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L’Iran s’apprête à exécuter plusieurs homosexuels
Par Pascal Riché (Rue89)

Simplement parce qu’ils sont homosexuels, plusieurs hommes pourraient de nouveau être pendus prochainement en Iran. Dans une indifférence internationale quasi générale.

Mardi, le porte-parole du pouvoir judiciaire iranien, Alireza Jamshidi, a annoncé la mort "dans les prochaines semaines" de vingt personnes accusées de "crimes immoraux", terme sous lequel le régime amalgame viols, blasphèmes, adultères et homosexualité.

Une quinzaine des vingt personnes auraient été arrêtées pendant l’opération de "moralisation" engagée par la police en mai dernier dans les quartiers les plus pauvres de Téhéran.

Selon le correspondant de l’agence de presse italienne AKI, Ahmad Rafat, cité par le magazine homosexuel français Têtu, l’accusation de « lavaat » (homosexualité masculine) concernerait six des vingt personnes. La direction de Têtu a alerté le Quai d’Orsay, qui répond que ses services "cherchent à obtenir des précisions".

Il y a deux ans, à Mashad, deux adolescents avaient été pendus pour homosexualité. L’un était encore mineur. Il y a une semaine encore, dans le nord-ouest du pays, un homme a été lapidé pour adultère. Le chef du pouvoir judiciaire avait pourtant officiellement suspendu la peine de mort par lapidation.

REMARQUES

La peine de mort est une barbarie. La falsification d’informations aussi lorsqu’elle prépare l’opinion publique à la barbarie de la guerre.

1) Contrairement à ce qu’indique la dépêche, aucune des personnes condamnées à mort en Iran ne l’est « simplement parce qu’elle est homosexuelle ».

2) Ahmad Rafat est un journaliste né en Iran, mais ayant presque toujours vécu en Allemagne et en Italie. Il travaille principalement pour les émissions en persan de Radio Free Europe/Radio Liberty, la station du départment d’État des États-Unis.

3) Les personnes condamnées à mort le sont pour des crimes pédophiles qui seraient sanctionnés identiquement au Texas par exemple. Dans tous les cas, il s’agit de viols sur mineurs avec violences aggravées.

4) Les deux jeunes gens suppliciés le 19 juillet 2005 à Mashad, Ayaz Marhoni et Mahmoud Asgari, l’ont été non pas pour une amourette entre adolescents, mais pour viol en réunion sur un mineur de 13 ans. Cette sentence a été critiquée dans le pays. L’avocate et prix Nobel Shirin Ebadi, par exemple, l’a vivement dénoncée.

5) L’homme lapidé pour adultère la semaine dernière l’a été par un tribunal local, dans un district sunnite, en violation de la loi fédérale iranienne, laquelle prohibe la lapidation depuis 2002. C’est la première fois depuis le moratoire de 2001 qu’une lapidation est pratiquée et c’est un scandale national. Le ministère fédéral de la Justice est intervenu pour empêcher la lapidation de la femme adultère et a ouvert une enquête qui devrait déboucher sur la mise en accusation des juges locaux pour meurtre. Rappelons que l’Iran est un pays décentralisé où les lois sont appliquées de manière très différentes selon les régions.

6) La lapidation est une sinistre sanction traditionnelle de certaines régions sunnites. Elle n’existe pas dans le chiisme et n’a donc aucun rapport avec ce que l’on nomme péjorativement le « régime des mollahs » qui y est opposé.

7) L’auteur de l’article, Pascal Riché, rédacteur en chef de Rue 89, est ancien correspondant de Libération à Washington. Il est connu pour son blog À l’heure américaine, panégyrique de l’Oncle Sam. Le lecteur l’avait deviné.

Ce n’est pas la première fois que des rumeurs sont répandues pour stigmatiser l’Iran. Le 25 octobre 2004, l’écrivain français Élisabeth Badinter publiait dans Le Nouvel observateur, un appel, bientôt repris par l’association Ni putes, ni soumises de l’actuelle secrétaire d’État Fadela Amara « pour sauver Jila » : une jeune iranienne de 13 ans condamnée à la lapidation après avoir déjà reçu 55 coups de fouet. Vérifications faites, le ministère français des Affaires étrangères, chargé de transmettre des protestations officielles, avait annoncé lors des points de presse des 9 et 19 novembre 2004 que Madame Badinter se trompait et avait relayé une pure intox.

Au fait, Élisabeth Badinter continue à administrer l’agence Publicis dont le Pentagone était à l’époque de son appel un des principaux clients. Après la mobilisation ratée des féministes dans la croisade de George W. Bush, voici donc venu le moment d’essayer avec les gays.