactiques des Casques bleus au Congo, opérations dans l’ex-Yougoslavie, sorties des U-2 américains au-dessus de l’Irak sous contrôle de la CSNU et de la COCOVINU. Mais il est peu probable que cette orientation devienne la principale tendance. Pour la plus grande part, les activités de collecte de renseignements demeureront nationales, mais elles s’assortiront d’éléments internationaux plus officiels - la mise en commun des renseignements et l’analyse des résultats, par exemple. Le milieu du Royaume-Uni/États-Unis/Commonwealth dispose depuis longtemps d’arrangements prévoyant la participation commune à des démarches d’appréciation des renseignements (à l’instar du JIC). Il n’existe aucune raison intrinsèque qui empêcherait le Conseil de l’Atlantique Nord de disposer d’un mécanisme semblable regroupant une équipe internationale du renseignement. Rien n’interdirait non plus au Conseil de sécurité d’avoir pareil instrument à sa disposition, encore que dans ce cas précis, il faudrait parler d’" analyse " et non de " renseignement ". Aujourd’hui (13 février), on rapporte que la COCOVINU a convoqué en réunion de spécialistes des missiles de six pays qui, de concert avec sa propre équipe d’analystes, évalueront les preuves de l’existence des missiles irakiens. Ne peut-on voir là une équipe d’évaluation internationale de facto ?

Le développement d’un tel mécanisme officiel, axé sur la coopération, semble utopique : non seulement assimile-t-on encore trop le renseignement à une chasse gardée nationale, mais encore cela supposerait : que les États acceptent de réduire encore l’importance de la collecte intrusive les uns par rapport aux autres, reconnaissant qu’une sorte de " contrôle du renseignement " faciliterait la coopération et libérerait des ressources - qu’on pourrait consacrer à de nouveaux objectifs -, que le renseignement n’est pas automatiquement associé à des activités secrètes et que les gouvernements du monde entier en viendraient à escompter une manière de sincérité professionnelle des services de renseignements et cesseraient de les tenir pour des instruments politiques. Le KGB voyait dans la collecte de renseignements une forme spécifique de lutte politique utilisée par les organismes de renseignements d’un État pour aider celui-ci à s’acquitter de ses fonctions internes et externes [18]. Dépouillée de son idéologie, cette façon de voir est encore largement répandue dans le monde. Peu de gouvernements ou de grands publics croient que le renseignement n’est pas qu’un simple moyen d’intervention politique ou d’exploitation du pouvoir.

Au fil du temps, cependant, les nations et leurs leaders peuvent modifier presque du tout au tout leurs hypothèses de travail. Au sein du monde du renseignement lui-même, les moyens techniques nationaux de collecte de l’information (euphémisme qui désigne le SIGINT et l’imagerie) ont vu leur cote de légitimité s’accroître de façon absolument imprévisible dans le cadre du contrôle des armements stratégiques américano-soviétiques pendant la guerre froide et des accordsinternationauxultérieurs [19]. Avant le Siècle des lumières (le XVIIIe siècle), la guerre entre États était, de façon générale, une activité presque automatique, inscrite dans l’ordre naturel des choses. C’est sans doute à Kant que revient l’honneur d’avoir perçu que la paix pouvaitêtre autre chose qu’une pieuse aspiration [20]. Au XIXe siècle, la Croix-Rouge s’est développée dans le sillage d’une initiative privée qui, gagnant en popularité, a fait bouger les gouvernements [21] . La Conférence de la Haye, en 1899, qui a fortement contribué au droit de la guerre, découlait d’une démarche inattendue du Tsar, qui réagissait sans doute à la lecture d’un ouvrage sur les guerres de l’avenir [22]. Les vues du pouvoir militaire lui-même amorcent une mutation semblable. Par exemple, la vision où l’auteur (britannique) imagine des soldats professionnels de la démocratie contrant la violence au nom de la société internationale, " ... d’honorables guerriers recourant à la force au nom de la paix " [23] (trad. libre). Sous réserve des ajustements qui s’imposent, la menace terroriste éveille une perspective similaire du renseignement. Ainsi, tout comme les événements du 11 septembre ont amené les gouvernements à alléger les barrières àl’information au sein de leurs propres systèmes nationaux pour améliorer la coopération entre organismes, ils ont fait ressortir la nécessité d’envisager le renseignement davantage dans une optique commune de coopération internationale.

Conclusion

Le 11 septembre 2001 a fait du renseignement antiterroriste une priorité incontournable, que nous ne pourrons respecter que dans un climat d’intensité qui s’apparente presque à celui du temps de guerre. Cette priorité ne sera pas transitoire et aura une grande incidence sur la nature mondiale du renseignement. Parallèlement, ce dernier s’inscrit dans la révolution des technologies de l’information et des communications (TIC), une révolution qui, bizarrement, arrive à point nommé si l’on veut satisfaire aux besoins, propres à l’antiterrorisme, de détection de liens dans de vastes plages d’information où se côtoient maints types de données. Une révolution qui, enfin, modifie aussi les organismes, les relations et les milieux d’une façon plutôt radicale. Vouloir en tirer pleinement profit dans la lutte contre le terrorisme remet obligatoirement en question les structures et les frontières - déjà vieilles - des services de renseignements et le cloisonnement qu’elles suscitent.

Face au terrorisme international, il pourrait sembler logique de procéder à une réorganisation où l’on fusionnerait, en un seul organisme axé sur les TIC, tous les services de renseignement étrangers et de renseignements de sécurité afférents, mais une telle démarche serait, en fait, superficielle. Le remède au cloisonnement réside plutôt dans des adaptations culturelles de divers types visant à favoriser une conscience accrue du milieu du renseignement, élément indispensable au développement de systèmes des TIC enjambant les frontières entre organismes. Promouvoir cette prise de conscience exigera du leadership de la part des services centraux de renseignements, tout comme la nécessité de tenir compte du rythme affolant avec lequel doivent composer les gouvernements modernes et de satisfaire aux demandes de ceux-ci en matière de renseignement. Les comités continueront à avoir leur place, mais les gouvernements s’attendront de plus en plus à ce que les principaux responsables de leurs services de renseignement soient dotés de la pleine et entière responsabilité pour ce qui touche à leur milieu national du renseignement.

Ces milieux eux-mêmes subiront des transformations qui obéiront à d’autres impulsions. La lutte contre le terrorisme mettra en relief le caractère indispensable de liens accrus avec les services d’application de la loi et leur nouveau milieu du renseignement spécialisé et, sous un autre aspect, les services qu’elles offrent acquerront une dimension qui ira en s’internationalisant. Ils resteront des institutions nationales, mais on les assimilera de plus en plus à des piliers de la coopération entre États en vue de la réalisation d’objectifs communs - surtout mais pas exclusivement afférents à la lutte contre le terrorisme. Il s’agira, en un sens, d’une ligne de défense dont disposeront les États pour contrer les menées d’ennemis non étatiques. Ils demeureront profondément influencés par la nécessité du secret inhérente à l’antiterrorisme tout en étant, parallèlement, adaptés au besoin d’une collaboration transfrontalière/sectorielle accrue - avec les intervenants de leur propre milieu, avec les organismes d’application de la loi et d’autres entités actives dans la lutte au terrorisme, avec leurs homologues étrangers et avec les responsables des mécanismes d’évaluation spécialisés de l’OTAN, de l’ONU et d’autres plafeformes régionales et internationales.

Source : Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)

Cette Note de synthèse a été rédigée par Michael Herman. Déclassifiée, elle a été publiée dans Commentaires.

Michael Herman (MHe24@aol.com) a été au service du gouvernement britannique de 1952 à 1987. Il collabore aujourd’hui avec l’Université d’Aberystwyth et avec le College Oxford de St Antony. Il a publié Intelligence Power in Peace and War (1996)et Intelligence Services in the Information Age (2001).

[1Bruce D. Berkowitz et Allen E. Goodman, Best Truth : Intelligence in the Information Age, New Haven et Londres, Yale University Press, 2000, p. 98.

[2Security Monitor (RUSI Londres), premier numéro, 2002. Les citations sont tirées de cet article.

[3Gregory F.Treverton, Reshaping National Intelligence for an Age of Information, Cambridge University Press, 2001.

[4Michael Herman, British Intelligence towards the Millennium, Londres, Centre for Defence Studies, pp.64-65.

[5S. Rimington, Richard Dimbleby, conférence, Security and Democracy, Londres : BBC Educational Developments, 1994, p. 9.

[6Allocution de Robert Steele, St Antony’s College Oxford, 12 juin 2002.

[7Je suis reconnaissant à feu le colonel Kevin Cunningham, US Army War College, pour ses commentaires éclairés.

[8L’actuel Secrétaire américain à la défense se serait plaint du fait qu’une séance d’information sur la défense nationale antimissile tenue récemment était chaotique, car aucun analyste n’était en mesure de présenter une vue globale, et ce, en raison du compartimentage.

[9Treverton, p. xiii.

[10Treverton, p. 249.

[11E. Bardach, Getting Agencies to Work Together : the Practice and Theory of Managerial Craftsmanship, Washington, Brookings Institute, cité par Wayne Parsons, " Modernising Policy-Making for the Twenty-First Century : the ProfessionalModel ", Public Policy and Administration, vol. 16, no 10 (automne 2001).

[12Michael Herman, Intelligence Power in Peace and War, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 112.

[13Michael Herman, Intelligence Services in the Information Age, Londres, Cass, 2001, p. 193.

[14Rapport Evill de 1947 sur le JIC, cité dans Intelligence Services in the Information Age, p. 114.

[15Article du directeur du FSB, N. Patrushev, Service national de l’information de la Russie, 20 décembre 2001.

[16MI5 : The Security Service, publication officielle, quatrième édition, 2002, p. 26.

[17Michael Herman, " 11 September : Legitimizing Intelligence ? ", International Relations, vol. 16, no 2 (août 2002).

[18Vasiliy Mitrokhin, KGB Lexicon : The Soviet Intelligence Officer’s Handbook, Londres, Cass, 2002, p. 200.

[19Survolhistorique dans Intelligence Power in Peace and War, pp. 159-62.

[20Citations de M. Howard, The Invention of Peace : Reflections on War and International Order, Londres, Profile Books, 2000, pp. 13 et 31.

[21Pam Brown, Henry Dunant : les gens qui ont aidé l’humanité, Montréal, L’Étincelle, 1989.

[22G. Best, " Peace Conferences and the Century of Total War : The 1899 Hague Conference and What Came After ", International Affairs, vol. 75, no 3 (juillet 1999), p. 622.

[23Conclusion dans J. Keegan, War and Our World, Londres, Hutchinson, 1998 (Conférences Reith de 1998), p. 74.