Dans son édition du 5 décembre 2005, le Daily Telegraph, le très conservateur quotidien britannique, titre son éditorial : « Un Changement de régime en Europe est nécessaire » («  Regime change is needed in Europe »). Ce texte, publié le premier jour de la tournée européenne de la secrétaire d’État états-unienne Condoleezza Rice, réclame que Washington fasse pression sur l’Union européenne pour qu’elle se démocratise.
Partant du postulat que les États-Unis ont la volonté sincère de démocratiser le monde depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Bush, le quotidien affirme que le principal obstacle à la politique états-unienne est l’attitude européenne à l’égard des pays ciblés par Washington. Le Daily Telegraph estime que ce dédain de l’Union européenne pour la démocratie est un problème culturel des élites européennes et que Washington doit tout faire pour transformer le fonctionnement de l’UE.
Le quotidien reste flou sur les moyens à mettre en œuvre et mélange allègrement la question du manque de transparence et de démocratie dans les instances européennes et le supposé dédain de l’Union européenne pour la démocratie dans le monde. Mais la vraie question ne semble de toute façon pas être là. En affirmant que l’enjeu de la venue de Condoleezza Rice en Europe est la démocratie dans l’Union européenne ou la différence d’appréciation entre Bruxelles et Washington sur les dossiers de Cuba, de l’Iran, de l’Irak, d’Israël, de la Chine et de l’ONU, le Daily Telegraph masque sciemment le vrai sujet de controverse : la présence de centres de torture de la CIA en Europe.
Ainsi, le quotidien britannique ne mentionne pas cette affaire, révélatrice de la duplicité du discours pro-démocratique états-unien et de la soumission des pays européens, et réclame davantage d’obéissance européenne aux États-Unis au nom de grands principes largement bafoués.