Cheik Mohamed Sayed Tantawi : La prestigieuse institution d’Al-Azhar souhaite la bienvenue à Monsieur le ministre de l’intérieur français. Elle souhaite aussi la bienvenue à la délégation qui vous accompagne. Je souhaiterais que vous transmettiez les salutations de cette prestigieuse institution d’Al-Azhar au Président Chirac ainsi qu’au peuple français.

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance, Monsieur le ministre, quelques explications sur la chari’a :

La première explication est que la chari’a islamique est fondée sur le fait de donner à chaque ayant droit, son dû.

La deuxième explication, est que la question du voile, en ce qui concerne la femme musulmane, est une obligation divine. Si jamais elle fait preuve de négligence quant à l’observation de cette prescription. Allah la jugera en lui demandant de rendre des comptes à ce sujet. Aucun musulman qu’il soit gouverneur ou gouverné ne peut s’y opposer. Nous ne permettons pas aux autres (lighayrina litt : « autres que nous ») d’intervenir dans nos affaires en tant que pays musulman. Cependant, si la femme musulmane réside ailleurs que dans un pays musulman, (comme la France par exemple), et que les responsables de ce pays, décident d’adopter des lois opposées au port du voile , c’est leur droit le plus absolu.

Je répète, c’est leur droit, et je ne peux m’y opposer en tant que musulman. Car ce ne sont pas des musulmans. Dans ce contexte précis, lorsqu’une femme musulmane se conforme aux lois d’un pays non musulman, du point de vue de la chari’a islamique, elle se trouve dans le statut de personne contrainte. Et le Saint Coran, qui est la référence de la Oumma (nation musulmane) dit à ses adeptes : « Allah vous a seulement interdit la bête morte, le sang, la viande de porc et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que Allah ». Dieu affirme : « Quiconque en consomme toutefois par ce qu’il est contraint (par nécessité), non par insolence non plus par transgression, nul pêché ne lui sera imputé. Allah est celui qui pardonne, Il est Miséricordieux » (sourate 2, verset 173)

Tout comme je ne permets pas à un non musulman d’intervenir dans mes affaires de musulman, je ne me permets pas également en tant que musulman d’intervenir dans des affaires non musulmanes 

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Nicolas Sarkozy : Si le grand Imam Mohamed Tantawi me le permet, je voudrais, à la suite de sa déclaration, faire deux remarques. D’abord je suis heureux de pouvoir m’entretenir avec Son Excellence le Dr Mohamed Tantawi qui dirige cette prestigieuse institution d’Al Azhar. J’ai beaucoup de respect pour la personne et pour le rôle que joue le grand Imam d’Al Azhar, ainsi que pour la sagesse dont il a toujours su faire preuve. Le dialogue entre les cultures et entre les religions est nécessaire. Je voudrais qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre nous. Nombre de nos compatriotes français sont musulmans. L’Islam de France est devenu, avec le temps, l’une des grandes religions pratiquées en France et je voudrais dire au grand Imam que pas une seule nation européenne n’a fait autant que la France pour garantir les libertés de pratique religieuse des musulmans de France.

Cela s’est traduit, au mois d’avril dernier, par la création du Conseil français du culte musulman. Ainsi, les musulmans de France, comme les catholiques de France, comme les protestants de France, comme les juifs de France, sont représentés par une institution, prennent la parole et se voient reconnaître les mêmes droits que les autres religions.

Oui, je l’affirme, les musulmans pratiquants de France ont les mêmes droits que les pratiquants et les fidèles de toutes les autres religions pratiquées en France. La France donne l’exemple du respect et de la considération pour une minorité religieuse. J’aimerais être certain que partout dans le monde toutes les minorités religieuses ont autant de droit que les musulmans de France en ont depuis que le Conseil français du culte musulman a été installé. Le président de la République l’a dit : "L’Islam est une religion de France et les musulmans de France doivent pouvoir prier et pratiquer comme toutes les autres religions".

Mais, amis de cette prestigieuse institution d’Al Azhar, il n’y a pas de droits sans devoirs. Si les musulmans de France ont les mêmes droits que les autres fidèles, ils ont les mêmes devoirs.

Nous sommes attachés en France à la laïcité. La laïcité, c’est la neutralité de l’enseignement public pour tout le monde. Il ne s’agit pas de désigner spécialement les musulmans. La laïcité s’applique aux catholiques, aux juifs, à tous les pratiquants. A l’école publique française on ne porte pas de signes ostensibles d’appartenance à une religion. Il ne faut pas y voir une humiliation à l’égard de qui que ce soit. Il ne faut pas y voir un manque de respect pour votre religion. Il faut que vous compreniez que la laïcité c’est notre tradition, c’est notre choix.

Et je veux remercier le grand Imam d’Al Azhar d’avoir indiqué que dans un pays laïc et non musulman, le devoir de chacun c’est de respecter la loi de ce pays. Et il peut être assuré que la contrepartie du respect de la loi du pays c’est la garantie pour les musulmans pratiquants de France qu’ils auront les même droits que les autres.

Sources : traduction des propos de cheik Mohamed Sayed Tantawi par Nourredine Aoussat pour Oumma.com, transcription des propos de Nicolas Sarkozy par l’ambassade de France au Caire.