La démocrate Suzanne Nossel relève dans le Christian Science Monitor l’inconfort de l’administration Bush devant les choix démocratiques des Espagnols aujourd’hui, comme des Turcs hier, et d’autres encore. Les Etats-Unis se réclament de la démocratie, mais la refusent profondément aux autres puisqu’ils leur refusent le droit au désaccord.
La célèbre romancière espagnole, Almuneda Grandes, rappelle aux lecteurs du Guardian la vraie nature du gouvernement Aznar, qu’elle situe à l’extrême droite. Elle se félicite de la maturité du peuple espagnol qui a réagi fièrement aux manipulations du terrorisme par son gouvernement.
Mais ces manipulations ne sont pas l’exclusivité du Parti populaire. L’analyste Amir Tahéri résout sans difficulté l’énigme des attentats de Madrid : selon lui, les coupables ne sont pas ETA ou Al Qaïda, mais ETA et Al Qaïda. Les nationalistes basques et les benladenistes sont en effet des alliés objectifs contre la politique de José-Maria Aznar. De plus, poursuit-il dans Gulf News, ETA est impliqué au Proche-Orient auprès du FPLP, de la Libye et de l’Iran.
Cependant, pas un élément de ce raisonnement ne résiste à l’examen : les attentats de Madrid ne visaient pas le gouvernement Aznar, mais des habitants des quartiers populaires de la capitale ; ETA et Al Qaïda n’ont pas d’objectifs communs et il n’y a aucun rapport entre l’indépendance du pays basque et l’islamisation de l’Andalousie ; enfin, le FPLP, la Libye et l’Iran ne sont pas des partenaires de Ben Laden, au contraire, celui-ci a explicitement combattu le nationalisme arabe et la révolution khomeyniste.
Peter Bergen, qui a longuement écrit l’histoire d’Al Qaïda dans un ouvrage à succès, explique sans rire dans le Los Angeles Times que l’organisation n’a jamais été aussi puissante depuis que la Coalition a conduit contre elle des guerres en Afghanistan et en Irak. Par un étrange glissement sémantique, Bergen ne présente plus l’impalpable Al Qaïda comme une organisation, mais comme une idéologie. Dès lors, on ne peut plus s’étonner de ne pas trouver de preuves matérielles de l’existence du fameux réseau terroriste et l’on peut jeter à la poubelle l’ouvrage de Bergen qu’il vient lui-même de démentir.

Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin justifie sa politique en Haïti dans Le Figaro. Il dénonce la remise en cause des libertés démocratiques par le régime d’Aristide et assure que la France est intervenue pour prévenir la guerre civile. Enfin, il affirme avoir toujours agi dans le respect du droit international et espérer que les pays d’accueil de Jean-Bertrand Aristide le contraignent à la réserve.
Malheureusement, le ministre utilise ici son habileté avec la plus mauvaise foi. Ainsi, il étaye ses accusations contre le président Aristide en citant les rapports de l’OEA et de l’ONU. Or, ces citations sont fallacieuses : les deux rapports évoqués constatent l’insécurité du processus électoral, pour l’un, et l’absence d’état de droit, pour l’autre, mais ils n’accusent nullement le gouvernement de provoquer une situation dont il a hérité et qu’il ne parvient pas à endiguer (le lecteur pourra se reporter au texte intégral du rapport Joinet et à sa discussion par la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour vérification). Enfin, le ministre, qui sut si bien défendre le droit international lors de la crise irakienne, est mal placé pour s’en draper ici : la France a activement participé au complot pour le renversement d’Aristide, elle a organisé sa séquestration en Centrafrique et elle exerce aujourd’hui de très fortes pressions sur la Jamaïque pour obtenir le silence du vrai président constitutionnel haïtien.
Dans le même quotidien, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, appelle la France à ne pas faire les choses à moitié : sous-entendu, après avoir renversé Aristide, mettez au moins le paquet pour stabiliser Haïti.
Adrian Karatnycky de Freedom House explique laborieusement dans le Washington Post que le président haïtien n’était pas élu démocratiquement puisque son élection n’a pas été observée et validée par les grandes puissances. Mais, a contrario, cela prouve uniquement que l’hostilité à son égard est antérieure à sa réélection. Au demeurant, l’auteur n’applique pas son raisonnement à l’élection présidentielle états-unienne, qui n’a été observée et validée par aucun État, ni organisation intergouvernementale.