(13 juin 2006)- La CIA était "directement responsable" des "restitutions extraordinaires", de "la saisie illégale, l’enlèvement et la détention de terroristes présumés sur le territoire des Etats membres", qui constituent des violations du droit international, indique la commission temporaire du PE chargée de l’enquête, dans son rapport intérimaire adopté ce lundi. Les députés critiquent aussi les Etats membres pour leur passivité face aux agissements de la CIA, voire leur complicité avec celle-ci.

Le rapport rédigé par Claudio FAVA (PSE, IT) a été adopté par 25 voix pour, moyennant 14 contre et 7 abstentions. Il indique que la CIA a utilisé des avions pilotés par des compagnies aériennes de premier rang pour le transfert illégal de terroristes présumés vers des pays utilisant couramment la torture pour l’interrogation des prisonniers. Les membres de la commission temporaire demandent "l’interdiction claire" de telles "restitutions extraordinaires" dans le droit international. Ils mettent en garde les Etats membres qui "pourraient être rendus responsables" d’avoir échoué à faire appliquer la Convention européenne des Droits de l’Homme. En effet, la jurisprudence montre selon eux que les pays de l’UE ont l’obligation de prévenir les violations des droits de l’homme sur leur territoire.

Prochaines étapes

Ayant "montré la nécessité de procéder à de plus amples vérifications", la commission temporaire entend poursuivre ses travaux jusqu’à l’issue de son mandat de 12 mois. Les députés se proposent d’inviter le Secrétaire-général de l’OTAN pour clarifier l’implication des troupes de la SFOR et de la KFOR dans la détention de six Bosniaques toujours détenus à Guantanamo. Le rapport demande la fermeture de ce centre de détention américain, appelant les Etats membres à "jouer un rôle pro-actif" dans la recherche d’une solution pour les détenus qui s’y trouvent.

Contrairement à celui du Conseil de l’Europe, le rapport intérimaire des députés européens ne fait pas mention explicite de centres de détention présumés en Pologne et en Roumanie. Toutefois, le président de la commission temporaire du PE, Carlos Coelho (PPE-DE, PT) a indiqué que cette question serait une "priorité" de l’enquête parlementaire pour les six prochains mois. Le rapport souligne la nécessité de "s’assurer qu’il n’y a aucune preuve que des prisons secrètes ont existé dans certains pays européens".

Les gouvernements européens sur la sellette

Il n’est "pas vraisemblable", affirment les députés européens, "que certains gouvernements européens n’aient pas été au courant des activités liées aux restitutions extraordinaires qui ont eu lieu sur leur territoire". Une telle implication ou une telle complicité est probable, ajoutent-ils, de la part des autorités italiennes dans l’enlèvement en 2003 de l’ecclésiastique égyptien Abu Omar par des agents de la CIA à Milan ; de la part des autorités bosniaques dans l’enlèvement et le transfert de six ressortissants bosniaques ou de résidents d’origine algérienne vers la Baie de Guantanamo ; et de la part des autorités suédoises qui ont expulsé les ressortissants égyptiens Mohammed Al Zary et Ahmed Agiza, pour les remettre ensuite aux mains des agents de la CIA en vue de leur transfert en Egypte. La commission "déplore la réticence des autorités de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine à confirmer que [le ressortissant allemand Khaled] El-Masri était à Skopje et a probablement été retenu ici avant sa restitution à l’Afghanistan par les agents de la CIA".

Les gouvernements nationaux sont également critiqués pour avoir sollicité "des assurances diplomatiques" contre la torture - une pratique que la commission trouve "inacceptable" et contradictoire vis-à-vis des grandes lignes de la politique de l’UE sur la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants. La commission parlementaire appelle les Etats membres de l’UE à rejeter de telles assurances à l’avenir.

La nécessité d’une action à l’échelle européenne

Dans plusieurs pays de l’UE, indique le rapport, les lois régissant les activités des services secrets semblent "inadéquates". Pour les députés, les activités des services secrets étrangers sur le territoire des Etats membres devraient être soumises à des contrôles plus efficaces ; à cet effet, "des règles de coopération devraient être établies au niveau de l’UE". Par ailleurs, la commission parlementaire estime que la coopération entre Etats membres et leurs alliés au niveau des renseignements "ne devrait pas être confondue avec l’abandon de souveraineté sur le territoire européen et l’espace aérien."

Le rapport cite aussi "des violations répétées" de la Convention de Chicago sur l’Aviation civile internationale lors des vols effectués par la CIA en Europe et souligne qu’aucun pays européen n’a fait d’efforts conséquents pour vérifier que les avions civils aient bien été utilisés dans le respect droits de l’homme. Les députés appellent la Commission européenne à harmoniser les lois nationales sur l’utilisation de l’espace aérien et des aéroports nationaux. La législation européenne actuelle, conclut la commission parlementaire, est "tout à fait inadéquate".

Source
Union européenne (Parlement européen)