Alberto Gonzales
L’Attorney général des États-Unis à l’origine de la rumeur.

L’attorney général des États-Unis, M. Alberto Gonzales, a annoncé le 22 juin 2006 le démantèlement d’une cellule d’Al Qaïda dans le pays. Infiltrée par la police, elle aurait préparé un attentat de grande envergure visant à détruire le plus haut gratte-ciel du pays, la tour Sears de Chicago.

« Aujourd’hui, les menaces terroristes peuvent venir de petites cellules aux contours mal définis qui ne sont pas affiliées à Al-Qaïda, mais qui sont inspirées par un message de violence jihadiste. Et si on n’y prend garde, ces terroristes locaux peuvent se révéler aussi dangereux que des groupes comme Al-Qaïda », a commenté M. Gonzales.

« Les terroristes et terroristes présumés de Madrid, Londres et Toronto n’étaient pas des cellules dormantes envoyées sur des missions suicides. C’étaient des étudiants, des hommes d’affaires, des gens insérés dans la société. Et des gens qui, pour une raison ou une autre, ont fini par considérer leur pays comme l’ennemi », a-t-il poursuivi jettant la suscipcion sur tous les musulmans vivant dans les pays de l’Alliance atlantique.

L’information a été reprise sans aucune vérification, ni réserve, par les grandes agences de presse, puis par leurs clients, c’est-à-dire la plupart des quotidiens étrangers. Cependant, aux États-Unis mêmes, les propos de M. Gonzales ont été passés à la loupe et contestés par le FBI. Du coup la presse états-unienne s’est sentie autorisée, pour une fois, à dénoncer la supercherie.

Pour la publication spécialisée Defense Tech : « Le timing de l’opération, l’absence de menace immédiate et le fait que le Sénat des États-Unis devait, ce jour-là, voter sur le redéploiement des troupes [1], rendent l’information suspecte de propagande gouvernementale. »

Le journal états-unien de gauche Progressive Review parle lui « d’opération de propagande et de manipulation de l’opinion afin de relier la poursuite de la guerre en Irak à la protection de notre pays contre les terroristes. »

« Si les rapports de police montrent bien qu’il y a eu de la part de quelques membres du groupe des projets d’attentats énoncés sous forme d’hypothèses et de vantardise, l’analyse même sommaire des informations recueillies par la police montre clairement que le groupe de Miami n’avait en rien la capacité de réaliser des attentats et qu’il ne représentait pas une menace aussi grave que les officiels et la presse ont voulu nous le faire croire. Comme le dit le chef de la police de Chicago : leur capacité opérationnelle n’allait pas plus loin que leur grande gueule. »

Voici un rapide survol des informations publiées par la police et reprises par les médias :

Aucune connexion terroriste :

  • Le groupe n’a jamais rencontré Ousama Ben Laden ni aucune personne en relation avec lui. En fait, ce groupe n’a jamais eu le moindre contact avec une organisation considérée comme terroriste ou soutenant le terrorisme. (NY Daily News)

Aucune action terroriste commise ou planifiée :

  • « Pas d’équipement ni de plans de fabrication de bombes trouvés lors du raid. Aucune indication écrite que le groupe projetait d’en fabriquer ni qu’il avait les moyens de se procurer les ingrédients nécessaires. » (CNN.com)

  • Les seuls actes « terroristes » mentionnés par l’accusation et rapportés par les agents infiltrés dans le groupe sont le fait « d’avoir, lors d’une réunion interne du groupe, prêté allégeance à Al Qaïda et d’avoir filmé de l’extérieur les locaux du FBI à Miami ». (The New York Times)

  • Six des sept personnes arrêtées sont uniquement accusées « d’avoir servi de chauffeur au leader du groupe ou aux agents infiltrés et d’avoir assisté à des réunions entre le leader et l’agent infiltré ». Aucun n’a pris part de manière active à la discussion. (NY Times)
  • Des projets élaborés et griffonés dans un cahier, sans préparation concrète. (Chicago Sun Times)

Pour les F.B.I. et la police, il n’y avait aucune menace ni danger :

  • Le chef de la police de Chicago : « Il n’y avait pas de menace crédible. Il n’avaient pas la capacité ni l’équipement nécessaire pour s’attaquer à la tour Sears et n’avaient pas les moyens de se les procurer ». (NY Daily News)

  • Le propriétaire de la tour Sears : « La police et les experts continuent à nous assurer qu’il n’ont trouvé aucune preuve qu’il y ait jamais eu une menace crédible d’un attentat terroriste contre la tour Sears. Un des membres du groupe à mentionné que ce pourrait être un objectif, mais ce n’est pas allé plus loin, apparemment. » (Chicago Sun-Times)

  • Le porte-parole du FBI : « Ils n’avaient pas les moyens d’attaquer la tour Sears ou d’autres immeubles. Il n’y avait aucune menace, aucun danger du tout ». (Chicago Tribune)
  • Le directeur du Chicago Office of Emergency Management and Communication : « Le plan qui avait été évoqué en Floride n’est jamais allé au delà du stade d’élucubration, en conséquence personne n’a jamais été en danger. » (CBS News)

Il s’agit là d’un processus d’intoxication désormais classique : un ministre rend publique une information particulièrement inquiétante qui réveille des peurs collectives [2]. La presse s’emballe. Cependant un conflit survient entre le ministre et son administration. La presse se ravise alors. Mais les journaux étrangers qui ne suivent pas l’information en restent à la première version qui devient une vérité dans leur pays alors qu’elle est démentie sur place.

« Al Qaeda Group Was No Threat, FBI and Police », par Buzz Flash, États-Unis, 22 juin 2006.

[1À l’occasion du vote du Sénat sur le maintien des troupes en Irak, une autre intoxication, conduite par « Fox News », prétendait que les armes de destructions massives irakiennes étaient enfin découvertes.

[2À propos de l’utilisation des plus hauts responsables comme relais de campagne de communications, lire notre article Iran : les gouvernements anglo-saxons fabriquent de fausses nouvelles, par Thierry Meyssan, Voltaire, 24 mai 2006.