Dans la dernière décennie, il est devenu courant que les États-Unis critiquent un gouvernement étranger en affirmant que certaines de ses politiques ne seraient pas acceptées par les investisseurs globaux. C’est ce type d’argument que l’administration Bush a utilisé pour condamner l’arrestation de Mikhail Khodorkovsky alors qu’il aurait fallu dénoncer le tournant autoritaire de la politique russe. Les marchés ne peuvent pas remplacer la politique. Vladimir Poutine et son entourage se moquent des variations à court terme sur les marché financiers car leur objectif est bien plus large.
Ce qui est en jeu, ce n’est pas la direction d’une entreprise, c’est l’orientation du système politique russe. Poutine affirme combattre les trusts comme le faisait Teddy Roosevelt, mais ses méthodes contre un opposant sont plus celles de Brejnev ou de Mugabe. L’administration Bush ne veut y voir qu’un épisode de la transition de la Russie vers la démocratie mais, à l’approche des élections législatives, ce sont les deux seuls vrais partis démocratiques et réformistes russes qui pourraient disparaître de la Douma, privés du soutien de Mikhail Khodorkovsky.
Le président états-unien est fier de sa relation avec la Russie qui a servi les intérêts nationaux des deux pays en évitant les sujets périphériques sources de désaccords. Le président a cependant tort de penser que les changements politiques internes n’affecteront pas une relation qui n’est pas si solide que cela puisque dès que la Russie a pu s’opposer à la position états-unienne sans s’isoler sur la scène internationale, elle l’a fait.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Russian Realities », par Stephen Sestanovich, Washington Post, 20 novembre 2003.