Né en 1927, Marc Boureau d’Argonne a conduit une carrière brillante et controversée de réalisateur et de producteur de cinéma, tout en multipliant les initiatives politiques en faveur du dialogue des civilisations.

Dès la Libération de la France, alors âgé de 18 ans, il débute comme assistant metteur en scène lors du tournage de Martin Roumagnac avec Jean Gabin et Marlène Dietrich. Celle-ci l’envoie au Royaume-Uni apprendre l’anglais. En 1948, il part s’intaller au Brésil où il crée une société de production et tourne des documentaires, notamment sur les Indiens du Matto-Grosso, les macumbas et Afochés. Après plusieurs séjours en Amérique du Sud où il s’associe avec Eva Peron pour développer l’Union des jeunes de l’Atlantique, il revient en France pour tourner des films d’entreprise, entre autres pour Air France, Pechiney et EDF. Puis, il fonde la Mission Libellule : il parcours pendant trois ans le continent africain, réalisant des documentaires sur de nombreux pays et nouant des relations personnelles avec de nombreux chefs d’État.

Dans les années 60, Marc Boureau d’Argonne réalise des documentaires, notamment sur le Viet Nam, où il sera un an durant conseiller du président Diem, et produit des longs métrages comme Le Ciel et la Boue (Oscar du meilleur film documentaire) et La Cage (sélection du Festival de Cannes) avec Marina Vlady.

Sensible au malaise précédent le mouvement de Mai 68, il écrit et réalise avec Claude Chabrol un film provoquant, Happening, dans lequel il met en scène l’hypocrisie et la décadence de la bourgeoisie française. L’œuvre, qui se situe à mi-chemin entre celles de Buñuel et de Pasolini, provoque une tempête en France. Madame Yvonne De Gaulle, épouse du président de la République, intervient personnellement pour faire interdire le film et saisir toutes les copies disponibles. Le Pouvoir craint qu’Happening n’ouvre un débat sur la récupération de Collaborateurs antisémites par le régime gaulliste et déclare que le film risque de raviver l’antisémitisme en le dénonçant. Le cinéaste est condamné à une amende considérable et tous ses biens sont saisis. Cependant, Marc Boureau d’Argonne parvient à soustraire des copies et à s’échapper en Italie où le film connaît un vaste succès et où il se lie à Alberto Moravia. Il y vivra en exil pendant trois ans, mais il lui faudra attendre quatorze ans pour que la censure soit levée.

Dans les années 80, Marc Boureau d’Argonne se voit confier par les Communautés européennes une série documentaire sur les facteurs de guerre. Au cours de ses voyages, il se passionne pour les pays arabes dans lesquels il s’installe six ans. Il devient le documentariste officiel de l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) à l’occasion du tournage d’une longue enquête, Qu’avez-vous fait de l’argent du pétrole ?.

C’est en raison de ses amitiés personnelles avec de nombreux dirigeants arabes que le président François Mitterrand lui confie, en 1990-91, une mission secrète auprès de Saddam Hussein pour tenter d’éviter la Guerre du Golfe. Aux côtés du président Ahmed Ben Bella et d’Egard Pisani, il parvient à un accord, mais trop tard, la France s’étant déjà engagée à participer à l’opération « Tempête du désert » [1]. Il parvient cependant à obtenir, sans contrepartie, la libération par l’Irak de 800 otages.

Aujourd’hui retraité, Marc Boureau d’Argonne préside plusieurs associations dont Mare Nostrum (qui réunit les ministres de la Culture de la plupart des États de la Méditerrannée), Rama (réalisations audiovisuelles du monde arabe) et Les Espoirs (qui aide de jeunes réalisateurs).

[1« Le double jeu de François Mitterrand » par Thierry Meyssan, Voltaire, 3 novembre 2003.