Une des spécificités de la campagne présidentielle de cette année a été l’absence de débat sérieux entre George W. Bush et John Kerry sur l’Irak jusqu’à il y a peu. M. Kerry ayant été distancé dans les sondages, il a commencé à s’en prendre à M. Bush concernant l’insurrection en Irak et il a affirmé que s’il était élu les États-Unis ne resteraient pas plus de quatre ans dans le pays. Donner une date butoir est un mauvais signal envoyé à nos alliés et à nos ennemis, tout comme l’est la proposition d’internationaliser les forces en Irak.
Il faut cependant admettre que l’administration Bush a échoué, mais le débat électoral doit porter sur les solutions pour les États-Unis, pas sur les reproches. Tous ceux qui pensent que le plan initial pour rendre sa souveraineté à l’Irak va fonctionner vivent dans un monde imaginaire. Le premier problème est celui de la sécurité. Iyad Allaoui fait face à une double insurrection à Nadjaf et à Faloudja et ne contrôle plus cette dernière ville qui est devenue un refuge pour les terroristes. Ainsi, en envahissant l’Irak et en gérant mal l’après-guerre, les États-Unis ont recréé ce qu’ils avaient détruit en Afghanistan. Autre problème, tout aussi grave : l’État ne dispose pas du monopole de la violence légitime. Les partis gardent leurs milices et il n’arrive pas à recruter des troupes qui pourraient pousser les partis à cesser de se protéger avec les milices.
Si, compte tenu de la situation, les élections sont repoussées, le prochain président des États-Unis devra faire face à un choix critique : continuer à chercher un État irakien centralisé ou bien partager le pouvoir avec les Kurdes et les chiites. Les plans de séparation de l’Irak sont mauvais, mais, sans parler d’indépendance, on peut envisager une large autonomie pour les parties kurdes et chiites. C’est une solution qui soulève des problèmes dans les zones où les populations sont mélangées et qui nécessite d’abandonner un Irak centralisé, mais cela renforcera les forces modérées.
La priorité est la destruction du nouvel Afghanistan qui s’est formé en Irak à cause d’une mauvaise politique.

Source
Financial Times (Royaume-Uni)

« America’s next president will need to rethink Iraq », par Francis Fukuyama, Financial Times, 14 septembre 2004.