Suite à la tragédie de Beslan, et comme l’a annoncé le président Vladimir Poutine, le ministère des Affaires étrangères va développer des liens dans la lutte antiterroriste avec le reste du monde. Cela commence par la mise en conformité de la législation nationale avec les conventions antiterroristes internationales pour tous. Nous allons également mettre en conformité les structures de maintien de l’ordre et tout l’appareil de l’État avec les standards internationaux. Aujourd’hui la Russie préside le Comité antiterroriste international et elle a été l’un des initiateurs des réformes de ce comité, visant à en élargir sa capacité d’action au plus vite et de détecter les maillons faibles du réseau antiterroriste : si un pays ne possède pas les ressources nécessaires, il faut l’aider, s’il ne veut pas coopérer, il faut le sanctionner. Des maillons faibles existent bien, mais ils ne correspondent pas aux pays désignés comme faisant partie de l’« Axe du Mal », lesquels apportent régulièrement leurs informations au Comité.
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont une politique de deux poids de mesures face au terrorisme car dans ces pays, la politique est encore dirigée par des personnes qui ont connu la Guerre froide et qui, contrairement à nous, ne parviennent pas à se libérer des vieux stéréotypes. L’asile accordé par ces pays à des personnes liées au terrorisme remet sérieusement en cause l’unité de la coalition antiterroriste. Dans ces pays, ils diffusent une propagande qui laisse penser que le pouvoir russe est responsable de la tragédie. Il faut leur retirer leur statut de réfugié politique et les extrader. On ne peut pas les laisser continuer à soutenir le terrorisme sans en avoir l’air. Nous considérons que les terroristes n’ont pas de morale, pas de culture, pas de religion, le fait qu’il y ait des arabes dans les bandes terroristes ne changera donc pas la politique de la Russie au Proche-Orient. Au Caucase, nous espérons une normalisation de nos relations avec la Géorgie, pour l’instant sabotées par les Géorgiens, afin de mieux combattre le terrorisme. La Géorgie est d’ailleurs dans l’obligation de le faire, conformément à une décision du Conseil de sécurité de l’ONU.
Il ne faut pas tout confondre et ne pas désigner sous l’appellation de « terroristes » tous les combattants. Ainsi en Irak, les forces qui s’attaquent aux militaires sont des résistants. Seuls ceux qui s’attaquent aux civils sont des terroristes, terroristes qui n’existaient pas en Irak avant l’occupation d’ailleurs. Pour un groupe comme le Hamas, c’est plus compliqué et je laisse la justice se prononcer, comme pour ce qui est ou non du terrorisme d’État. La question palestinienne n’est pas une affaire intérieure israélienne, c’est un conflit qui est observé par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Nous avons reçu le soutien des pays arabes après Beslan et notamment de l’Arabie saoudite, un pays qui souffre d’actes terroristes, que les terroristes veulent déstabiliser et qui a interdit tout soutien aux terroristes, notamment aux Tchétchènes. Nous nous sommes adressés au Conseil de sécurité de l’ONU le 1er septembre, comme l’ont fait tous les pays qui souffrent d’une telle attaque, y compris les États-Unis le 11 septembre, mais ce n’est pas une demande d’internationalisation de la crise au Caucase. Nous sommes pour l’internationalisation de la lutte contre le terrorisme, mais pas de la situation dans la République de Tchétchénie.
Nous avons de nombreux ennemis, mais je ne les énumèrerai pas parce que je ne veux soupçonner personne à l’avance. Il faut se souvenir que le monde actuel est assez brutal. Chacun veut écraser ses concurrents sur le plan économique et veut s’entourer de ressources énergétiques qui lui suffiront pour longtemps. Et parmi ceux-là, il y en a qui veulent écraser la Russie. Nous ne répondrons pas à cela par la confrontation. Nous allons simplement renforcer notre unité, et je suis convaincu que l’acte terroriste de Beslan, s’il avait pour but de jeter la discorde entre les orthodoxes, les musulmans, entre les différents groupes de Russie, provoquera exactement le contraire.

Source
Vremya Novostyey (Fédération de Russie)

« Interview de Sergueï V. Lavrov », Vremya Novostyey, 9 septembre 2004. Ce texte est adapté d’une interview.