À force de présenter la petite chanson des « relations publiques » du gouvernement états-unien comme la vérité historique sans la confronter aux faits, la presse dominante finit inévitablement par se contredire elle-même, en plus de contredire la réalité.
Dans leur édition respective du 21 juillet 2007, les deux plus grands quotidiens français, le Figaro et Le Monde, proposaient chacun une variation sur le thème de la torture, dont le seul point commun est l’absence d’exigence journalistique.

La Maison-Blanche a partiellement publié, le 20 juillet 2007, le décret présidentiel 13440 (Executive Order) relatif à l’interprétation de la Convention de Genève dans le cadre des détentions et interrogatoires effectués par la CIA. Après avoir confirmé qu’à ses yeux les membres d’Al-Qaïda, des Talibans et forces associées ne sont pas des combattants réguliers et ne peuvent donc bénéficier de la Convention de Genève, le président Bush ordonne néanmoins que la CIA leur applique l’article 3 de ladite convention, c’est-à-dire renonce à les torturer. Il poursuit en approuvant un nouveau manuel d’interrogatoire qui prohibe les actes réprimés par le Code pénal et le Code militaire états-unien, néanmoins il interdit la publication de ce manuel.

De ces contorsions, il ressort que les agents de la CIA poursuivront leurs interrogatoires dans le plus grand secret et seront seuls juges des méthodes qu’ils peuvent et doivent employer et que, simultanément, ils ne pourront pas faire l’objet de poursuites pénales ou militaires pour des faits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, car ces faits étant secrets ne pourront être établis, ni jugés. Une rhétorique en tous points identique à celle des nazis assurant respecter les conventions internationales, mais effaçant leurs prisonniers dans « la nuit et le brouillard » (Nacht und Nebel).

Face à ce document orwellien, Le Figaro trébuche dès le sous-titre : « Les services secrets américains devront respecter la convention de Genève ». Mais par définition, si ces services sont secrets, c’est pour ne pas avoir à respecter les Conventions internationales.
De son côté, Le Monde titre : « M. Bush prolonge le programme de détentions secrètes de la CIA », ce qui implique que la CIA n’est pas soumise à la Convention de Genève qui exige la communication de l’identité des prisonniers et l’autorisation de visites des délégués de la Croix-rouge.

Dans les deux cas, les quotidiens français cherchent avec complaisance à minimiser la question de la torture, sinon à l’évacuer complètement. Nous sommes priés de croire que bien que les États-Unis déploient une grande énergie à détenir et à interroger en secret des prisonniers, ils n’ont rien à cacher ni aucune raison de recourir au secret.