Pour l’actuelle génération de soldats américains, Abu Ghraib est en train de devenir ce que le massacre de My Lai fut pour la génération qui a combattu au Vietnam : un épisode horrible de mauvaise conduite qui aboutit à une crise morale de l’armée. Il est intéressant de comparer les deux épisodes pour éviter que l’intégrité de nos troupes s’érode davantage. Les similarités entre My Lai et Abu Ghraib commencent avec le fait que dans les deux cas, il s’agit d’un groupe de soldat, et pas d’un seul individu, qui viole non seulement la loi mais les principes de la décence humaine. Chacun des deux épisodes a été d’abord caché par les officiers avant que les faits ne soient connus à cause des scrupules d’un militaire. Chaque fois, quand les affaires ont éclaté, le Pentagone a d’abord nié avant de limiter les dégâts en se concentrant sur quelques boucs émissaires.
La différence entre les deux évènements est que les enquêtes sur Abu Ghraib ont évité la mise en cause de la responsabilité de l’état-major, et tant que les hauts gradés ne reconnaîtront pas leurs responsabilités, la situation morale empirera. Pour My Lai, seul le lieutenant Casey avait été condamné, mais beaucoup de ses supérieurs étaient passés en cour martiale et avaient vu leur carrière brisée. Cette affaire avait rappelé à l’armée sa responsabilité, et sans responsabilité, l’armée va vers l’indiscipline, le déshonneur et la défaite.
Nous devons réaffirmer les valeurs de notre armée et reconnaître les faits à Abu Ghraib.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Military Must Squarely Face New ’My Lai’ », par Andrew J. Bacevich, Los Angeles Times, 31 août 2004.