Il y a 40 ans lors de la crise des missiles de Cuba, un émissaire états-unien fut envoyé auprès de Charles De Gaule pour lui demander le soutien de la France. Quand le diplomate voulut lui montrer les preuves de la menace cubaine, le président français lui répondit que c’était inutile et que la parole du président états-unien lui suffisait. Aujourd’hui, plus aucun pays ne ferait confiance aux États-Unis si Washington dénonçait un pays comme possédant des armes de destruction massive et menaçant sa sécurité. Les exagérations de l’administration Bush ont sapé notre crédibilité et nous ont isolé. Ainsi, lors des deux derniers votes de l’ONU sur le Proche-Orient, nous nous sommes retrouvés à voter dans le même sens que les seuls Israël, îles Marshall et la Micronésie contre le reste du monde, y compris nos alliés.
Les États-Unis n’ont jamais été aussi puissants. Pourtant nous n’avons jamais été autant isolés politiquement. Cela est dû au fait que depuis le 11 septembre, les États-Unis sont engagés dans une politique étrangère extrémiste et paranoïaque. Il est temps de nous demander si une puissance mondiale peut assurer la direction globale sur la base de la peur et de l’anxiété. L’administration Bush a défini une politique simpliste de « guerre au terrorisme » alors que le terrorisme n’est qu’un moyen de tuer, pas un ennemi.
Les démocrates doivent donc défendre un projet de politique étrangère alternatif fondé sur la nuance, la modération et la discussion avec nos alliés européens. Il faut soutenir l’expansion de l’Union européenne, les réformes démocratiques en Russie et le processus de paix israélo-palestinien. Il nous faut gagner en Irak et cela passe par une internationalisation de la présence étrangère dans le pays et par un transfert du pouvoir à une autorité irakienne souveraine. Concernant la doctrine des frappes préventives, il faut la réévaluer et ne plus exécuter de telles frappes que lorsque nous disposons de certitudes. C’est à ce prix que les autres pays nous ferons à nouveau confiance.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Another American Casualty : Credibility », par Zbigniew Brzezinski, Washington Post, 12 novembre 2004.