Les attentats terroristes ont presque toujours lieu le matin. S’il s’avère que c’est l’un des suspects habituels, l’ETA ou Al Qaïda, qui est derrière l’attentat à la bombe de Madrid, ils ont frappé à l’heure habituelle. L’Espagne a également développé une réponse coutumière aux attentats : à midi, dans tout le pays, les responsables politiques se placent devant leurs bâtiments et, rejoints par tous ceux qui le veulent, ils respectent une ou deux minutes de silence. C’est en assistant à ces rassemblements que j’ai appris ce qui s’était passé hier matin à Madrid.
Dix bombes ont explosé dans trois gares de Madrid au moment où il y avait le plus de monde. C’est l’attaque terroriste la plus sanglante de l’histoire de l’Espagne et elle a lieu quelques jours avant les élections, des élections où tout ceux qui ont connu le régime de Franco iront voter même si nous n’aimons pas les partis qui se présentent. Finalement, nous découvrirons quel groupe se cache derrière cette atrocité et même si l’ETA n’y est pour rien, cet attentat nous rappelle que l’Espagne est passée d’une dictature à une autre.
Sous Franco, la répression n’était pas plus forte dans le pays basque que dans le reste du pays et elle était même surtout développée à Madrid en raison de la proximité du pouvoir central. Sous ce régime, l’ETA pouvait passer pour un groupe résistant. Aujourd’hui, le pays basque n’est plus oppressé et jouit même d’une forte autonomie, mais les membres de l’ETA n’ont pas cessé la lutte et ils frappent l’Espagne n’importe où, plus particulièrement Madrid.
Avec le temps, l’ETA s’auto dissoudra comme tous les groupes terroristes et il y aura alors vraisemblablement une amnistie pour ses membres emprisonnés. Les Espagnols y consentiront sans doute, mais nous ne leur pardonnerons jamais.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« Another Silent Noon in Madrid », par Javier Marías, New York Times, 12 mars 2004. Cet article est également paru dans El Pais, La Repubblica et le Frankfurter Algemeine Zeitung.