ZDF : Entre-temps, la situation est devenue beaucoup plus grave que l’on pouvait le prévoir. Commençons par le Proche-Orient : la situation en Terre sainte risque-t-elle de devenir incontrôlable ?

Frank-Walter Steinmeier : L’évolution des événements … suscite en nous en tout cas une profonde inquiétude. Alors qu’il y a deux semaines, nous nourrissions de l’espoir vu que les entretiens du président Abbas avec une partie du gouvernement du Hamas avaient laissé entrevoir une perspective de retour au processus de la feuille de route axé sur le rapprochement entre les territoires palestiniens et Israël, nous voilà confrontés à un changement de situation total : l’escalade a d’abord franchi un premier niveau avec l’enlèvement du soldat israélien et le deuxième niveau vient d’être franchi avec les réactions que vous avez vues hier et aujourd’hui. (C’est là) une situation qui nous place tous devant nos responsabilités et qui nous oblige à agir pour reprendre le contrôle du processus.

Question : Vous dites que vous avez le devoir d’agir. Que peuvent faire, que veulent faire l’Allemagne et les États-Unis ?

Frank-Walter Steinmeier : Comme je l’ai fait régulièrement ces derniers jours, je viens, il y a une heure, de téléphoner avec mes homologues israéliens ainsi qu’avec mon homologue égyptien … Le gouvernement égyptien s’efforce depuis plusieurs jours d’apporter des contributions permettant un retour en arrière, une désescalade. Malheureusement, les Égyptiens n’ont pas réussi non plus à faire avancer les choses. Nous devons poursuivre nos efforts et nous avons ... discuté ensemble pour savoir sur quelle partie dans la région nous devons continuer à exercer ensemble une pression. La Syrie joue dans ce contexte un certain rôle qui fait d’elle, … je pense, le seul pays à pouvoir exercer une pression sur le Hamas ... afin que le soldat qui a été enlevé à la frontière israélienne soit libéré. À mes yeux, c’est la première chose à faire et c’est un impératif. Ensuite, la prochaine étape (serait) que le Hezbollah libère les soldats enlevés. Ces deux étapes sont essentielles, je crois, si nous voulons reprendre la situation en main dans les prochains jours.

Question : Que dites-vous à nos amis israéliens ?

Frank-Walter Steinmeier : Nous disons à nos amis israéliens que nous comprenons bien que chaque pays doit rester capable de se défendre et qu’il doit absolument être défendu face à des événements tels que ceux qui viennent de se produire à deux reprises à la frontière. Nous comprenons bien qu’il faille chercher les auteurs de cet enlèvement. Mais nous leur disons également que cette recherche et cette réaction doivent se faire avec les moyens appropriés, notamment à la lumière des événements survenus au Liban ... Nous nous souvenons de la façon dont la situation a évolué là-bas au cours de ces dernières années ..., combien il a fallu d’efforts pour maintenir la cohésion de ce système politique si fragile. Nous avons le devoir d’agir pour éviter qu’une nouvelle instabilité ne s’installe. Et c’est pourquoi nous disons également à Israël qu’il doit veiller à ce que sa réaction n’entraîne pas une déstabilisation du Liban.

Question : Vous exigez des moyens appropriés. Pensez-vous que des attaques à Beyrouth soient vraiment un moyen approprié ?

Frank-Walter Steinmeier : Comme je l’ai appris aujourd’hui, ces attaques ont eu lieu suite à une information parvenue aux Israéliens et selon laquelle les soldats enlevés risquaient d’être évacués à partir de l’aéroport. Je ne peux pas savoir d’ici si ces informations étaient exactes ou non. Mais, à mes yeux, la destruction d’infrastructures ne compte pas ... parmi les moyens appropriés.

Question : Quelques mots encore à propos de l’Iran. La communauté internationale a exigé de l’Iran qu’il réponde avant le sommet de Saint-Pétersbourg aux propositions qui lui ont été soumises au terme de longues négociations. Toujours pas de réponse. L’Iran prendra son temps jusqu’au 22 août. Le président américain et la chancelière fédérale n’ont-ils pas l’impression que les mullahs les mènent en bateau ?

Frank-Walter Steinmeier : Nous avons eu hier des entretiens approfondis au niveau des ministres des Affaires étrangères à ce sujet. Nous avons pris des décisions ensemble. C’est l’essentiel en ce moment. Je pense que seul le maintien de la cohésion au sein de la communauté internationale permettra d’exercer une pression sur les dirigeants iraniens. Et cela s’imposait vu que, contrairement à ce qui avait été annoncé, l’Iran n’a pas donné de signal fiable mardi dernier lors de l’entretien entre le négociateur iranien et le Haut représentant de l’UE, Javier Solana. L’Iran savait bien que nous serions obligés alors de nous retourner vers le conseil de sécurité puisqu’il n’avait manifesté aucune volonté de faire des concessions. Les membres du conseil de sécurité vont préparer ensemble une résolution qui fera de la suspension de l’enrichissement une mesure juridiquement contraignante. Je pense que ce sera le résultat de la semaine prochaine et nous continuerons bien sûr à nous investir auprès de l’Iran en faveur d’un retour à la table des négociations. Mais, je tiens à le répéter, la décision n’appartient pas à la communauté internationale, elle appartient à l’Iran et c’est lui qui doit la prendre.

Question : ... À quel moment le gouvernement allemand exigera-t-il des sanctions contre l’Iran ?

Frank-Walter Steinmeier : Le gouvernement allemand n’a rien à exiger pour l’instant. Vous savez que les mesures qui font l’objet des négociations renferment non seulement des offres mais aussi la possibilité de prendre des sanctions. Hier, nous n’avons pas convenu de prendre des sanctions. Suite à la réunion d’hier au niveau des ministres des Affaires étrangères et à la rencontre entre les chefs de gouvernement demain, dans le cadre du sommet du G8, un nouveau délai approprié va être fixé, donnant la possibilité à l’Iran de décider s’il veut saisir l’offre qui lui est faite, l’accepter et revenir à la table des négociations pour permettre une solution par la voie diplomatique. C’est ce que j’espère et ce que nous espérons tous.

Source
Allemagne (ministère fédéral des Affaires étrangères)