Robert Young Pelton dénonce, dans le Los Angeles Times, le contrat que l’armée des Etats-Unis vient de signer avec une société de sécurité en Irak. Pour 293 millions de dollars, les 600 hommes d’Aegis devront superviser le travail de 20 000 mercenaires, issus d’une kyrielle d’entreprises différentes. Or, Aegis n’est autre que la nouvelle société de l’ex-colonel des Scots Guards, Timothy Spicer, une personnalité controversée, impliquée dans des affaires de trafic d’armes et des bavures. Si l’espace accordé par le quotidien ne permet pas à Pelton de donner plus de détails, celui-ci a publié, il y a six mois, un ouvrage documenté où il aborde le cas Spicer. Ancien porte-parole des forces de l’ONU en Bosnie, Spicer créa la société Sandline qui fut chargée, en 1998, par le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée de mettre fin à la rébellion du Front de libération de Bougainville. Spicer conclut un accord avec les mercenaires sud-africains d’Executive Outcomes. Il déploya des hélicoptères d’attaque contre des populations primitivement armées et pratiqua l’assassinat ciblé de leurs chefs. Loin de résoudre le problème, son intervention décupla la violence, provoquant en réaction la mutinerie des forces régulières du pays. Ce précédent sinistre aurait dû alerter le Pentagone : quelles seront les conséquences des initiatives de Spicer en Irak ?
Autre aspect de la gestion militaire catastrophique des crises : Edward Girardet, spécialiste de l’action humanitaire en Afghanistan, alerte les lecteurs du Christian Science Monitor sur la dégradation de la situation dans ce pays. Cinq travailleurs de Médecin sans frontières ont été tués, probablement par les hommes de Gulbbudin Hekmatyar. Et celui-ci pourrait bientôt contrôler la majeure partie du pays. Il faut donc déployer plus de troupes (de l’OTAN) sur place pour rétablir la paix. Selon une technique classique, cet article comprend plusieurs affirmations dérangeantes, qui manifestent d’apparentes qualités de courage et de sincérité. Mais il profite de l’effet créé pour fausser quelques données. Premièrement, il est faux que les associations humanitaires en général et MSF en particulier, soient neutres dans ce conflit. Ainsi, Médecins sans frontières est intervenu, dès 1984, avec un financement de la NED/CIA et a servi (consciemment ou non ce n’est pas le problème) de couverture pour des actions US secrètes. Deuxièmement, ce n’est pas le vide créé par le départ de l’armée rouge qui a conduit les Talibans au pouvoir. Ceux-ci ont été choisis par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite et installés techniquement par le Pakistan. Washington ne les a laissé tomber que lorsque Bill Clinton a sollicité les voix des féministes pour sa réélection. Troisièmement Hekmatyar ne surgit pas du néant. Dans les multiples rebondissements de l’histoire afghane, il a plusieurs fois été l’allié des Occidentaux, et pas seulement il y a vingt ans.

Joel Mowbray de la National Review prend la défense de Paul Wolfowitz dans le Washington Times. La rumeur accuse le numéro 2 du Pentagone d’être complice d’Ahmed Chalabi dans l’affaire d’espionnage au profit de l’Iran. Le New York Times a prétendu mensongèrement que ses collaborateurs avaient été soumis au détecteur de mensonge. Bref, en cette période d’élection présidentielle, et à partir d’une information douteuse (nul ne sait s’il y a eu vraiment espionnage), toutes les factions de Washington règlent leurs comptes les unes contre les autres. Pour notre part, nous émettons l’hypothèse que si des informations ont effectivement été transmises à l’Iran, ce n’est pas pour obtenir son aide en Irak, mais pour l’aider à se défendre et détourner le bellicisme états-unien vers l’Arabie saoudite.

L’ancien conseiller national de sécurité, Brent Scowcroft, s’inquiète dans le Washington Post du programme nucléaire iranien. Selon lui, il faut s’assurer que l’Iran ne puisse pas développer de bombe en lui interdisant de fabriquer le combustible et de conserver les déchets. Et il faut faire de même avec le Brésil. L’exposé semble logique, mais il ne résiste pas à l’analyse : aujourd’hui les techniques nucléaires sont toutes duales, elles peuvent toutes avoir des applications à la fois civiles et militaires. Les exigences US reviennent à interdire aux pays émergents de se doter d’une industrie nucléaire qui leur fournisse l’énergie nécessaire à leur développement économique. Depuis le sommet du G8, la lutte contre la prolifération de la bombe devient à l’évidence un moyen pour maintenir la suprématie économique des Grands.
Les quatre ministres britanniques et français des Affaires étrangères et de l’Environnement plaident dans Le Monde pour une application stricte du Protocole de Kyoto. Selon eux, la lutte contre le réchauffement climatique doit être une priorité pour tous. Les deux pays s’engagent dans cette voie. Toutefois cette analyse devra être complétée en intégrant les données sur l’épuisement des énergies fossiles et sur le recours au nucléaire.

Enfin, Vaclav Havel déplore, dans une tribune publiée simultanément dans le New York Times et l’International Herald Tribune, l’évolution du Zimbabwe. Selon l’International Crisis Goup de George Soros, le président Robert Mugabe a détruit toute vie démocratique tout en maintenant les apparences d’institutions démocratiques. Le pays s’enfonce dans la violence et dans la pauvreté. Pour valider son analyse, M. Havel se targue d’avoir renversé pacifiquement le totalitarisme en République tchèque et compare la situation actuelle du Zimbabwe, où Mugabe installe un pouvoir noir, avec celle de l’Afrique du Sud de l’apartheid. Le procédé est grossier : outre que la « révolution de velours » tchèque n’a de révolution que le nom, on ne peut certainement pas assimiler le régime de Mugabe à un apartheid noir. Cet amalgame vise à évacuer une autre dimension du problème : la réforme agraire par confiscation des grands domaines (détenus par des Blancs) et redistribution aux pauvres (massivement Noirs).