Quand j’ai été libéré de la prison de Guantanamo en juillet 2004, un codétenu yéménite m’a demandé de devenir le porte-parole de tout ceux qui, comme lui, ne pouvaient pas bénéficier de l’appui d’un pays comme la France pour être libéré.
Au début de l’année 2001, j’avais 19 ans quand, stupidement, je me suis laissé convaincre par mon frère aîné de me rendre en Afghanistan pour passer ce que je croyais être des vacances de rêve. Je me suis ainsi retrouvé sans le vouloir dans un camp d’entraînement d’Al Qaïda. Après deux mois sans possibilité de le quitter, je partais pour le Pakistan. Mais, sur la route, j’apprenais les attentats du 11 septembre et la fermeture des frontières. Je me trouvais bloqué avec beaucoup de personnes qui comme moi croyaient venir trouver l’aventure en Afghanistan. Je fus arrêté quelques mois plus tard par l’armée pakistanaise et je fus livré aux Etats-Unis, puis transféré à Guantanamo.
J’y ai passé deux ans et demi et il m’est difficile de décrire les tortures que j’ai subis ; mais le pire là-bas est le désespoir. Le mois prochain, je serais jugé à Paris. Ce sera avec un avocat, face à un juge… des luxes impensables à Guantanamo. Là-bas, il y a des gens dont le jihad est la raison d’être, mais la majorité sont des innocents, prisonniers d’un système cruel qui ne punit pas les coupables et ne laisse pas sortir les innocents.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.
Le Monde (France)

« Detainees in Despair », par Mourad Benchellali, New York Times, 14 juin 2006.
« Les bonbons de Guantanamo », Le Monde, 17 juin 2006.