Je n’ai accepté la mission proposée par Total dans le cadre de mes activités de consultants internationales qu’après m’être rendu dans le pays et je reste convaincu de la nature odieuse du régime. Je suis convaincu que l’armée birmane a utilisé le travail forcé dans la zone du pipeline, là où travaillait Total mais quand la compagnie l’a constaté, elle a fait cesser ces pratiques et a indemnisé les Birmans qui en avait subi les effets.
L’armée continue ces pratiques et il faut les dénoncer mais je ne pense pas que Total ait utilisé ces méthodes et ait utilisé des travailleurs forcés. Il aurait fallu beaucoup de stupidité, de perversion et de laxisme de la part d’une compagnie internationale (et française) pour utiliser une main d’œuvre asservie là où, pour quelques dollars par mois, on peut embaucher tous les ouvriers nécessaires et améliorer leurs conditions de vie. En fait, certains témoins, principalement des réfugiés, ont confondu la zone où travaillait Total avec celle du chemin de fer construit à la même époque. Aucun témoin n’a pris contact avec moi au sujet du travail forcé, s’ils existent, je les recevrai volontiers.
En s’élevant contre Total, on se trompe de débat et si Total quittait la Birmanie, une autre compagnie, moins soucieuse des Droits de l’homme, prendrait sa place et le boycott finirait par frapper les plus pauvres. Je me suis battu pour les Droits de l’homme toute ma vie et je continue mais il ne faut pas se tromper de cibles. Il faut agir ensemble pour la libération de Aung San Suu Kyi et pour la démocratie en Birmanie.

Source
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.

« Total en Birmanie : une lettre de Bernard Kouchner », par Bernard Kouchner, Libération, 11 décembre 2003. Cette tribune est une réponse à un article de Libération mettant en cause son rapport dans lequel il affirme que Total n’a jamais bénéficié du travail forcé en Birmanie.