La visite en Turquie du président syrien Bashar El Assad est un événement à la signification géostratégique considérable. Elle intervient au lendemain de la visite du ministre iranien des affaires étrangères à Damas et à la veille de la visite de son homologue turc à Téhéran. Ces trois pays veulent envoyer un message ferme à Washington : l’Irak doit rester uni et il ne faut pas encourager les Kurdes sur la voie de l’indépendance.
C’est la première fois que les trois majeurs pays frontaliers de l’Irak s’unissent pour dénoncer la tentation états-unienne, soutenue par Israël, d’affaiblir l’Irak de façon permanente. La Turquie, la Syrie et l’Iran veulent négocier avec les États-Unis et sont prêts à les aider à stabiliser l’Irak, mais à la condition que Washington reconnaisse leurs préoccupations en matière de sécurité. Les États-Unis ont envahi l’Irak parce que ce pays, fort et indépendant, était perçu comme une menace pour l’ordre politique régional dominé par les Occidentaux et Israël. Les faucons, pour la plupart liés à Ariel Sharon, n’ont pas fait mystère de leur intention de remodeler entièrement le Proche-Orient pour en faire un protectorat israélo-états-unien.
Aujourd’hui, les États de la région se rebellent contre ce fantasme. Le sort des Palestiniens est également un sujet de préoccupation. Damas pense que la Turquie pourrait jouer les intermédiaires sur cette question et pourrait pousser à une reprise des discussions avec Israël là où elles avaient été abandonnées avec Ehud Barak en 2000. Toutefois, peu croient en la bonne volonté de Sharon sur le Golan. De son côté, Recep Tayyip Erdogan voudrait rééquilibrer les relations de son pays entre Israël et les États arabe et se détacher de la politique agressive de Sharon.
Aujourd’hui, il semble que la Syrie et la Turquie mettent de côté leurs différends territoriaux et s’allient dans un environnement incertain.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.

« Syria and Turkey defy the United States », par Patrick Seale, Gulf News, 9 janvier 2004.