Un défi extrêmement risqué

Question (Schlötzer) : Le regard que vous portez sur la Turquie a-t-il changé depuis les attentats à la bombe ?

Fischer : Mon regard n’a pas changé. Mais après ces crimes affreux, lorsqu’on voit les images d’Istanbul, on comprend que l’on se trouve face à un défi extrêmement risqué. Aujourd’hui, c’est la Turquie qui est touchée. Demain, cela peut être un autre pays. Nous devons donc réagir par une coopération au plan international.

Est-on en droit de penser que les actes terroristes en Turquie ont un rapport avec l’Allemagne ?

Non, rien ne me porte à le croire. Mais les traces sanglantes laissées par ce terrorisme en d’autres lieux nous montrent qu’il s’agit ici d’un défi international.

Les auteurs des attentats se réclament d’une interprétation radicale de l’Islam. À votre avis, la Turquie aurait-elle pour mission de mener également un débat sous un point de vue religieux ?

Il s’agit ici de l’abus d’une grande religion mondiale fondée sur des textes écrits. Il faut s’y opposer fermement, cela ne fait aucun doute. Cela concerne tout d’abord les croyants eux-mêmes et leurs représentants. Personne ne peut permettre que la religion, qui repose notamment sur le caractère sacré de la vie humaine, comme c’est le cas dans les trois grandes religions écrites, soit utilisée, avec ses promesses de salut, pour légitimer les crimes les plus abominables.

Vous avez déclaré que les actes terroristes n’influenceraient en aucune façon les chances d’adhésion de la Turquie à l’UE, ni dans le sens positif ni négatif. Mais si le débat continue de s’échauffer, le gouvernement fédéral restera-t-il sur ces positions ?

Oui, bien entendu. Les événements récents ont mis en évidence l’importance que revêt la Turquie précisément pour l’Europe et pour la sécurité européenne. De gros efforts sont nécessaires à long terme pour que la Turquie réussisse sa modernisation. Une Turquie moderne serait véritablement la preuve que l’Islam et la modernité, l’Islam et l’État de droit, cette grande tradition culturelle et les droits de l’homme sont conciliables. Ce serait selon moi une contribution majeure dans la lutte contre le terrorisme international, que l’on ne peut en aucun cas sous-estimer. Par contre, ce que j’entends dans les rangs du CDU/CSU révèle un tel aveuglement stratégique, même vis-à-vis de nos propres intérêts, qu’on en aurait presque le souffle coupé.