(1916-1996). Étudiant, il scandait " Mort aux métèques ! " au quartier Latin ; président de la République, il déclarait à propos du drame rwandais " Dans ces pays-là, un génocide, c’est pas trop important " (confidence faite à l’un de ses proches au cours de l’été 1994, propos rapporté par Patrick de Saint-Exupéry dans Le Figaro du 12/01/98).

François Mitterrand, homme de la IVe République, mène une politique explicitement coloniale. Sa nomination de ministre de la France d’Outre-mer (1950-51) détermine son action future. Il l’expliquera lui-même plus tard : " Mon passage au ministère de la France d’Outre-mer est l’expérience majeure de ma vie politique dont elle a commandé l’évolution " (Politique, Fayard, 1977, p. 53). Durant les années cinquante, il défend avec virulence la colonisation française. " Sans l’Afrique, il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle ", écrivait-il en 1957 dans un livre intitulé Présence française ou abandon (Plon, 1957, p. 237). Face au mouvement indépendantiste algérien, il affirme : " La seule négociation, c’est la guerre ".

Après les décolonisations il continue de défendre ses idées pendant les années 1960-1970. " Ce à quoi je croyais il y a vingt ans, j’y crois encore " (Politique, présentation). " Je dis que le premier devoir de la France, c’est de tout faire pour que les liens ne soient pas coupés, de tout faire pour que nos frère africains restent unis à notre destin... La France reste celle qui conduit, celle dont on a besoin, celle à laquelle on se rattache. Il ne pourra y avoir d’histoire de l’Afrique si la France est absente " (Politique, p.86).

Président de la République, il n’opère pas de modification de sa vision des relations franco-africaines. " Je ne peux pas signer - et je m’y refuserai - à la disparition de la France de la surface du globe, en dehors de son pré carré " (Le Monde, 18 novembre 1983). Après le génocide rwandais, son discours reste le même et il déclare en novembre 1994 : " Je le dis solennellement : la France doit maintenir sa route et refuser de réduire ses ambitions africaines. La France ne serait plus tout à fait elle-même si elle renonçait à être présente en Afrique " (Discours d’ouverture de la conférence de Biarritz, 08/11/94).

Lorsque François Mitterrand arrive à la présidence, la France a déjà remplacé la Belgique au Rwanda, depuis les accords de 1962. Il établit aussitôt des relations amicales avec le président Habyarimana. Il lui déclare, en 1982 : " Nos relations sont anciennes et la France a déjà reconnu en vous un ami fidèle, un homme sur lequel nous pouvons fonder une amitié durable ".

Le président français est informé de l’offensive du FPR d’octobre 1990 alors qu’il se trouvait dans un avion revenant d’Oman. Il prend seul et secrètement la décision d’envoyer des troupes pour soutenir l’armée rwandaise. Le 10 décembre 1990, le journal rwandais Kangura, publication raciste financée par des proches d’Habyarimana, publie un portrait de François Mitterrand avec en légende : " Les grands amis, on les rencontre dans les difficultés ". C’est dans ce même numéro que furent publiés les fameux " Dix commandements du Hutu " qui appellent à la haine raciale anti-tutsi.

De 1990 à 1994, M. Mitterrand attache une importance particulière à un pays dont il affirme que le dictateur " représentait à Kigali une ethnie majoritaire à 80 % ". Lors de ses déplacements, il se tient en permanence informé de la situation militaire au Rwanda (Politique africaine, octobre 1993). Durant le génocide, il apparaît comme le responsable français le mieux informé de la question. Lors des innombrables réunions de cellules de crise ou comités interministériels consacrés au problème, il expliquait aux autres la situation.

Il continue de recevoir les concepteurs et les réalisateurs du génocide alors même que celui-ci était dénoncé par la communauté internationale. Il fait porter des fleurs à Agathe Habyarimana à son arrivée en France, bien qu’elle soit membre du clan des ultras qui ont planifié les massacres. Au cours du mois d’avril 1994, il reçut Jean-Bosco Barayagwiza et Jérôme Bicamumpaka, deux responsables du génocide, respectivement leader du parti raciste CDR et ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire, que la France fut le seul État à reconnaître.

Le 13 juin 1994, le président Nelson Mandela appelle les pays africains à intervenir contre le génocide. Sa déclaration est considérée comme celle d’un représentant du monde anglo-saxon souhaitant intervenir dans un pays francophone. Le lendemain, en conseil des ministres, le président Mitterrand annonce une intervention française. Afin de venir en aide à l’armée rwandaise en déroute, il prône une opération Turquoise offensive. Ce type d’action étant intenable face à la communauté internationale, les forces de Turquoise garderont leurs armes lourdes en retrait. L’opération humanitaire permit aussi d’assurer la retraite des génocidaires.

Pour minimiser le génocide, François Mitterrand défend alors l’idée d’un double génocide. Ainsi, au sommet franco-africain de Biarritz, fin 1994, il parle " des " génocides. Interrogé sur la question, il répond : " De quel génocide voulez-vous parler ? De celui des Tutsis ou celui des Hutus ? "