Contre le terrorisme - Pour l’humanité

Permettez-moi de vous féliciter, Monsieur le Premier Ministre, et vous, Elie, d’avoir organisé cette conférence. Elle porte sur un thème d’importance fondamentale. Le terrorisme est une menace à laquelle les États Membres de l’ONU font face depuis longtemps, et l’Organisation les aide à le combattre sur plusieurs fronts. Récemment, elle a elle-même été la cible d’un attentat terroriste ignoble et cruel, et nous avons perdu de nombreux collègues et amis irremplaçables. La disparition de ces êtres exceptionnels m’attriste au plus haut point.

Pour lutter efficacement contre le terrorisme, et éviter d’errer dans cette entreprise, nous devons encourager, et non brider, le débat sur les façons de réagir. J’espère, dans mes remarques, offrir quelques idées propres à nourrir ce débat.

Le terrorisme, menace de dimension mondiale, n’est jamais justifié. Nul ne peut donner à autrui le droit de tuer des civils innocents. Le terrorisme ne sert aucune cause, aussi digne soit-elle : il ne peut que la pervertir, et donc lui nuire.

Le fléau du terrorisme appelle une réaction inflexible, mais cette réaction ne peut être émotionnelle : elle doit être réfléchie. La colère que nous inspirent les attentats terroristes ne doit pas nous empêcher de raisonner. Si nous voulons avoir le dessus, nous devons, dans notre propre intérêt, essayer de comprendre le phénomène, et analyser minutieusement les divers moyens d’action et leurs résultats.

Les experts qui se sont réunis à Oslo en juin pour préparer les débats d’aujourd’hui ont souligné, à juste titre, que les terroristes sont souvent des êtres rationnels et décidés qui élaborent des plans précis pour parvenir à des fins politiques. Rien ne sert de prétendre que tous les terroristes sont des déséquilibrés, ou que leurs décisions sont sans rapport avec la situation politique, sociale et économique dans laquelle ils se trouvent. Mais il est tout aussi erroné de se dire que les terroristes ne sont que le produit de leur environnement. Le phénomène est bien plus complexe que cela.

C’est aussi se bercer d’illusions que de croire que la force militaire peut à elle seule avoir raison du terrorisme. Le recours à la force est parfois la seule façon de neutraliser des groupes terroristes. Mais il y a bien d’autres choses à faire pour éliminer le terrorisme.

Le désespoir est le terreau du terrorisme. Les terroristes recrutent des membres et des partisans parmi ceux qui ne trouvent pas de moyens pacifiques et légitimes de faire entendre leurs griefs, ou ont l’impression d’avoir épuisé ces moyens. Ainsi, l’aliénation de la population profite à de petits groupes qui opèrent dans l’ombre.

Toutefois, le fait que quelques individus malfaisants tuent au nom d’une cause ne rend pas cette cause moins juste, pas plus qu’il ne nous dispense de l’obligation de répondre à des griefs légitimes. Au contraire, le terrorisme ne sera vaincu que si nous faisons le nécessaire pour régler les différends politiques et les conflits qui font qu’il trouve des adeptes. Si nous n’agissons pas dans ce sens, nous aurons fait nous-mêmes le jeu des terroristes que nous voulons neutraliser.

Il faut aussi se rappeler que, dans la lutte contre le terrorisme, les idées comptent pour beaucoup. Nous devons présenter une conception du monde plus convaincante que celle de certains terroristes qui, pour extrême qu’elle soit, ne manque pas d’impressionner. Nous devons bien faire comprendre, par nos paroles et par nos actes, que nous luttons contre les terroristes, mais aussi que nous luttons pour notre propre cause : celle de la paix, du règlement des conflits, des droits de l’homme et du développement.

Ce qui doit se profiler à l’horizon, c’est plus qu’une victoire sur le terrorisme. C’est un monde meilleur et plus juste. Pour cela, il nous faut un programme précis. C’est pourquoi la Déclaration du Millénaire, loin de perdre de son importance, ne fait qu’en gagner, et c’est pourquoi il est impératif que les promesses qu’elle contient se concrétisent.

Nous ne devons jamais, dans notre combat contre les terroristes, nous abaisser à les imiter. Les États doivent donc veiller à respecter les limites qu’impose le droit international humanitaire en ce qui concerne le recours à la force. Il y va de nos valeurs communes.

Paradoxalement, les groupes terroristes peuvent y gagner quand, en réaction à leurs actes de violence, les gouvernements vont trop loin et commettent eux-mêmes des atrocités, qu’il s’agisse de nettoyage ethnique, de bombardements aveugles dans des zones urbaines, de tortures infligées à des prisonniers, d’assassinats programmés ou de « dégâts subsidiaires » parmi les civils innocents. Ces actes ne sont pas seulement illégaux et injustifiables. Ils sont aussi susceptibles d’être exploités par les terroristes, qu’ils aideront à recruter des adeptes et à nourrir le climat de violence qui fait leur jeu.

C’est pour ces raisons, et pour bien d’autres encore, que j’estime que les droits de l’homme ne peuvent être sacrifiés au profit de la lutte contre le terrorisme. Il n’y a rien d’incompatible entre la défense des droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme. Au contraire, le principe moral qui sous-tend les droits de l’homme, celui d’un profond respect pour la dignité de chaque individu, est une de nos armes les plus puissantes pour combattre le terrorisme.

Transiger sur les droits de l’homme reviendrait à donner aux terroristes une victoire qu’ils ne peuvent obtenir eux-mêmes. La promotion et la défense des droits de l’homme, ainsi que le respect le plus strict du droit international humanitaire, doivent donc être les piliers de la lutte antiterroriste.

Pour lutter contre le terrorisme, il ne suffit pas de lutter contre les terroristes. Il faut aussi gagner les coeurs et les esprits. Pour ce faire, nous devons nous efforcer de régler les différends politiques, présenter et mettre en oeuvre un programme pour la paix et pour le développement, et promouvoir les droits de l’homme. 

Tout cela, nous ne pouvons bien le faire qu’ensemble, par l’intermédiaire des institutions multilatérales, principalement l’Organisation des Nations Unies.

Si nous nous laissons guider par ces principes, nous aurons l’avantage moral dans la lutte contre le terrorisme. Et, plutôt que d’offrir une victoire aux terroristes, nous leur signifions de façon croissante notre rejet de leurs méthodes et leur vision du monde.

Source : ONU
Référence SG/SM/8885