Monsieur le Premier ministre, cher Tony,
Monsieur le Président du Gouvernement espagnol, cher José-Luis,
Mesdames et Messieurs, chers amis,

En dix ans, le partenariat euro-méditerranéen, seule enceinte réunissant l’ensemble des pays riverains, a conquis sa légitimité. Un espace commun s’est créé, riche de flux humains, économiques et culturels. Un dialogue de sécurité et de défense s’y déroule. Des accords d’association y ont été conclus qui ont permis un début d’intégration régionale. D’importants moyens financiers ont été mis en œuvre.

Cette légitimité, le processus de Barcelone l’a acquise par sa démarche spécifique : c’est un partenariat fondé sur l’égalité et un dialogue continu ; c’est un grand projet mobilisateur, créant une synergie entre ses volets politique, économique et culturel, au service d’une dynamique de coopération et de réforme.

Aujourd’hui, de nouvelles urgences s’imposent.

Les deux rives aspirent à davantage de sécurité, en particulier contre le terrorisme. Le code de conduite que nous allons adopter confirme notre engagement commun contre des pratiques barbares qui dévoient les causes qu’elles prétendent servir. La lutte contre le terrorisme, dans le respect des droits de l’Homme et de l’état de droit, nous rassemble et doit nous conduire à renforcer nos instruments de coopération policière et judiciaire.

Les deux rives aspirent à plus de croissance. La zone de libre-échange à laquelle nous travaillons est un projet ambitieux mais ne suffira pas. Il faut promouvoir les investissements, améliorer l’environnement des affaires, agir pour la formation, encourager les programmes de recherche, développer les initiatives renforçant la coopération Sud-Sud, comme l’accord d’Agadir dont je salue la prochaine entrée en vigueur. C’est ainsi que nous parviendrons, à terme, à donner toute sa dimension à la communauté économique euro-méditerranéenne que nous voulons.

Nous devons aborder la question migratoire dans ce même esprit de responsabilité partagée. Elle appelle une coopération globale et équilibrée avec nos partenaires du continent africain. Avec l’Espagne et le Maroc, nous avons fait des propositions pour renforcer notre coopération sur les migrations, l’intégration sociale, la justice et la sécurité.

Les deux rives aspirent à plus de démocratie et à une meilleure gouvernance. C’est l’appel des peuples, le mouvement du temps, l’ambition des gouvernements réformateurs. Des engagements collectifs doivent être pris, dont l’importance justifie la mobilisation de moyens supplémentaires. C’est l’objet de la facilité financière que va créer l’Europe. Un instrument d’un partenariat ambitieux avec les pays de la rive sud. Au service des droits de l’homme, de la gouvernance et de l’Etat de droit.

La Méditerranée doit demeurer une priorité stratégique pour l’Europe. A ceux qui s’inquiètent de l’équilibre de ses politiques entre l’Est et le Sud, ce sommet offre l’occasion de confirmer nos choix : la poursuite des engagements européens en faveur de la Méditerranée doit être assurée.

Il nous faut en premier lieu introduire une meilleure réciprocité dans la relation entre les deux rives : mettre en œuvre par exemple, dans des secteurs comme l’enseignement supérieur, l’eau ou les migrations, des modes de coopération qui s’inspirent des fonds structurels.

Nous devons être plus efficaces, introduire dans notre partenariat le concept européen de coopérations renforcées, pour que les pays les plus intéressés puissent aller de l’avant.

Enfin, nous devons préserver la spécificité et l’autonomie de l’approche européenne, ce qui n’empêche pas une concertation entre le partenariat euro-méditerranéen et les autres initiatives lancées dans la région.

Notre partenariat prendra tout son sens s’il est aussi un des lieux du dialogue et de la coopération pour traiter des problèmes qui ont empêché d’aller plus loin. L’Union doit s’investir davantage dans la recherche d’un règlement de paix au Proche-Orient.

Quels instruments pour une ambition renouvelée ?

La question institutionnelle se pose : la relance du partenariat pourrait justifier d’explorer de nouvelles pistes comme l’instauration d’un secrétariat politique paritaire ou d’un mécanisme renforcé de dialogue politique au niveau des ministres des Affaires étrangères.

Nous devons aussi réfléchir à nos instruments financiers : non seulement pour maintenir les engagements de l’Union, c’est-à-dire ne pas consacrer moins des deux tiers des ressources du nouvel instrument de voisinage à la coopération méditerranéenne, mais aussi pour mobiliser des moyens supplémentaires, en particulier pour la coopération sur les migrations. A terme s’imposera une Banque de développement dédiée à la Méditerranée. Elle pourrait, dans un premier temps, prendre la forme d’une structure filiale de la BEI, ouverte aux capitaux publics et privés du Sud.

Je préconise le renforcement de la concertation avec la société civile, notamment les entreprises et les ONG. La réunion de Luxembourg, en avril dernier, a donné le coup d’envoi au nouveau forum. Veillons à ce qu’il dispose de moyens à la mesure de son importance. Organisons, avec lui, une série de conférences associant les sociétés civiles des pays euro-méditerranéens. La France est prête à accueillir la première. Elle souhaite aussi que nous allions plus loin dans notre dialogue culturel et invite les partenaires à participer en 2006 à un "atelier culturel méditerranéen" qui rassemblera créateurs, penseurs et décideurs de nos pays.

La déclaration et le plan d’action que nous allons adopter vont marquer le renouveau de notre partenariat. Je suggère que la prochaine réunion ministérielle soit consacrée, entre autres, à l’examen des propositions institutionnelles et financières que je viens d’esquisser.

Je vous remercie.