La conséquence principale de la victoire d’Hugo Chavez sera d’amorcer, de manière purement formelle, une réconciliation nationale, mais ce résultat accélérera le processus de radicalisation de son projet de révolution. Des mesures répressives contre l’opposition sont à prévoir, particulièrement dans les services publics. La censure exercée sur la presse devrait également être accrue : les chaînes de télévision privées ayant fourni un espace de parole aux « anti-Chavez » seront les plus touchées. Le président consacrera donc les deux dernières années de son mandat à neutraliser les vestiges de l’opposition pour garantir sa réélection en 2006, des élections qui auront sans doute lieu dans un climat de peur et de menace pour empêcher l’opposition de s’organiser.
Jusqu’à présent, la Coordination démocratique (le parti d’opposition) est restée unie face à Chavez, mais il s’agit de son seul dénominateur commun. Faute de pouvoir prouver la fraude lors du référendum, l’opposition doit se concentrer sur les élections de 2006 en choisissant un candidat unique et en rédigeant un programme convaincant auquel les Vénézuéliens pourront s’identifier. Lorsque le soutien à M. Chavez s’estimait à 30%, il y a de cela un an, ce dernier a déclenché son initiative de « missions sociales », prélevant 1,7 milliard de dollars sur les bénéfices nationaux provenant du pétrole, pour subventionner la Sécurité sociale, l’éducation, ainsi qu’un programme de repas chauds pour les plus pauvres. Bien qu’étant fiscalement irresponsable et économiquement insoutenable, cette initiative a permis de récolter les votes nécessaires lors du référendum.
En l’absence de preuves de fraude, l’Organisation des États américains (OEA) et le Carter Center ont dû admettre la victoire de Chavez, mais cela ne veut pas dire que la mission de l’OEA s’arrête ici. En septembre, Miguel Angel Rodriguez sera investi secrétaire général de l’OEA pour cinq ans. Il faut que le Venezuela reste l’une de ses priorités et il doit veiller à ce que M. Chavez respecte ses obligations au regard de la charte démocratique des Amériques, signée le 11 septembre 2001, qui protège les droits fondamentaux des citoyens. La victoire de Chavez sonne un réveil douloureux pour de nombreux États de la région et surtout pour les pays du Pacte Andin. En effet, les tensions sur la frontière Venezuela-Colombie persistent et les déclarations de Chavez, soutenant les FARC colombiens, constituent un contentieux majeur entre les deux pays dont les dirigeants sont idéologiquement opposés. Leurs relations ne vont guère s’améliorer de sitôt. Fidel Castro doit être le dirigeant le plus satisfait du résultat dans l’hémisphère ouest.
Bien qu’insatisfait des résultats du référendum, et malgré des tensions persistantes, Washington doit être soulagé par la perspective d’une stabilité politique au Venezuela jusqu’en 2006. En effet, 14% des ressources pétrolières du Venezuela sont destinées aux États-Unis et le Venezuela doit nécessairement accéder aux raffineries américaines pour convertir son pétrole brut et négocier avec les investisseurs étrangers pour demeurer compétitif. Après des années de guerres et de violences politique, le modèle démocratique prévaut actuellement dans toutes les Amériques, à l’exception de Cuba. Cet exploit doit être préservé et confirmé. Or, cela n’est possible que si l’on lutte contre une corruption endémique pour réduire les sévères inégalités sociales, affermir les fondements de l’État de droit, et s’approprier les mécanismes des institutions qui lui sont inhérentes, et ce à travers toutes les Amériques.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Chavez, Bush et le pétrole », par Marco Vicenzino, Le Figaro, 25 août 2004.