(procès-verbal de la séance du mercredi 27 novembre 2002)

Le président Pascal CLÉMENT : L’organisme américain de régulation des marchés financiers traverse actuellement une crise profonde : non seulement il a échoué dans son rôle de tour de contrôle, mais il semble également durablement discrédité dans le rôle de policier que lui attribue la loi Sarbanes-Oxley. N’y a-t-il pas quelque paradoxe à mettre en place en France un organisme qui, dans sa philosophie, évoque la sec américaine, au moment même où celle-ci n’a jamais été aussi discréditée ? La future amf aura-t-elle un rôle de régulateur ou de policier, au risque de se couper du monde des affaires ? Le président du comité des comptes d’Enron était l’un des plus éminents professeurs de Stanford. Comment faire en sorte que la règle de droit garantisse au mieux la sécurité financière et, in fine, la confiance des investisseurs ?

L’un des principaux cabinets d’audit français traverse actuellement une période de turbulences telles que la compagnie nationale des commissaires aux comptes et la cob se sont saisies du dossier. En quoi le projet de loi sur la sécurité financière sera-t-il à même de régler les conflits d’intérêts entre les responsables de la doctrine comptable de ces cabinets et les auditeurs chargés d’intervenir chez des gros clients ?

Les entreprises françaises cotées à Wall Street sont-elles à même de se conformer aux nouvelles prescriptions imposées par la loi Sarbanes-Oxley ? Plus généralement, comment la France doit-elle traiter la question de l’extra-territorialité de cette loi américaine ? Le droit français est très méfiant à l’égard de l’action de concert. Pourriez-vous éclairer la mission sur le problème de la class action ? À quoi pourrait ressembler une class action à la française permettant de mettre en cause, le cas échéant, la responsabilité des administrateurs ?

Faut-il contrôler les agences de notation, comme l’a évoqué récemment le ministre de l’économie ? Comment concilier ce projet avec le monopole qui leur est reconnu par la sec, seule à même de leur délivrer le National Recognized Statistical Rating Organization (nrsro) ? L’Europe doit-elle délivrer son propre « agrément » alors que, comme on l’a vu, la sec voit son autorité sérieusement ébranlée ? Même question sur les analystes qui, pour le coup, sont encore moins contrôlées que les agences de notation, aux mains des émetteurs qui plus est, c’est-à-dire ne prenant en compte que les intérêts du sell-side au détriment du buy-side. Comment contourner le problème de la surrémunération de ces analystes ?

La notion d’administrateur indépendant a fait, et continue d’ailleurs, de faire couler beaucoup d’encre. Je citerai seulement les très fortes réticences exprimées par M. Jean Peyrelevade, par exemple. S’il est possible sur le papier de définir ce qu’est un administrateur indépendant ou de définir ce qu’il ne doit pas être, qu’en est-il du fonctionnement concret d’un tel système ? Comment peut-on être indépendant et véritablement concerné et impliqué dans le contrôle de l’entreprise ?

Le rapprochement annoncé entre l’organisme américain de définition des normes comptables (fasb) et l’organisme européen (iasb), qui devrait se traduire, avec la bénédiction de la Commission européenne, par une convergence des normes d’ici à 2005, ne va-t-il pas se traduire par une avancée d’abord favorable aux entreprises de culture anglo-saxonne ?

Le ministre de l’économie a confié à M. Barbier de La Serre une mission sur le contrôle des entreprises publiques. Du point de vue du juriste, quelles pourraient être les voies de la responsabilisation en la matière ?

M. Marc GUILLAUME : Vos questions portent sur le cœur du travail du Gouvernement, puisque se tient, ce matin même, une réunion d’arbitrage sur le futur projet de loi sur la sécurité financière. Certaines questions sont assurément nées des scandales actuels. Il faut rappeler, à cet égard, que WorldCom était la septième capitalisation boursière américaine et que la disparition d’Arthur Andersen se traduit par une concentration encore plus forte des métiers de l’audit, les Fat Four(9) succédant aux Big Five. Cependant, certains scandales ont existé dans le passé, comme ceux qui ont touché la BCCI ou le groupe dirigé par Robert Maxwell. Il faut également rappeler qu’avant même le scandale touchant la société Enron, la sec avait diligenté une enquête sur Pricewaterhouse et avait relevé plus de 8 000 infractions, dont le fait que la moitié des employés de la société était actionnaire des sociétés qu’ils auditaient. Le contexte n’est donc pas tout à fait nouveau. On peut se féliciter du fait qu’on n’ait pas eu de scandale de ce type en France.

Cependant, nous avons besoin d’améliorer le fonctionnement de l’économie de marché et de restaurer la confiance tout en conservant notre spécificité, qui porte, notamment, sur la philosophie qui sous-tend notre droit des sociétés. Dans le droit américain, l’objectif reste la maximisation de la valeur de l’action. En France, l’intérêt social de l’entreprise est pris globalement ; on ne s’intéresse pas seulement à l’objectif de valorisation des titres. Cette distinction importante avait déjà été soulignée dans le premier rapport du groupe de travail présidé par M. Marc Viénot. Il est inenvisageable de revenir sur la compréhension large par notre droit de l’intérêt social.

Le Gouvernement a travaillé selon trois axes, le premier étant en discussion depuis de nombreuses années et les deux autres étant nés du contexte marqué par le scandale Enron : la création d’une amf ; l’amélioration du fonctionnement du contrôle légal des comptes ; l’accroissement de la transparence des sociétés. Le premier axe se trouve sous la responsabilité du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Les deux autres relèvent plus directement de la Chancellerie.

En premier lieu, s’agissant du contrôle légal des comptes, le droit français est l’un des plus exigeants, en tout état de cause plus exigeant que celui des pays anglo-saxons. La loi Sarbanes-Oxley a repris nombre des principes qui prévalent en droit français. L’amélioration envisagée par l’avant-projet de loi sur la sécurité financière part d’un postulat, celui de l’unité de la profession. Il est impossible de ne pas partir de ce qu’est la profession du chiffre, qui rassemble 15 000 commissaires aux comptes autour de problématiques communes, même s’ils exercent leur métier selon des modalités différentes. Certes les 5 000 sociétés qui font appel public à l’épargne présentent des spécificités. Mais il faut relever néanmoins que la loi de 1966 a étendu le commissariat aux comptes aux sociétés non cotées et d’autres textes aux associations. Des règles communes doivent pouvoir être dégagées, en particulière en matière de déontologie et discipline. Dans le code actuel de déontologie qui régit la profession des commissaires aux comptes, un seul article ne concerne que l’appel public à l’épargne.

L’amélioration qui sera proposée par le Gouvernement est fondée sur trois principes : la nécessité de passer d’un système d’autorégulation à la régulation partagée ; une amélioration de la définition du champ légal du contrôle des comptes, par le biais, notamment, de la mise en place d’incompatibilités claires ; le perfectionnement des modalités du contrôle.

D’abord, il faut sortir du système d’autorégulation. Aujourd’hui, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes fonctionne bien. La France n’a pas connu les scandales américains. Dans le cas récent du traitement des comptes de Vivendi, le système du double commissariat semble avoir fonctionné. La cob a pu prendre une décision, qui, si elle ne s’imposait pas en droit, a été retenue par le management de Vivendi. Pourtant, notre époque commande de ne pas laisser une profession en autorégulation complète.

La première mesure consistera à créer une structure chapeau, chargée d’assurer la surveillance et la supervision de la profession, même si celle-ci doit y participer ; cette structure sera composée de représentants de la profession, mais aussi de personnalités de l’entreprise et du secteur public, des magistrats. En vertu de l’article L. 225-220 du code de commerce (10), il existe une commission nationale et des commission régionales dont la composition est variée, mais elle sont seulement chargées de l’inscription et de la discipline. En créant une structure nationale aux compétences larges, nous ne faisons pas œuvre originale s’il l’on prend en considération quelques exemples de droit comparé. La fsa britannique n’a pas en charge la surveillance de la profession des commissaires aux comptes. Le système américain caractérisé par un Public Company Accounting Oversight Board (pcaob) distinct de la sec constitue un système original. La future instance supérieure sera chargée d’assurer la surveillance de la profession, le respect de la déontologie et l’organisation des contrôles, et de donner un avis sur les normes d’exercice professionnel.

La deuxième mesure impliquera la création d’un système de contrôle renforcé. Aujourd’hui, les contrôles de l’activité, dont la responsabilité est répartie entre la Compagnie nationale et la cob, fonctionnent bien, mais peuvent être améliorés. Ils sont décidés par un comité d’examen national d’activité (cena) composé de commissaires aux comptes, qui fixe un programme annuel de contrôle en concertation avec la cob. Les contrôles sont financés et réalisés par des commissaires aux comptes qui prennent sur leur temps de travail. Il faut pérenniser ce système et ajouter un étage supplémentaire, car ces contrôles sont prévisibles. Un comité national sera chargé de contrôler les sociétés cotées et organismes de placement collectif en valeurs mobilières (opcvm) en liaison avec des comités régionaux. Ce dispositif sera complété par un système d’inspection, qui agira à la demande du ministre de la justice, voire de l’amf, pour diligenter des cas d’inspection opinée ou programmée. Le garde des Sceaux n’a pas le pouvoir aujourd’hui de faire autre chose que de saisir le parquet. Dans le nouveau cadre, les commissaires ne pourront opposer le secret professionnel.

La troisième mesure permettra de sortir de l’autorégulation par les normes. D’ores et déjà, un décret sera prochainement pris pour imposer un code de déontologie et homologuer des normes professionnelles. Aujourd’hui, les normes sont définies entièrement par la profession. Dans le futur, l’élaboration restera aux mains de la profession, mais on demandera l’avis d’autres organes, tels que ceux qui régissent le secteur des assurances, et chaque norme sera homologuée par le ministère de la justice.

La quatrième mesure réaffirmera la place de la Compagnie nationale, qui manque d’une reconnaissance publique. On va s’inspirer du précédent du Conseil national des barreaux, qui, depuis une loi de 1990 (11), a été reconnu établissement d’utilité publique. La Compagnie nationale sera charge de deux missions centrales : l’organisation des contrôles susmentionnés et la préparation des normes d’audit.

Ensuite, le futur projet de loi s’attachera à mieux définir le champ du contrôle. Une première déclinaison de cette réforme emporte le consensus, deux autres font encore l’objet de débat. Ainsi, la révision des incompatibilités familiales et financières ne pose pas de problème politique, même si sa traduction technique peut apparaître compliquée. Les deux autres questions, touchant, d’une part, la séparation du conseil et de l’audit, et, d’autre part, les réseaux, sont, en revanche, plus délicates.

S’agissant de la première, le droit français est clair : l’article 225-224 du code de commerce dispose que le commissaire aux comptes ne peut percevoir directement ou indirectement une rémunération de la société dont il est chargé d’auditionner les comptes (12). La pratique est allée au-delà : l’audit s’est un peu transformé en produit d’appel pour d’autres prestations. Cette tendance a été renforcée, dans la décennie écoulée, par le fait que de nombreux cabinets d’avocats absorbés par des cabinets d’audit. Dans l’affaire Enron, il est avéré que, pour 25 millions de dollars de prestations d’audits, Arthur Andersen s’était fait facturer 27 millions de dollars de conseils. Le travail des commissaires aux comptes va au-delà de l’intérêt social ; ils agissent dans l’intérêt général de la société. Chacun s’accorde sur cette analyse, y compris les Fat Four. Les acteurs économiques veulent, en favorisant la mono-activité, restaurer la confiance. La question est de savoir si, entre l’audit et le conseil, il faut maintenir une zone grise, le conseil d’audit, qui resterait aux mains des auditeurs. Cette zone grise est, par nature, difficile à traduire dans la loi. Il faut fixer un principe législatif général d’interdiction ; seuls les conseils directement liés à la mission d’audit pourraient être autorisés. Le futur « Conseil supérieur » des commissaires aux comptes devra trancher au cas par cas. Cette novation est réelle.

La deuxième question délicate concerne les réseaux. Il faut agir dans ce sens. La pluridisciplinarité n’est pas mauvaise en soi. Ce qui est mauvais est de voir ce qui s’est passé dans le cas d’Enron : il faut interdire les conflits d’intérêts lorsque les auditeurs qui font l’audit vendent en même temps du conseil à la société auditée. Mais on doit les combattre dans le cadre de la loi française. Or, dans la diversification des structures juridiques actuelles des sociétés françaises, il sera difficile de contrôler les filiales installées dans d’autres pays. Il faudrait que, si la filiale française d’un grand cabinet fait l’audit d’une société française, la filiale étrangère de ce cabinet ne puisse pas lui offrir des conseils.

Enfin, la réforme du contrôle légal doit permettre d’en améliorer les modalités. Certains commissaires sont inscrits, mais n’exercent par leur mandat. Il faut obliger ceux qui n’exercent pas à suivre de nouveau une formation. La rémunération des commissaires des comptes pourrait avoir un certain degré de publicité. Les associés et actionnaires pourraient la consulter au siège. Le co-commissariat doit être rendu effectif. La rotation des commissaires n’est pas une idée simple. Il faut prévoir une disposition spécifique pour les entreprises faisant appel public à l’épargne publique en ce domaine. À ce jour, il est prévu d’organiser une rotation seulement pour les personnes physiques. Certaines modalités techniques restent à déterminer. En effet, les commissaires ne font pas toujours porter le mandat par leur société mais adoptent un mandat personnel. S’ils sont suspendus, cette technique leur permet de ne l’être que pour un seul mandat. Si la loi introduit une rotation des personnes physiques, il faudra faire remonter les mandats à la société.

En résumé, notre système de contrôle légal des comptes fonctionne bien, nos règles sont plus exigeantes qu’ailleurs, mais l’actualité montre qu’il faut améliorer ces règles.

En deuxième lieu, le futur projet de loi s’attachera à renforcer le gouvernement d’entreprise. On peut faire deux constats. D’une part, dans ce domaine également, le droit français est plus complet que tous les autres droits. Il y a plusieurs mois, de nombreuses critiques se sont élevées contre la loi nre. D’autre part, le droit français ne serait pas adapté à la diversité des situations des sociétés, qui sont souvent hétéroclites, y compris au sein du cac 40. Peugeot et Alcatel ne sont pas dans la même situation. La présence d’actionnaires familiaux est variable. Dans ce contexte, prévoir la même norme pour tous peut apparaître aberrant. Certaines sociétés n’ont pas de comité d’audit, mais fonctionnent très bien. Enron était l’archétype de l’entreprise qui respectait les règles du gouvernement d’entreprise, ce qui démontre que ce n’est pas une garantie. Des améliorations sont impossibles et contre-productives. Ainsi, inscrire dans la loi certains principes du rapport Bouton, tels que le comité d’audit ou l’administrateur indépendant, ne servirait à rien. Il est difficile de rédiger un texte opérationnel sur ces notions. Le comité d’audit est une bonne idée, mais il ne faut pas déresponsabiliser le conseil d’administration. Il peut y avoir des pratiques différentes au sein des entreprises, mais la norme générale et impersonnelle ne doit pas s’en saisir. En revanche, la norme doit permettre un accès aux informations à ceux qui en besoin. On peut ainsi améliorer la circulation de l’information. Le président du conseil d’administration doit rendre compte à l’assemblée générale de la façon dont s’exerce le contrôle et dont il organise ses travaux. Les restrictions aux pouvoirs des directeurs généraux décidées par le conseil d’administration doivent être rendus publiques. L’assemblée générale doit connaître les processus et méthodes, ainsi que la répartition des pouvoirs entre les organes dirigeants. La même idée pourrait être mise en œuvre pour la désignation des commissaires aux comptes. Le conseil d’administration, aujourd’hui, vote sur la personne qui va le contrôler : le directeur général pourrait ne pas prendre part au vote. Les missions des commissaires doivent être enrichies. En matière de contrôle interne, les commissaires et le président du conseil d’administration doivent en faire rapport à l’assemblée générale. Les commissaires aux comptes sont assez demandeurs de cette mesure. Chacun doit exercer ses responsabilités. Ils ne veulent pas se trouver rendus responsables des dysfonctionnements causés par d’autres acteurs.

Dans la transparence, on pourrait aller plus loin et autoriser les actionnaires minoritaires à se réunir pour ester en justice. La bonne idée est de favoriser le recours au juge civil par rapport au juge pénal. Mais on ne sait pas encore comment la mettre en pratique. Nous ne devons pas importer en France les défauts de la class action dans les modalités de sa mise en œuvre, tout en conservant les inconvénients du pénal. Le recours du juge civil est handicapé par la question de la preuve et le coût, élevé en raison des expertises. Dans la class action, on mutualise les coûts. Les articles 421-1 et suivants du code de la consommation (13) permettent déjà des actions collectives. De la même façon, les articles L. 452-1 (14) et L. 452-2 (15) du code monétaire et financier ouvrent la voie à une action collective des investisseurs. Mais, ces deux modalités d’action ne fonctionnent pas très bien.

Le projet sur la sécurité financière couvrira trois domaines : la création de l’amf, le droit des assurances, le contrôle légal des comptes. Les deux derniers relèvent de la compétence de la commission des lois. Ce projet sera traité au Conseil d’État par deux sections. La section des finances va en examiner une partie et la section de l’intérieur l’autre partie. La même procédure sera d’ailleurs adoptée pour le projet porté par M. Renaud Dutreil sur la création d’entreprise.

Le président Pascal CLÉMENT : S’agissant de l’amf, née de la fusion de la cob et du cmf, ne pensez-vous pas que la culture publique de la première va l’emporter, au détriment d’une bonne adaptation aux marchés financiers ?

M. Marc GUILLAUME : La cob apparaît, d’ores et déjà, duale. Ses services accueillent grosso modo 10 % de fonctionnaires et 90 % de personnes issues des entreprises. Dans la composition de la future autorité, le projet de loi prévoira une mise en conformité avec la convention européenne des droits de l’homme. Un collège plénier sera chargé d’édicter des normes et un autre collège sera chargé de la sanction. Le même équilibre sera recherché dans la composition de l’autorité supérieure des commissaires aux comptes. La sec a une culture plus proche du secteur privé. Mais l’échelon fédéral ne produit pas de droit des sociétés. Le seul moyen pour le Président des États-Unis de marquer le droit des sociétés est de faire du droit boursier. La sec n’a donc pas de véritable compétence d’encadrement des sociétés dans leur ensemble. La tradition américaine est totalement différente de la nôtre. En Europe, les objectifs sont communs à tous les États, qui sont tombés d’accord pour ne pas laisser la question du contrôle des comptes à l’autorité de marché. Le Conseil européen de Dublin, qui s’est tenu avant l’été, a insisté sur la nécessaire responsabilisation des cabinets et le respect de la discipline. La France a décidé d’aller au-delà de ces simples recommandations. À quelques nuances près, nous sommes souvent au-delà de la loi Sarbanes-Oxley.

M. Xavier de ROUX : Le gouvernement d’entreprise peut également être appliqué aux sociétés non cotées. Mais, il faut prévoir des règles différentes de celles qui s’appliquent aux sociétés cotées. Il faut séparer les deux. Certaines notions, telles que celle d’administrateur indépendant, semblent difficilement transposables d’une catégorie de sociétés à l’autre.

Le président Pascal CLÉMENT : En effet, il convient distinguer chaque catégorie de sociétés. On n’impose pas la vertu par la loi. Le droit ne peut pas tout prévoir et ne doit pas tout verrouiller. Que pensez-vous du fait que les analystes financiers sont payés par ceux qu’ils sont chargés d’évaluer ?

M. Marc GUILLAUME : La réforme du contrôle légal des comptes est assez consensuelle. La question de l’extraterritorialité est peut-être la plus difficile à traiter. Par ailleurs, la profession des commissaires aux comptes se demande pourquoi elle est montrée du doigt, alors que d’autres ne sont pas interpellés.

M. Xavier de ROUX : La question des agences de notation a également été posée par les scandales récents. Il y a trois grandes agences de notation, également payées par les émetteurs. En France, la Banque de France ne pourrait-elle pas avoir un rôle plus éminent de contrôle de ces agences, voire de notation directe, comme elle le fait pour certains établissements ?

M. Marc GUILLAUME : Il paraît difficile d’en venir à dire que l’analyse des sociétés du marché doit relever d’une mission publique. Cependant, il faut parvenir à la séparation des métiers. Certaines banques d’affaires ont ainsi pris les devants et séparé leurs activités de conseil et de prêt. Cette séparation serait-elle factice ? C’est une question qui se pose avec acuité.

M. Xavier de ROUX : La banque d’affaires ne contrôle rien. Mais se pose le problème du conseil. C’est le droit commun de la responsabilité qui doit s’appliquer. Dans les affaires récentes, les auditeurs étaient arrivés à un point tel qu’eux-mêmes ne pensaient pas que leur responsabilité allait être engagée.

M. Marc GUILLAUME : La vertu viendra du juge.

Le président Pascal CLÉMENT : Les banques d’affaires manquent de déontologie. Elles ont absorbé les cabinets d’avocat. Les conflits d’intérêts sont nombreux.


Source : Assemblée nationale française