La tragédie du 11 mars, rapidement revendiquée par Al Qaïda, est assurément une leçon qu’a voulu donner ce groupe à un gouvernement allié des Américains. Les évènements ont propulsé au pouvoir ceux qui s’étaient engagés à revoir la participation militaire espagnole en Irak. Le dimanche 14 mars constitue, qu’on le veuille ou non, une victoire pour les terroristes aux conséquences redoutables.
On aimerait se rassurer en feignant de voir dans ce bouleversement électoral la défaite d’un gouvernement trop prompt à imputer à ETA la responsabilité des attentats de Madrid. Pourtant, le gouvernement avait fait preuve de transparence dans les éléments de l’enquête et il n’avait pas besoin d’imputer l’attentat à ETA pour gagner. En outre, vu les arrestations et les attentats évités ces derniers temps, la thèse ETA était vraisemblable. La défaite du Parti populaire n’est pas la défaite du mensonge, c’est la victoire de la peur. José-Maria Aznar a été sanctionné parce qu’avec les victimes de Madrid, beaucoup d’Espagnols ont eu le sentiment de payer le prix d’un engagement dont ils n’étaient pas responsables.
Cela découle d’une tragique naïveté et conduit à un tragique résultat : Al Qaïda sait désormais que les opinions des démocraties européennes sont fragiles et qu’elles sont en mesure d’exiger de leur gouvernement que ceux-ci fassent tout pour que leur pays ne soit pas la cible du terrorisme. La France n’est pas à l’abri, elle a été visée à Karachi et dans plusieurs attentats déjoués sur notre propre sol. Elle a été menacée pour sa loi réprimant le foulard islamique à l’école, faudra-t-il y renoncer ? Il y a aussi beaucoup de naïveté dans les affirmations des chancelleries européennes précisant qu’il faut apporter des solutions en Irak et au Proche-Orient pour mettre un terme à ces tragédies. Les démocraties ne sont pas visées pour ce qu’elles font, mais pour ce qu’elles sont. Les démocraties sont en guerre depuis le 11 septembre 2001 et la défaite d’Aznar est aussi la nôtre. Vous avez dit Munich ?

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Le Munich des démocraties ? », par Alain Madelin, Le Figaro, 18 mars 2004.