L’un des paradoxes de la crise kosovare est que plus la communauté internationale tardera à transférer la souveraineté aux Albanais, plus les minorités serbes seront en danger dans la province. Les évènements récents démontrent en effet la fragilité des systèmes mis en place par l’ONU et la communauté européenne. À partir d’une bête guerre des boutons entre enfants albanais et serbes, on est arrivé à des émeutes au bilan tragique.
La haine entre communautés existe bien, mais si les manifestations silencieuses du jour ont dégénéré en émeute, c’est que certains sont désireux d’en découdre : des « héros de l’après-guerre » qui veulent, par la violence, obtenir le respect de leur village et des filles. Ces jeunes serbes et albanais agissent ainsi car ils n’ont plus d’espoir dans un présent dans lequel ils considèrent que les forces de l’ONU n’apportent rien et dont ils jugent la présence illégitime.
Il faut donner le pouvoir à des Albanais ultra majoritaires dans le pays pour clarifier l’avenir de tous. C’est ce que Bernard Kouchner avait commencé à faire, les Serbes acceptant progressivement la situation, mais ce processus est aujourd’hui gelé. Il faut le reprendre sous peine de servir les intérêts des extrémistes serbes et albanais. Il faut soutenir le Premier ministre kosovar Bajram Rexhepi, homme modéré prônant la coexistence et la réconciliation.

Source
Le Monde (France)

« Kosovo : vite, le pouvoir aux Albanais ! », par François Crémieux, Le Monde, 1er avril 2004.