Introduction

Depuis les années 80, les activités de prolifération de la Chine comprennent l’exportation d’armes et de matériaux liés à la production d’armes conventionnelles, nucléaires et chimiques, de missiles balistiques et de croisière, ainsi que de technologies liées à la production et d’assistance technique. Le présent rapport examine brièvement la relation entre le complexe militaro-industriel de la RPC et ses activités de prolifération. Il repose sur les documents de sources ouvertes disponibles en Amérique du Nord, dont les limites sont évidentes compte tenu du sujet traité. Une deuxième mise en garde s’impose : des changements importants ont été amorcés dans bon nombre des secteurs compétents en Chine, dont le cadre de réglementation, la bureaucratie chargée d’appliquer les règlements et les entreprises civiles et militaires engagées dans la production et le commerce des armes.

Amélioration de la position à l’égard de la non-prolifération...

La position de la Chine à l’égard de la non-prolifération s’est améliorée considérablement depuis dix ans. La RPC s’est engagée à l’égard des régimes multilatéraux de contrôle des armements en signant des accords comme le Traité sur la non-prolifération du nucléaire et la Convention sur les armes chimiques. Elle a aussi signé un certain nombre d’accords bilatéraux, notamment avec les États-Unis. Elle a renforcé les contrôles des exportations d’armes en adoptant son règlement sur le contrôle des exportations d’articles militaires en 1997 et ses lois sur le contrôle des exportations d’articles nucléaires à double usage et des technologies connexes l’année suivante. Ces règles avaient pour but de rendre le système chinois d’exportation d’armes plus transparent et codifié, d’améliorer les procédures de surveillance et de montrer que la Chine se conforme aux normes internationales. Toutes ces mesures semblent indiquer que les dirigeants chinois ont pensé aux intérêts de la Chine à plus long terme, conscients que la prolifération des armes de destruction massive pourrait nuire à ses propres intérêts, diminuer sa respectabilité à l’échelle internationale et menacer ses relations avec les États-Unis, relations dont elle dépend non seulement pour la technologie militaire dont elle a besoin pour sa propre militarisation, mais aussi pour d’autres technologies, investissements et marchés.

… mais poursuite des activités de prolifération

Des organismes chinois, y compris celui qui porte le nom désarmant de Shandong Arts and Crafts Corporation (Société des arts et métiers de Shandong), sont accusés d’avoir vendu à l’Irak des systèmes de guidage de missiles et des fibres optiques pour la défense antiaérienne pas plus tard qu’en 2001. Dans son rapport non classifié le plus récent sur la prolifération des armes, qui porte sur la période de six mois se terminant en juin 2002, la CIA dit craindre que la Chine ne fournisse presque toutes les catégories d’armes. Elle constate que le lien n’est pas rompu avec l’Iran et ne peut écarter la possibilité que des contacts soient maintenus avec le Pakistan dans le cadre de programmes d’armements nucléaires. Elle note que la Chine continue de fournir de l’équipement et de la technologie à double usage liés aux armes chimiques à l’Iran et des articles à double usage, des matières premières et de l’assistance technique en vue de la production de missiles à l’Iran, à la Libye, à la Corée du Nord et au Pakistan. Enfin, elle affirme que la Chine continue de fournir des armes conventionnelles perfectionnées, y compris des avions de combat, à plusieurs pays. La Chine n’est pas un intervenant important sur le marché international des armes, mais ses activités de prolifération n’en sont pas moins préoccupantes. Ses ventes contribuent à la proliférationdes armes de destruction massive, elle vend à des régimes " voyous " déstabilisants et elle vend des quantités considérables de technologies à double usage.

Tendances du marché

Les exportations d’armes de la Chine ont énormément diminué, tant en chiffres absolus qu’en pourcentage du total des ventes d’armes à l’échelle mondiale, depuis le milieu des années 80, lorsque les ventes étaient en moyenne de 2 milliards de dollars par année et que l’Irak à lui seul en achetait pour 5 milliards de dollars. À l’heure actuelle, les ventes sont estimées à environ 600 millions de dollars par année, bien que ce chiffre ait connu une pointe spectaculaire à environ 3 milliards de dollars à cause de ventes ponctuelles en 1999. Il y a plusieurs raisons à cette diminution. La plus importante est la réorientation de la demande mondiale vers les armes de pointe que la Chine est incapable de produire. En deuxième lieu viennent les engagements bilatéraux que la Chine a pris et qui restreignent les exportations de ses produits les plus concurrentiels, à savoir les systèmes de missiles balistiques et de croisière. C’est ainsi que les pressions exercées sur elle par les États-Unis pour qu’elle adhère au Régime de contrôle de la technologie relative aux missiles ont entraîné l’annulation de ventes de missiles M-9 à l’Irak. Enfin, la composition des ventes d’armes de la Chine change également : alors que dans les années 80 elle vendait un large éventail d’équipements et de matières nucléaires ainsi que des systèmes de missiles complets, aujourd’hui elle vend surtout de la technologie nucléaire, chimique et relative aux missiles à double usage. Elle ne connaît qu’un seul véritable secteur de croissance, celui des systèmes SAMs et SSMs de bas de gamme.

De plus en plus, la Chine est un fournisseur de dernier recours, approvisionnant les clients qui ne peuvent se payer des produits de plus haute qualité ou qui sont incapables d’avoir accès aux fournisseurs pour des raisons politiques. Par exemple, le Pakistan a acheté un avion de combat F-7 chinois parce qu’il faisait l’objet d’un embargo des États-Unis, parce que le marché russe lui était fermé en raison des liens plus étroits entretenus par Moscou avec l’Inde et parce que les avions de combats Mirage français étaient considérés comme trop coûteux. Elle est aussi un fournisseur de dernier recours en ce sens qu’elle fournit des armes qu’aucun autre pays n’est prêt à fournir, comme de l’équipement lié aux armes chimiques à l’Iran.

Pourquoi la Chine poursuit-elle ses activités de prolifération ?

Dans les années 80, Beijing s’est servi des transferts d’armes pour soutenir la bataille qu’elle livrait à Taïpei pour la reconnaissance diplomatique. Par exemple, elle a vendu des quantités importantes d’armes à l’Arabie saoudite au cours des années qui ont précédé la reconnaissance de la République populaire par ce pays. Cependant, cette bataille est en grande partie gagnée maintenant. Si la prolifération reste une part importante de la politique étrangère et de sécurité de la Chine de nos jours, c’est pour d’autres raisons. Ainsi, la Chine a cherché à renforcer les forces armées du Pakistan pour qu’elles lui servent de tampon contre l’Inde, qu’elle perçoit comme la principale menace en Asie du Sud. Elle a fait des transferts considérables vers des pays riches enpétrole de la région du Golfe pour accroître son influence politique et militaire sur la région et assurer ses futurs approvisionnements en pétrole. Cela fait partie de sa politique de sécurité énergétique, ainsi que d’une stratégie globale visant à contrer la puissance des États-Unis dans la région. Les Chinois se sont particulièrement intéressés au commerce des armes avec les pays dans lesquels les pétrolières américaines ne peuvent pas investir, comme le Soudan, l’Iran et autrefois l’Irak. Au cours des dernières années, la Chine a aussi établi un lien entre la prolifération et d’autres questions de politique étrangère, comme son opposition aux projets américains de bouclier antimissiles (NMD/TMD) et aux ventes d’armes par les États-Unis à Taïwan. Autrement dit, la Chine tente d’utiliser les transferts d’armes comme moyen de pression pour atteindre d’autres objectifs en matière de sécurité.

Le complexe militaro-industriel

Des considérations d’ordre économique sont une autre raison majeure pour laquelle la Chine poursuit ses activités de prolifération. Cependant, les ventes d’armes sont insignifiantes pour l’économie de la Chine dans son ensemble. Elles sont plutôt importantes sur le plan économique pour diverses entités à l’intérieur du complexe militaro-industriel, c’est-à-dire les organismes qui produisent et vendent les armes et les bureaucraties qui les réglementent. À l’heure actuelle, ces deux secteurs changent sans arrêt.

Le secteur de la production et la vente d’armes en Chine peut être subdivisé en deux éléments distincts : les entreprises militaires passées et présentes, comme le Groupe Poly, et les entreprises civiles de la défense, qu’elles soient gouvernementales ou privées, comme NORINCO et Huawei.

Pour arrondir les budgets militaires dans les années 80, l’armée chinoise a été autorisée à effectuer des opérations commerciales à but lucratif, aux termes de règles fiscales et d’investissement favorables. Vers le milieu des années 90, l’" APL Inc. " comprenait plus de vingt mille entreprises dans tous les secteurs, des affaires agricoles à l’électronique en passant par le tourisme et l’exportation d’armes. En 1998, préoccupés par la corruption et la discipline, les dirigeants ont ordonné à l’APL de se départir de ses entreprises à but lucratif en échange d’augmentations du budget militaire et ont déclaré peu après que le dessaisissement avait été un succès. Cependant, l’APL ne s’est pas retirée complètement de l’économie, tout comme les entreprises cédées n’ont pas rompu tous liens avec elle.

L’exemple de Poly Technologies, fondée dans le courant des années 80 par le fils d’un prévôt de l’APL et actuellement dirigée par le gendre de Deng Xiaoping, est particulièrement éloquent. Avant 1998, Poly était un des principaux exportateurs d’armes et de technologies de la Chine. Elle avait plusieurs filiales américaines chargées d’acquérir des technologies ainsi que des bureaux de représentants à Rangoon, Bangkok et Islamabad. Ses employés ont été impliqués dans la tentative d’entrée en fraude d’AK-47 aux États-Unis en 1996. Les répercussions de l’ordre de dessaisissement sur Poly ne sont pas totalement claires. Ses éléments liés au commerce des armes auraient été conservés par la Division générale des armements de l’APL, nouvellement créée, où ils ne peuvent pas facilement être assujettis à un contrôle civil.

Maintenant connue sous le nom de China Poly Group (Groupe Poly Chine), Poly s’est diversifiée en un vaste conglomérat, actif dans le tourisme, la construction des infrastructures et l’immobilier (elle a même joué un rôle d’intermédiaire pour la conclusion d’un marché visant à acheter des avions à réaction de Bombardier pour la compagnie aérienne chinoise administrée par l’APL). D’après les services de renseignements américains, la China Poly Ventures Company (Société d’investissement Poly Chine), filiale de Poly, aurait transféré des technologies liées à la production des missiles balistiques à moyenne portée Ghauri du Pakistan en 1999, et peut-être plus tard. Les entreprises nouvellement indépendantes sont fortement motivées sur le plan économique à poursuivre les ventes d’armes, puisque leurs dirigeants sont maintenant responsables des profits et des pertes de l’entreprise. Bon nombre des gestionnaires de Poly et d’entreprises comme elle sont d’anciens militaires ou des parents, qui entretiennent toujours des liens étroits avec les hautes personnalités officielles, ce qui rend ces entreprises difficiles à contrôler. Par contre, le dessaisissement a probablement affaibli les relations bureaucratiques sur lesquelles s’appuyaient les activités de prolifération par le passé. Par exemple, auparavant, Poly aurait influencé des organismes liés à la production de défense et à l’approvisionnement militaire pour qu’ils surapprovisionnent l’arsenal de l’APL, Poly vendant ensuite les surplus à l’étranger à prix réduits. Il est improbable que Poly et les entreprises comme elle continueront d’exercer une telle influence, ce qui rendra leurs exportations d’armes moins payantes.

L’industrie civile de la défense est le deuxième élément de la production des armes en Chine. Il peut être subdivisé en deux : les entreprises qui appartiennent à l’État et le secteur privé, chacun étant probablement engagé dans les ventes internationales d’armes d’une façon légèrement différente. Les cinq principaux conglomérats de l’industrie de la défense appartenant à l’État n’ont pas de liens officiels avec l’APL et sont contrôlés par le Conseil des affaires d’État de la Chine par l’entremise de la Commission des sciences, de la technologie et de l’industrie pour la défense nationale (COSTIND). Protégé contre la concurrence pour des raisons politiques et de sécurité, le complexe industriel de défense appartenant à l’État est un secteur gonflé et inefficace, qui emploie environ 10 % de tous les travailleurs industriels de la Chine.

Conscients de la nécessité de réformer ce secteur, les dirigeants chinois ont annoncé en 1998 un plan de réforme générale. Contrairement au dessaisissement de l’" APL Inc. ", cette réforme était axée sur la conversion, l’objectif étant en réalité de diversifier la production pour fabriquer plutôt des produits civils. Des subventions massives ont été versées dans ce but. Le conglomérat de la défense le mieux connu est NORINCO, société formée à partir de l’ancien ministère du Matériel militaire (cinquième ministère des Équipements mécaniques), qui compte maintenant 800 000 employés travaillant dans plus de 200 filiales, dont 11 aux États-Unis. Bien qu’elle produise maintenant aussi des produits civils, ses produits liés aux armes comprennent des véhicules blindés, des obusiers, des mortiers, des lance-roquettes, des armes antichars, des systèmes de missiles antichars, de petites armes, des munitions, des explosifs et des systèmes de protection contre les armes nucléaires, biologiques et chimiques.

NORINCO et ses filiales suscitent depuis longtemps des préoccupations sur le plan de la sécurité. Dès 1984, le nom de l’entreprise figurait dans des documents sur les tentatives d’introduction clandestine en Chine d’articles de haute technologie liés au militaire en provenance des États-Unis. Trois employés de NORINCO ont été condamnés à des peines de prison en Chine dans l’affaire des AK-47 introduits en fraude aux États-Unis à la fin des années 90. NORINCO continue de vendre des armes conventionnelles à l’étranger. En mars 2000, elle a vendu pour 65,9 millions de dollars américains en armes, incluant des obus antipersonnel, des fusils d’assaut et des grenades, au gouvernement du Zimbabwe. Les améliorations apportées au char Al Zarrar T-59 du Pakistan, et annoncées récemment, ont été le résultat d’une coopération avec NORINCO. Plus récemment, le 23 mai 2003, le Département d’État américain a décrété une interdiction de deux ans des importations de produits de NORINCO et de ses filiales aux États-Unis, accusant l’organisme d’avoir vendu du propergol et des composants de missiles au Groupe industriel Shahid Hemmat, organisme du gouvernement iranien responsable de la mise au point et de la production de missiles balistiques. L’interdiction aura des répercussions sur au moins 200 millions de dollars américains en biens et, d’après les estimations de la CIA, jusqu’à cinq fois ce chiffre si les douaniers américains arrivent à identifier toutes les filiales de NORINCO, qui exporte tout, depuis les jouets et les souliers (Wal-Mart est un acheteur important) jusqu’aux pièces de rechange pour automobiles ou aux refroidisseurs en aluminium pour ordinateurs. D’autres entreprises de cette catégorie, comme la China Precision Machinery Import-Export Corporation (Société nationale chinoise d’import-export de machines d’usinage de précision) et la China Great Wall Industrial Corporation (Société industrielle chinoise Great Wall), sont parmi celles qui sont actuellement frappées par les sanctions prises par les États-Unis à la suite de transferts illégaux d’armes, de technologies et de matériaux à double usage à l’Iran.

Les producteurs de matériel de défense appartenant à l’État sont soumis à de fortes pressions pour que leurs opérations deviennent lucratives. Cependant, la conversion n’a pas toujours été très réussie, et de nombreuses entreprises ont été incapables de trouver des produits civils pour lesquels elles sont concurrentielles. Les risques qu’elles s’engagent dans des transferts d’armes sont alors plus grands. Qui plus est, dans le cadre du processus de conversion, le nombre des entreprises a beaucoup augmenté, ce qui rend la surveillance extrêmement difficile. D’après les rapports, même NORINCO est dans le flou quant au nombre de ses filiales dans le sud de la Chine. Les entreprisesde ce secteur ont encore de puissants clients à l’intérieur du gouvernement, de l’armée et du parti. La peur des conséquences de l’agitation sociale et du chômage à grande échelle qu’entraînerait l’insolvabilité de ces entreprises d’État assure le maintien des subventions et le relâchement de la surveillance. Par contre, pour des raisons historiques,la plupart des entreprises de cette catégorie sont incapable de produire les armes de pointe exigées par les acheteurs internationaux.

Outre les producteurs de matériel de défense appartenant à l’État, la Chine a des entreprises privées engagées dans la production de défense. Ainsi, l’entreprise de télécommunications Huawei, qui a des bureaux à Cuba, en Iran et en Birmanie, est un fournisseur important d’équipement de télécommunication à double usage. En 2001, sa filiale indienne a été accusée d’avoir adapté une commande pour le régime des talibans en Afghanistan. Toujours en 2001, Huawei a fourni à l’Irak des fibres optiques pour raccorder ses systèmes radar et antiaériens, ce qui a donné lieu à des bombardements américains et britanniques. Les entreprises privées de défense bénéficient aussi souvent de la protection de puissants clients. Huawei a été fondée par un ancien officier de l’APLet a profité de ventes rapides à cette dernière. Cependant, elle a aussi reçu un soutien de l’État sous la forme de privilèges fiscaux et de crédits parrainés par l’État parce qu’elle compte parmi les " champions nationaux " de la nouvelle technologie. Ses partisans comprennent le général en chef Yang Shangkun et le chef de la China International Trade and Investment Corporation (Société internationale chinoise de commerce et d’investissement), Wang Jun (qui est aussi président de Poly). Les entreprises privées sont plus susceptibles d’être lucratives que les producteurs de matériel de défense appartenant à l’État. Leurs activités de prolifération atteignent un autre niveau de complexité lorsque les entreprises étrangères qui cherchent à faire des affaires avec elles essaient de les protéger contre les sanctions américaines.

Armes et bureaucraties de contrôle des armements

Depuis 1998, la COSTIND est investie de la responsabilité ultime en matière de réglementation pour l’industrie de défense en Chine. Elle détermine quels biens militaires et nucléaires peuvent être exportés et supervise le processus d’octroi des licences d’exportation. Cependant, la façon dont la COSTIND évalue ce processus n’est pas claire, ni la façon dont elle consulte d’autres organismes compétents, comme la Division générale des armements de l’APL et le Bureau des affaires étrangères du ministère de la Défense nationale (le bruit court que ces deux derniers organismes se livrent une guerre de territoire). La mesure dans laquelle des organismes à Beijing peuvent contrôler ce que font les entreprises dont il a été question ci-dessus est une question plus fondamentale encore. Cette question a fait l’objet d’un long débat, quoique, comme le signale une récente étude de la Rand Corporation, le gouvernement chinois ait toujours affirmé qu’il ne contrôle pas toutes les activités de prolifération des entreprises chinoises, et que toutes les exportations sont autorisées. La prolifération des entreprises causée par le dessaisissement de l’" APL Inc. ", la conversion de l’industrie civile de défense et la croissance du secteur non gouvernemental de la haute technologie font qu’il est certainement plus difficile pour l’état de contrôler les activités de prolifération. C’est particulièrement vrai pour les technologies à double usage. Dans l’affaire la mieux connue des dernières années, la China National Nuclear Corporation (Société nucléaire nationale chinoise) a vendu des aimants toriques à un laboratoire associé au projet pakistanais d’armement nucléaire. Ces aimants ne figuraient pas sur la liste des marchandises d’exportation contrôlée, et la valeur de la transaction était inférieure à la limite qui déclenche d’autres mécanismes d’examen.

À la fin de 2002, le gouvernement de la RPC a adopté une série de règlements plus détaillés sur le contrôle de l’exportation, dont le Règlement sur le contrôle de l’exportation des missiles et des articles et technologies liés aux missiles, le Règlement sur le contrôle de l’exportation des agents biologiques à double usage et de l’équipement et des technologies connexes ainsi que les Mesures sur le contrôle de l’exportation de certains produits chimiques et de l’équipement et des technologies connexes. Les mesures comprennent les systèmes de demande et d’octroi de licences, les dispositions relatives aux poursuites au criminel et les garanties des acheteurs et elles visent à renforcer les contrôles de l’exportation afin d’empêcher le détournement de technologies à double usage. Bien que le moment choisi pour publier ces documents ait sûrement été lié au sommet entre Jiang Zemin et George Bush, ils devaient néanmoins être en cours de rédaction depuis un certain temps. Évidemment, la rigueur avec laquelle ces nouveaux contrôles seront instaurés et exercés, et non les règlements eux-mêmes, en déterminera la portée en bout de ligne. À court terme, il est probable qu’il s’agira d’une question des plus importantes, le gouvernement chinois lui-même étant engagé dans une vaste campagne de rationalisation et de dégraissage de sa bureaucratie. Étant donné les incertitudes qui persistent au sujet du processus de réglementation, cela n’inspire pas confiance dans la capacité du gouvernement d’appliquer ses règlements.

Un groupe d’universitaires de Harvard de passage en Chine en janvier 2003 a rapporté des informations prouvant qu’enfin le gouvernement chinois ne plaisante pas avec la prolifération. Outre les règlements de 2002, ces preuves comprennent des déclarations de sources fiables selon lesquelles les nouveaux dirigeants de la Chine ont l’intention de séparer le contrôle des armes des autres préoccupations liées à la sécurité dans les négociations avec les États-Unis, et la mutation de l’intransigeant Sha Zukang qui n’est plus chef du bureau de contrôle des armes du ministère des Affaires étrangères. D’après les universitaires, Hu Jintao est déterminé à contrôler les armes parce que cela se répercute sur la réputation internationale de la Chine, qu’il lui faut améliorer les relations avec les États-Unis et qu’il est conscient des dangers de la prolifération pour les intérêts de la Chine à long terme.

La réaction de la Chine aux sanctions imposées à NORINCO est moins encourageante. Apparemment, Washington avait donné deux avertissements à Beijing l’an dernier au sujet des liens de NORINCO avec l’Iran, avertissements auxquels Beijingn’avait pas répondu. Le 27 mai, le ministère des Affaires étrangères de la Chine a réagi avec colère aux sanctions, soutenant que la Chine est un gouvernement responsable qui applique strictement ses propres règlements et niant que NORINCO soit venue en aide à l’Iran. Il est encore trop tôt pour dire si la position plus dure des États-Unis face aux activités de prolifération de la Chine persistera ou quels en seront les effets à long terme sur le comportement du gouvernement chinois et des producteurs d’armes chinois.

Comme l’examen qui précède le démontre, d’importants problèmes persistent. Si la prolifération comporte toujours certains avantages sur le plan de la sécurité, elle présente aussi de sérieux inconvénients sur le plan politique. Les considérations d’ordre économique sont minimales pour le pays dans son ensemble. Cependant, divers intervenants à l’intérieur du complexe militaro-industriel sont fortement motivés sur le plan économique à poursuivre les ventes d’armes, et bénéficient de faveurs importantes ainsi que d’une protection contre la surveillance à l’échelle nationale et internationale. Bien que prometteurs, les changements bureaucratiques et réglementaires apportés au régime d’exportation d’armes de la Chine ne sont pas suffisants en eux-mêmes pour limiter la prolifération. Tout dépendra de la rigueur avec laquelle les règlements seront appliqués et de l’érosion des liens étroits et complexes entre les producteurs d’armes, l’APL et les représentants officiels de l’État. Par conséquent, la possibilité de ventes d’armes illicites et d’autres formes de prolifération augmentera probablement à court terme, même si les perspectives d’une surveillance plus institutionnalisée sont meilleures à long terme.

Source : Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)