La Russie est aujourd’hui affectée par des tendances démographiques préoccupantes du fait de son faible taux de natalité et son fort taux de mortalité qui conduisent à une dépopulation. Les racines de ces tendances sont profondément ancrée et les renverser demandera un travail conséquent. Malheureusement, les responsables politiques et l’électorat russe n’ont pas encore pris la mesure du phénomène.
En 1992, la population russe s’élevait à 148,7 millions d’habitants et elle est aujourd’hui de 144,5 millions malgré un flux migratoire positif sur la période. D’après l’ONU, une douzaine de pays ont perdu des habitants sur la même période et dix ont perdu une part plus importante que la Russie. Mais contrairement à ces pays, Moscou n’a pas connu de guerre ou d’émigration massive. Le bureau du recensement états-unien estime que la perte de population entre 2000 et 2025 s’élèvera à dix millions d’habitants, mais ils sont optimistes et l’ONU estime pour sa part que la perte de population sera de 21 millions d’habitants. Aujourd’hui, la Russie connaît 170 décès pour 100 naissances et on peut penser que cette tendance va se poursuivre.
Le taux de fécondité par femme, actuellement d’1,19, pourrait rebondir avec l’amélioration de la situation économique et politique, mais il existe des éléments faisant obstacle à ce retour. En effet, 13 % des couples russes sont stériles en raison de problèmes médicaux (selon certaines expertises, les avortements en Russie provoquent la stérilité dans 10 à 20 % des cas) et il faut ajouter à cela le développement des maladies vénériennes. On assiste dans le même temps à une diminution des mariages et à un accroissement des divorces. En passant à l’économie de marché, la Russie a également rapproché son taux de fécondité des autres pays européens.
Toutefois, contrairement aux pays européens dont la natalité a baissé, le taux de mortalité en Russie s’est élevé et l’espérance de vie des hommes a diminué de cinq ans entre 1961 et 2002 pendant que celle des femmes baissait très légèrement. Cela est dû à un accroissement phénoménal du nombre de maladies cardiovasculaires (le taux des décès pour cette raison est quatre fois plus important qu’en Irlande qui a le taux le plus élevé de l’Union européenne). Cela est dû au stress économique, à l’anomie sociale, au caractère défectueux du système médical et à l’alcoolisme.
Les politiciens russes ne traitent le problème de la dépopulation qu’en encourageant des politiques natalistes coûteuses et peu efficaces, mais pas en affrontant les problèmes de la santé. Cette tendance à la dépopulation aura des conséquences en termes politiques et économiques.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« The Emptying of Russia », par Nicholas Eberstadt, Washington Post, 13 février 2004.