La réaction du commandant du camp de Guantanamo à la découverte du suicide de trois détenus, deux Saoudiens et un Yéménite, illustre le fossé qui sépare les autorités américaines du reste du monde sur cette sinistre question. Le contre-amiral Richard Harris a qualifié les suicides d’« acte de guerre asymétrique dirigés contre nous » et Colleen Graffy, en charge de la diplomatie publique au département d’État, de « coup de pub pour attirer l’attention ».
Sans tomber dans l’angélisme face à l’indispensable combat contre le terrorisme mondial, comment faire entendre raison aux États-Unis sur cette tache noire qu’est devenue la prison de Guantanamo dans le monde démocratique ? En effet, le scandale de Guantanamo ou des prisons secrètes sert les recruteurs d’Al Qaïda qui viennent faire du prosélytisme dans nos banlieues et nos communautés musulmanes. Le camp de Guantanamo est un non-sens juridique, une violation flagrante du droit indigne d’un pays universellement admiré pour avoir érigé en système constitutionnel le respect de la règle de droit. L’administration Bush, en agissant comme elle le fait, montre un grand mépris pour la Cour suprême et montre qu’elle n’a rien retenue des erreurs historiques que furent l’internement des Japonais durant la Seconde Guerre mondiale ou l’entêtement de Thatcher face aux grévistes de la faim de l’IRA.
Les dirigeants européens doivent désormais commencer toutes leurs réunions avec les États-Unis en exigeant la fermeture de Guantanamo.

Source
Le Monde (France)

« Fermer Guantanamo », par la rédaction du Monde, Le Monde, 13 juin 2006.