La lutte actuelle entre Vladimir Poutine et Mikhail Khodorkovsky va influencer le développement de la Russie pour la prochaine décennie. Il suffit de voir les actions passées des deux hommes pour comprendre que ce que fait actuellement Poutine est ce que ferait tout responsable politique dans l’intérêt de son pays.
Mikhail Khodorkovsky avait peut-être une meilleure image ces dernières années, mais il était l’incarnation des abus des années 90. Lors des privatisations en Russie, il avait acquis 78 % des parts de Youkos pour 310 millions de dollars et la promesse d’en investir 200 supplémentaires alors que huit mois plus tard, ces actions étaient estimées à 12,6 milliards de dollars et qu’elles en valent 23 milliards aujourd’hui. Les privatisations ne furent pas les seules occasions durant lesquelles Mikhail Khodorkovsky utilisa des méthodes peu scrupuleuses pour s’enrichir au détriment des petits actionnaires. Par la suite, Khodorkovsky se lança dans un lobbying actif pour faire accepter sa richesse par le gouvernement et la population et faire oublier son passé.
Poutine, pour sa part, est arrivé au pouvoir en 2000 et beaucoup ont cru qu’il allait laisser la population dans la misère tout en la soumettant à un système autoritaire. En réalité, il a relancé l’économie du pays en adoptant des réformes libérales qui ont permis une croissance de 29 % sur les quatre dernières années et, surtout, le paiement des salaires et le remboursement de la dette. Pour entreprendre cette politique, il a dû faire face à l’opposition des communistes et à celle des oligarques qui voulaient continuer à contrôler le pays. Khodorkovsky fut à ce titre particulièrement actif et parvint à faire bloquer des taxes sur les produits pétroliers grâce à ses relais à la Douma.
Poutine devait-il rester les bras croisés alors que Khodorkovsky s’apprêtait à renforcer son contrôle sur la Douma lors des élections parlementaires tout en n’étant pas lui-même élu ? Il ne devait pas développer son influence grâce à sa fortune. Poutine a eu raison et il est soutenu par la population et les milieux d’affaires. Il reste cependant beaucoup à faire à Poutine contre les oligarques.

Source
Moscow Times (Fédération de Russie)

« Making the Case for Putin », par William Browder, Moscow Times, 21 janvier 2004. Cette tribune a d’abord été publié dans Global Agenda, le magazine du forum économique mondial de Davos.