Les électeurs espagnols ont permis à un petit groupe de terroristes de leur dicter la conclusion de leurs élections nationales. Ce n’est pas ainsi que les démocraties sont censées réagir quand elles sont attaquées par des fanatiques. Les Américains se sont unis après le 11 septembre, les Italiens avaient oublié leurs différends politiques pour affronter les Brigades rouges et la cohésion d’Israël n’a fait que croître face au terrorisme. Cette unité a été pendant des années la réponse des Espagnols face au mouvement séparatiste basque, mais pas cette fois-ci.
Avant les attentats, les sondages donnaient Mariano Rajoy du Parti populaire vainqueur car il était le successeur désigné de José-Maria Aznar dont l’action de modernisation et d’apport économique à l’Espagne était reconnue. Son concurrent, José Luis Zapatero, faisait pour sa part campagne sur le retour en Espagne des 1300 soldats espagnols déployés en Irak car il affirmait que la Guerre d’Irak avait été une guerre impérialiste à laquelle l’Espagne ne devait pas s’associer. Même ceux qui, comme moi, pensent que la Guerre d’Irak était une erreur stratégique ne peuvent pas prendre les Zapatero d’Europe au sérieux tant ils incarnent de manière caricaturale la décadence couarde de la « Vieille Europe ».
Les socialistes n’étaient pas sûrs de la responsabilité d’Al Qaïda, mais ils ont soutenu cette thèse pour présenter Aznar comme le responsable des attentats à cause de son engagement en Irak. Cet argument ne tient pas car l’Espagne était déjà une cible des islamistes avant la guerre, car l’un de leurs objectifs est de récupérer les territoires repris lors de la Reconquista. Le système politique espagnol a échoué au test du terrorisme. Les islamistes pourraient bientôt attaquer de nouveau pour récupérer Ceuta et Melilla et ETA pour obtenir l’indépendance en commettant de nouveaux massacres.
Paradoxalement, M. Zapatero peut racheter la démocratie espagnole uniquement en répudiant le mandat qu’il a reçu et en annonçant qu’il n’y aura pas de retrait d’Irak.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« Rewarding Terror in Spain », par Edward N. Luttwak, New York Times, 16 mars 2004.