Le Kremlin estime aujourd’hui que la démocratie s’est construite trop rapidement en Russie. Le gouvernement ne dit pas qu’il est contre la démocratie mais que le processus doit être retardé. Il a donc démantelé la presse indépendante et mis sous sa coupe le Parlement, les gouverneurs régionaux et le monde des affaires. En mettant fin aux contre-pouvoirs, la qualité des décisions du gouvernement a baissé de façon brutale. On a pu le constater avec la loi sur la monétisation des avantages en nature des retraités, bonne mesure en soi mais très mal menée.
S’il n’existe pas de presse indépendante capable de mettre en garde contre les erreurs, ni de parlement qui puisse faire de même, alors les erreurs finiront par se manifester dans les rues. Pour empêcher cela, le gouvernement russe ne cesse de mettre en scène dans les médias aux ordres des menaces pour la société qu’il serait seul capable d’affronter. C’est notamment le cas de la menace fasciste, instrumentalisée et liée au pouvoir. Certes, la menace du fascisme est réelle. Mais plus les gens qui refusent l’alternative fasciste se mobilisent politiquement, moins elle prend d’importance. La question la plus cruciale n’est pas la perspective du gouvernement, c’est-à-dire son désir d’instiller la peur et d’éliminer les équilibres et les contrôles de son pouvoir. Ce qui importe, ce sont les actes de ceux qui refusent le fascisme en Russie et à la place veulent simplement une Russie libre.
La bonne nouvelle est que ceux qui veulent sérieusement voir un régime fasciste en Russie sont bien moins nombreux que ce que prétend le gouvernement. Il ne faut pas nous décourager, mais nous devons être actifs et unis politiquement.

Source
Japan Times (Japon)

« Russian flirtation with the fascist threat », par Yegor Gaidar, Japan Times, 19 mai 2006.