L’année dernière, quand un tribunal pour les crimes de guerre en Sierra Leone a inculpé Charles Taylor pour avoir ravagé le Sierra Leone, mon pays, cela a suscité un immense espoir en Afrique occidentale. Cependant, l’échec de la communauté internationale à mettre en pratique cette inculpation a fait disparaître cet espoir et Taylor demeure une menace.
Après avoir combattu pour prendre le pouvoir au Libéria, Taylor a joué un rôle central dans la guerre de 11 ans qui a touché mon pays, via son soutien à un mouvement rebelle brutal. Taylor a pris possession des mines de diamants pour s’enrichir avec ses hommes de main. Ils ont exploité les enfants pour en faire des soldats, ont pratiqué des amputations de masse et ont été responsables de viols et de mutilations de nombreuses femmes. Le Sierra Leone a demandé l’aide de l’ONU pour juger les hauts responsables de ces méfaits et cela a conduit à la création d’un tribunal international.
Taylor avait pour habitude de briser les accords de paix et de relancer les processus quand il était en difficulté pour se donner le temps de réorganiser ses troupes, cette fois ci, l’inculpation par ce tribunal l’a empêché de mener sa stratégie habituelle. Malheureusement, plutôt que d’être envoyé en Sierra Leone, les diplomates ont négocié son départ pour le Nigeria. Sans surprise, il tente de regagner le pouvoir depuis cette base arrière d’où il encourage ses partisans aux actions violentes. Comme trop souvent dans la région, le droit est ignoré et le Nigeria accueille Taylor en violation de ses propres lois d’asile. Si on ne juge pas Taylor, les dirigeants africains conserveront un sentiment d’impunité.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Flouting the Rule of Law », par Zainab Bangura, Washington Post, 25 juin 2004.