Vous êtes sur le point d’entrer dans le monde réel. C’est un endroit troublé et les relations internationales sont au cœur du problème. Le 11 septembre a été un événement traumatisant qui a choqué la nation, mais il n’aurait pas transformé le cours de l’histoire de façon si dramatique si George W. Bush n’avait pas répondu à cet attentat de la façon dont il l’a fait. Déclarer la guerre au terrorisme était peut-être approprié, mais uniquement si cela était resté une figure de style. Lui l’a menée littéralement et, ce faisant il nous a fait passer du statut de victime à celui de bourreau.
Cette vérité n’est pas reconnue chez nous car les victimes de la guerre au terrorisme n’étaient pas américaines. Le reste du monde ne fait pas cette distinction et il s’est retourné contre nous. J’aimerais pouvoir jeter l’opprobre sur le seul George Bush ou son équipe. Malheureusement il est soutenu par une bonne partie de l’opinion. Si cela continue, il sera réélu. Il nous faut nous interroger sur nous-mêmes pour comprendre ce qui nous pousse à nous comporter ainsi.
Nous sommes devenus un géant apeuré craignant des ennemis invisibles. En succombant à la peur, nous suivons les plans des terroristes. Etre la nation la plus puissante du monde nous donne des privilèges, mais aussi des responsabilités. Si nous voulons conserver une position dominante, nous devons prendre soin du reste du monde. Dans un monde interdépendant, il faut tenir compte des problèmes globaux. C’est pourquoi nous devons renforcer les institutions internationales.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« U.S. Must Not Become ’a Fearful Giant’ », par George Soros, Los Angeles Times, 13 juin 2004. Ce texte est adapté du discours prononcé à la School of International & Public Affairs de Columbia University lors de la remise des diplômes, le 17 mai 2004.