L’attaque terroriste de Madrid et son impact sismique lors des élections ont amené les relations entre les États-Unis et l’Europe au bord du gouffre. Cet attentat est donc le succès géopolitique le plus significatif d’Al Qaïda depuis le 11 septembre. La triste réalité est qu’un nombre significatif d’électeurs espagnols ont réagi comme Al Qaïda l’espérait.
Les Espagnols ont pensé que, pour se protéger du terrorisme, il fallait s’éloigner des États-Unis. S’ils ne sont pas les premiers Européens à avoir eu cette idée, ils sont les premiers à rendre ce calcul public. Si les opinions publiques européennes décident que les Espagnols ont raison, le partenariat transatlantique sera terminé. Romano Prodi, le président de la Commission européenne a apparemment accepté la logique d’Al Qaïda puisqu’il a affirmé suite aux attentats que l’usage de la force n’était pas le bon moyen de résoudre le conflit avec les terroristes.
Le développement de cette logique en Europe serait une catastrophe pour les États-Unis et il faut donc que Washington s’adresse aux populations et aux gouvernements européens pour construire de nouvelles solidarités contre Al Qaïda. Cette tâche incombe à John Kerry autant qu’à George W. Bush. L’Europe, de son côté, doit résister à la tentation munichoise et continuer la guerre au terrorisme. Le nouveau gouvernement espagnol va se rapprocher de la France et de l’Allemagne, qui doivent s’en réjouir, mais ces pays doivent aussi savoir que s’éloigner de Washington aujourd’hui serait une catastrophe pour eux.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Time to Save an Alliance », par Robert Kagan, Washington Post, 16 mars 2004.