Entre le 11 septembre et la révélation des abus à la prison d’Abu Ghraib, les États-Unis sont passés de l’illusion d’être un empire à la dure réalité d’une nation luttant pour retrouver son équilibre, voir son respect de soi.
Le débat actuel porte sur la légalité de la torture comme moyen d’interrogatoire, mais on oublie presque la question de son utilité pour obtenir des informations. Le débat a émergé après le 11 septembre quand Alan Dershowitz, professeur de droit à Harvard, a affirmé que la torture se justifiait quand il s’agissait d’empêcher un attentat imminent, mais à condition qu’une autorisation soit fournie auparavant. Après l’intervention en Afghanistan, les Américains ne furent pas choqués par les images des prisonniers de Guantanamo. L’annonce de prisons secrètes de la CIA partout dans le monde ne suscita pas plus d’intérêt. On estima donc que le public américain approuvait tacitement toutes méthodes qui permettraient de venger le 11 septembre ou d’en éviter un nouveau.
On estimait généralement que les militaires avaient l’habitude de ce genre d’interrogatoire et travaillaient de façon compétente, mais ce n’est pas vrai. Hormis ceux qui avaient connu le Vietnam, personne n’était formé à ça. Des questions auraient dû naître quand on a vu les images de l’interrogatoire de John Walker Lindh, le taliban, américain tant cela sentait l’amateurisme. En Irak, des interrogateurs inexpérimentés et des prestataires à la hiérarchie inconnue ont été mis sous pression pour obtenir des informations et tout a dérapé.
Les auditions du Congrès devront nous éclairer sur les responsabilités, mais il faudra aussi se demander si la torture a une autre utilité que d’infliger de la souffrance. Si ce n’est pas le cas, il faudra changer de méthode.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Torture : As Futile as It Is Brutal », par Milt Bearden, Los Angeles Times, 23 mai 2004.