Parfois, les méchants jouent notre jeu et c’est probablement pour cela que Rumsfeld et les tenants de la ligne dure ont dû apprécier les tests de missiles nord-coréens en 1998. Mais que se passe-t-il si les méchants changent d’attitude ?
Il y a six ans, Kim Jong Il, pour impressionner la Corée du Sud et le Japon a exigé de ses ingénieurs qu’ils conçoivent un missile capable d’aller dans l’espace. Ce ne fut pas un grand succès, mais les néo-conservateurs utilisèrent cet événement pour donner une nouvelle vie au programme antimissiles états-unien. Le concept de ce programme est né durant la Guerre froide, mais il s’est vite heurté à des difficultés financières et techniques. Ronald Reagan le relança sous le nom d’Initiative de défense stratégique, plus connu sous le sobriquet de « programme Star Wars », mais la disparition du principal ennemi de la Guerre froide a obligé ses partisans à réorienter leur rhétorique en mettant en avant la menace des États voyous. De 1983 à 1999, le programme a coûté 60 milliards de dollars, sans résultats.
En 1998, Rumsfeld a dirigé une commission du Congrès sur la défense antimissiles. Une fois devenu secrétaire à la Défense, il a fait du programme antimissiles une priorité . Le budget qui lui sera alloué l’année prochaine est de dix milliards de dollars, ce qui en fait le plus gros programme du Pentagone. En juillet, les premières batteries de missiles ont été installées en Alaska bien que, en mars, 49 anciens généraux et amiraux états-uniens aient demandé officiellement au président George W. Bush d’allouer les fonds prévus à ce programme à la sécurisation des installations nucléaires dans le monde ou à la défense de la patrie. Aujourd’hui, ce programme est plus une question de croyance que de logique et ce d’autant plus que les missiles nord-coréens ne resteront sans doute jamais que des menaces. La Corée du Nord agit pour survivre, pas pour attaquer qui que ce soit.
Bush et Rumsfeld veulent dépenser 40 milliards de dollars sur cinq ans pour construire un système qui a une chance sur mille d’abattre un missile qui a une chance sur mille d’être tiré.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« N. Korea Is Immune to ’Star Wars’ », par Frank Gibney, Los Angeles Times, 5 septembre 2004.