Le Parlement européen,

  vu l’article 104 de son règlement,
  vu l’article 17, deuxième alinéa, du traité UE,
  vu ses précédentes résolutions des 16 mai 2002 et 30 janvier 2003 sur l’Irak,
  vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1483 , 1500 , 1502 et
  vu les recommandations de la commission des affaires étrangères et de la sécurité (A5-0306/2003),

A. rappelant qu’un Irak démocratique, sûr et prospère n’est possible que si ce pays et son peuple utilisent à plein le remarquable potentiel du pays en termes de population, de ressources pétrolières et hydrauliques, et si la démocratie est rétablie ainsi que le plein respect des droits humains pour tous, les principes de bonne gouvernance et de l’État de droit ; soulignant que ce n’est qu’à cette condition que l’Irak pourra retrouver la place qui lui revient au sein de la communauté internationale,

B. rappelant que les ressources naturelles de l’Irak, en particulier son pétrole, sont la propriété du peuple irakien, et que ce dernier doit pouvoir contrôler ces ressources naturelles ;

C. réaffirmant la responsabilité fondamentale de la communauté internationale pour relever les défis de l’après-guerre en Irak en soutenant la sécurité intérieure et en faisant respecter la stabilité politique et les progrès dans ce pays, afin de rétablir le plus rapidement possible la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak dans le cadre d’un processus démocratique,

D. réaffirmant le rôle pilote et fondamental des Nations unies en Irak, notamment afin de conférer une large légitimité internationale à la démocratisation du pays, en garantissant la paix et la sécurité aux plans interne et régional, en créant le cadre multilatéral de la réponse internationale à la situation actuelle et en améliorant l’efficacité de l’aide internationale,

E. accueillant favorablement le changement d’attitude de l’Administration Bush à l’égard d’un engagement plus poussé de la communauté internationale dans le processus de paix et de reconstruction en Irak,

F. conscient de la nécessité d’élaborer et de présenter de toute urgence une position commune de l’Union européenne sur le rôle et les responsabilités des Nations unies, de l’Autorité provisoire de coalition (APC), du Conseil de gouvernement intérimaire irakien ainsi que du gouvernement provisoire récemment institué,

G. soulignant l’urgence d’un transfert de souveraineté aux Irakiens dans le cadre d’un processus pacifique par la mise en place, le plus rapidement possible, des conditions nécessaires de sécurité et de stabilité, ce qui favorisera par ailleurs la réhabilitation, la reconstruction et le développement économique urgent auquel a droit la population irakienne,

H. réaffirmant la nécessité de placer l’autorité entre les mains de l’Irak et de son peuple, en garantissant une consultation et une participation aussi poussées que possible du peuple irakien dans le processus de décision sur l’avenir du pays, et en favorisant le rétablissement de sa souveraineté,

I. soulignant que la réconciliation de toutes les communautés et leur participation équilibrée, le rétablissement de l’État de droit et d’un appareil judiciaire fonctionnel et fiable, ainsi que d’un système pénal et de maintien de l’ordre efficace, seront essentiels dans la promotion du développement de l’Irak et dans le rétablissement de son économie et encourageront l’investissement national et étranger,

J. soulignant que la sécurité et la stabilité en Irak et dans la région ne seront possibles qu’avec l’apport constructif et la coopération directe des pays limitrophes et d’organisations internationales régionales comme la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe,

K. condamnant fermement les attaques terroristes en Irak, absolument indéfendables puisqu’elles ont tué des Irakiens, le personnel en poste des Nations unies, et notamment le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies ainsi que des hauts dignitaires de la société irakienne, ainsi que des membres des forces de sécurité ; exprimant sa sympathie aux blessés et à leurs familles ainsi qu’aux familles des victimes, se félicitant de la résolution 1502 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui assimile à des crimes de guerre les attaques contre les Nations unies et leur personnel ainsi que contre les organisations humanitaires, et selon laquelle les responsables de ces attentats doivent être identifiés et traduits devant la justice,

1. recommande au Conseil de l’UE d’adopter de toute urgence, dans le cadre de l’accord international en cours, une position commune de l’Union européenne soulignant clairement qu’il importe de mobiliser l’aide internationale pour la stabilité et la reconstruction de l’Irak, et affirmant les idées forces politiques suivantes :

1.1 l’Union européenne maintiendra et, le cas échéant, renforcera son soutien au peuple irakien dans le cadre de son programme d’aide humanitaire et de ses programmes de reconstruction, en coopération directe avec les Nations unies et ses agences spécialisées ;

1.2 le rétablissement, pour le peuple irakien, de la sécurité et des services de base comme l’eau, l’électricité et le système de santé, le bon fonctionnement du système d’assainissement urbain et le développement d’un environnement économique réglementé, encourageant les petites et moyennes entreprises, doivent être la toute première priorité de la communauté internationale en Irak car il s’agit des conditions sine qua non d’une véritable reconstruction et du développement du pays ;

1.3 ces priorités doivent s’accompagner de toute urgence du rétablissement de l’ordre et de l’État de droit, afin de créer les conditions fondamentales de l’emploi et du développement économique et social ;

1.4 il importe également de promouvoir la mise en place de structures démocratiques et d’une société civile tenant compte de la nécessité, pour les forces démocratiques en Irak, de participer d’emblée au processus de transition ;

1.5 le renforcement d’un système démocratique légal, le fonctionnement d’un pouvoir judiciaire indépendant et le développement d’une politique résolue contre la criminalité organisée seront des conditions essentielles pour accélérer le processus de transition ; ils doivent comporter la possibilité d’une assistance technique de juges et d’experts internationaux ;

1.6 le transfert progressif de la propriété et de l’autorité civile et politique entre les mains du peuple irakien doit s’effectuer sous le patronage des Nations unies et dans le cadre d’un mandat clair des Nations unies pour une transition politique et économique de l’Irak ; il doit s’accompagner de l’adoption d’un agenda politique prévoyant l’élection d’une Assemblée constituante, de préférence avant la fin de 2003 ; cette Assemblée aurait pour mission d’arrêter une nouvelle Constitution pour l’Irak, État indépendant, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale réaffirmées à l’intérieur de frontières internationalement reconnues, et réuni sur la base de l’égalité des droits pour toutes les communautés composant sa population ; ce mandat comporterait également l’adoption de règles constitutionnelles exprimant les principes universels de démocratie et de respect humain, en particulier des différences ethniques et religieuses, de liberté d’association et d’expression et d’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

1.7 l’Union européenne doit, par le truchement de ses États membres siégeant au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, promouvoir cet agenda politique afin de transférer la souveraineté au peuple irakien et à ses représentants ; cet agenda politique doit être la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. À cette fin, il conviendra de procéder à un arrangement avec les États-Unis et, éventuellement, au sein de l’OTAN ;

1.8 la communauté internationale doit s’entendre, sur la base de ce calendrier politique clair, pour renforcer la sécurité intérieure en Irak au moyen d’une force militaire et de police multinationale mandatée par les Nations unies et bénéficiant de la contribution et de la coopération de l’OTAN ;

1.9 elle doit également renforcer de toute urgence l’engagement des forces militaires et de police irakiennes dans le fonctionnement des secteurs de la sécurité et de la défense de l’Irak par une formation et un entraînement appropriés, assortis de mesures connexes, de façon à pouvoir envisager le retrait des forces étrangères lorsque des élections démocratiques à tous les niveaux de l’administration auront eu lieu ;

1.10 pour ce faire, les forces politiques démocratiques irakiennes doivent participer plus activement au processus de transition ; en même temps, les institutions provisoires d’Irak, comme le Conseil intérimaire de gouvernement (CIG) et le gouvernement provisoire récemment désigné, seront remplacées dès que possible par un nouveau gouvernement élu, reconnu par la communauté internationale, afin que l’Irak exerce, pendant la phase de transition actuelle, ses droits internationaux au sein d’organisations internationales comme l’ONU, la Ligue arabe, le Conseil de coopération du Golfe, l’OPEP, etc. ; se félicite à cet égard de l’invitation faite au Conseil de gouvernement irakien à assister aux réunions de la Ligue arabe ;

1.11 toutes les mesures nécessaires doivent être arrêtées de toute urgence pour traduire les responsables de violations des droits de l’homme en Irak devant un tribunal international ad hoc pour l’Irak, ayant pouvoir de juger les dirigeants de l’ancien régime irakien ; ce sera, à l’adresse des Irakiens, un signal clair pour qu’ils profitent pleinement des avantages de la démocratie ; d’ici la mise en place d’une telle juridiction, un bureau d’enquête sur les violations des droits de l’homme serait institué sous les auspices des Nations unies afin de préparer les preuves nécessaires, le registre officiel des nombreuses violations perpétrées par l’ancien régime irakien ainsi que de toute violation des conventions internationales pendant et après le conflit ;

1.12 l’établissement de consultations et de contacts réguliers entre le Conseil de l’UE et le nouveau gouvernement intérimaire irakien, reconnu par la communauté internationale, doit s’accompagner d’une information régulière du Conseil et de la Commission sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la transition à la démocratie. Les représentants du nouveau gouvernement intérimaire devraient également prendre la parole devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen ;

1.13 l’UE doit promouvoir la convocation, dans le cadre des Nations unies, d’une conférence internationale sur l’Irak, afin de définir d’un commun accord la stratégie à long terme pour la stabilité et le désarmement au Proche-Orient ;

2. recommande au Conseil de l’UE de convenir avec le Parlement européen que la Conférence internationale des pays donateurs, prévue les 23-24 octobre 2003 à Madrid, sera précédée par la définition d’un cadre clair, accepté par la communauté internationale. À cet égard, les conditions suivantes devront être respectées :

  poursuite et, le cas échéant, renforcement de l’aide humanitaire substantielle déjà accordée par l’Union européenne au peuple irakien ;

  la gestion des ventes de pétrole irakien doit être conférée aux Nations unies (qui en seraient le gestionnaire) afin de financer, de définir et de mettre en œuvre la reconstruction de l’Irak dans le cadre d’un mandat des Nations unies jusqu’à ce qu’un gouvernement irakien prenne la relève le plus tôt possible ; à cet égard, l’aide internationale à la reconstruction et au développement de l’Irak devra être mise en œuvre dans le cadre d’un fonds fiduciaire international géré sous mandat des Nations unies ; la gestion de ce fonds respecterait les règles financières de l’UE, et notamment les principes de gestion saine et efficace ;

  toute assurance et tout engagement de l’Union européenne dépendront du modèle de développement économique à convenir pour l’Irak et du résultat d’une évaluation en profondeur des besoins réels, de la faisabilité et de l’opportunité politique d’un financement par l’Union européenne dans les domaines de la réhabilitation, de la reconstruction, de l’aide à la démocratie et au respect des droits de l’homme ainsi que de l’assistance technique ;

  la mise en œuvre de l’engagement de la Communauté européenne dépendra également de la capacité d’atteindre un niveau raisonnable de sécurité et de stabilité en Irak et de la désignation claire d’interlocuteurs irakiens, reconnus par la communauté internationale, en vue des négociations ;

  toute contribution substantielle de l’UE à la reconstruction et au développement de l’Irak ne doit pas se faire au détriment de l’aide à d’autres pays ou régions : l’aide accordée par l’UE sera financée dans le respect des procédures budgétaires et, si nécessaire, sur la base de toutes les possibilités prévues par l’accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 ;

3. invite par conséquent le Conseil, compte tenu des responsabilités que devra bientôt assumer l’Union européenne, notamment dans le cadre de la reconstruction de l’Irak, à désigner un représentant spécial de l’Union européenne en Irak ;

4. invite les membres permanents et non permanents de l’UE au Conseil de sécurité des Nations unies à agir, au sein des Nations unies, en conformité avec la nouvelle position commune formulée dans la présente recommandation ;

5. recommande au Conseil de l’UE de faire suivre la présente nouvelle position commune des actions communes nécessaires dans le domaine de la PESC et de s’accorder avec le Parlement européen sur les mesures à arrêter au titre des premier, second et, éventuellement, troisième piliers, notamment en ce qui concerne les adaptations jugées nécessaires au niveau des secteurs financiers et budgétaires de l’Union européenne ;

6. charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil et, pour information, à la Commission ainsi qu’au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil de sécurité des Nations unies, à l’Autorité provisoire de coalition en Irak, au Conseil de gouvernement intérimaire irakien et au gouvernement provisoire irakien.

Source : Parlement européen.
Référence : 2003/2178(INI)