La peur occidentale des Arabes et musulmans qui a émergé est un des phénomènes les plus frappants de ces dernières années. C’est ce qu’auront noté tout ceux portant un nom arabe et qui ont essayé d’entrer aux États-Unis ou dans l’Union européenne. En fait le terme peur est inadéquat, il faut parler de paranoïa alimentée par les think tanks, certains centres d’études universitaires et les médias qui dissertent sur la « violence », la « haine » et le « fanatisme » du monde arabo-musulman.
Ces phénomènes trouveraient leurs racines dans les sociétés arabes en déliquescence. Ainsi, Gareth Evans, le président de l’International Crisis Group, n’hésite pas à dire que tout le terrorisme dans le monde vient du monde arabe. Le Forum économique mondial a mené ses débats en partant de l’a-priori consensuel selon lequel la pauvreté dans ces pays pousse au fondamentalisme et donc au terrorisme. Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times, explique que la principale cause du terrorisme est le manque d’emploi et que c’est l’Europe qui en est responsable. Enfin, le professeur d’études militaires, Sir Lawrence Friedman, voit dans l’effondrement du pan-arabisme de Nasser et les difficultés économiques la cause du terrorisme.
Selon moi, ces analyses n’ont rien de désintéressées et participent à une tentative de faire endosser au monde arabe une part de la responsabilité occidentale dans l’instabilité régionale. Les causes du terrorisme seraient culturelles ou sociologiques, mais pas politiques. Les analystes qui, après le 11 septembre, ont affirmé que la cause du terrorisme n’était pas la politique américaine, mais la nature des sociétés arabes ont fourni aux néo-conservateurs les arguments qui leur manquaient pour justifier le remodelage de cette région, y compris par la force.
Le conflit entre l’occident et les pays arabes n’est pas religieux, il ne s’agit pas d’un choc des civilisations. Il est politique et fondé sur le désir d’indépendance des pays arabes face à l’Occident. Certes, il y a des problèmes dans les sociétés arabes, mais cela n’a rien à voir avec le terrorisme.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.
Dar Al-Hayat (Royaume-Uni)
Dar al Hayatest un quotidien arabe de politique international, basé au Royaume-Uni. Tirant à 110 000 exemplaires, ce journal mêle des articles purement informatifs et un grand nombre d’analyses et d’éditoriaux écrits par des intellectuels du monde arabe. L’une des figures les plus éminentes de la rédaction est Jihad Al Khazen, figure détestée des éditorialistes néo-conservateurs états-uniens. Libanais à l’origine, il a été racheté en 1990 par le prince et maréchal saoudien Khaled ibn Sultan.

« Why Is The West Afraid Of The Arabs ? », par Patrick Seale, Dar-Al-Hayat et Gulf News, 30 janvier 2004.