Présentation de l’Institut Felsenegg

L’Institut Felsenegg a été fondé par le soussigné en 1998 dans le but de favoriser la liberté de pensée. Tout d’abord, son activité consistait à prendre position – en dehors des partis politiques – sur l’actualité politique. Des personnes intéressées recevaient à cette fin les « lettres de Felsenegg ». Une ou deux fois par année était organisée – c’est toujours le cas – une réunion avec conférence et déjeuner.

Comme le Mouvement pour l’indépendance, fondé en 2003, a repris les missions politiques de l’Institut, celui-ci s’est tourné vers l’application du droit constitutionnel et du droit procédural. Il offre dans ce domaine un service de conseil et d’assistance. Il travaille bénévolement et ne répond pas à des commandes. Quant aux séminaires qu’il organise, les frais en sont partagés entre les participants.

Appréciation de la question des fusions

1. L’article 20, alinéas 1 à 3 de la Constitution de la République et canton du Tessin du 14 décembre 1997, dans la version adoptée par la votation populaire du 25 septembre 2005 ainsi que par le Conseil national et le Conseil des Etats les 9 et 12 juin 2006 (titre : Fusione e divisione dei Comuni) dit ceci :
I Comuni non possono fondersi con altri Comuni o dividersi senza il consenso dei loro cittadini e l’approvazione del Gran Consiglio.
II Cantone favorisce la fusione dei Co­muni.
III Gran Consiglio pu decidere la fusione e la separazione dei Comuni, alle condizioni previste dalla legge.
L’alinéa 4, qui traite des rectifications de frontières et du remembrement, ne nous intéresse pas ici.

2. Il résulte de ce texte :
 que toute fusion ou division de communes dépend fondamentalement de la volonté des citoyens des communes concernées (alinéa 1, première partie) ;
 que les fusions ou divisions de communes doivent être adoptées par le Grand Conseil du canton du Tessin (alinéa 1, deuxième partie) ;
 que le canton du Tessin doit encourager les fusions de communes (alinéa 2) ;
 que les conditions d’une décision du Grand Conseil sur une fusion ou une division de communes doivent être fixées par la loi (alinéa 3). Le Grand Conseil doit préalablement établir, en tant que condition constitutionnelle, le « consenso dei loro cittadini », l’approbation des citoyens selon l’alinéa 1. Faute de quoi il ne peut pas prendre de décision.

3. Ignorant la décision à ce sujet, le soussigné ne comprend pas comment le Tribunal fédéral a pu faire de ce qui est prescrit à l’alinéa 1 une simple votation consultative (dont le résultat n’est pas à prendre en considération). Cela ne veut pas dire que les votations consultatives soient exclues. Elles peuvent être utiles pour influencer la poursuite ou l’abandon d’un processus de fusion ou de division. Mais si la question d’une fusion ou d’une division est soumise aux citoyens sans que soit indiqué son caractère consultatif, leur décision négative équivaut au refus du « consenso » selon l’article 20-1 de la Constitution cantonale. Il va de soi qu’une telle décision, juridiquement contraignante, doit être prise dans le cadre d’une votation populaire – indépendamment de ce que le canton du Tessin prévoit en ce qui concerne les votations consultatives – et ne peut être contournée par un vote consultatif de quelconques participants. Dans la mesure où elle est conforme à la Constitution suisse et au droit international (c’est bien le cas ici), le résultat de la votation populaire doit être respecté également par le Tribunal fédéral.

4. Certaines constitutions cantonales prévoient la fusion forcée, par exemple ­celles des cantons de St. Gall du 10 juin 2001 (article 99-2b) et du canton du Valais du 8 mars 1907 (article 26- 3), mais elles sont contraires à l’esprit libéral de la Confédération. Elles violent la Constitution du 18 avril 1999 dont l’article 23 stipule ce qui suit :

Liberté d’association
 La liberté d’association est garantie.
• Toute personne a le droit de créer des associations, d’y adhérer ou d’y appartenir et de participer aux activités associatives.
 Nul ne peut être contraint d’adhérer à une association ou d’y appartenir.

Le terme « nul » inclut les personnes juridiques et parmi elles celles de droit public, donc également les communes. Même si l’article 20 de la Constitution tessinoise le prévoyait, le Grand Conseil tessinois ne pourrait forcer aucune commune à fusionner, ne serait-ce qu’avec une ou deux autres communes.

5. On peut objecter qu’une fusion de communes ne mène pas à une association au sens de l’article 23-3 de la Constitution fédérale mais tout simplement à une nouvelle structure qui remplace l’ancienne. Mais si une personne juridique de droit public, et en particulier une commune, ne peut être forcée à adhérer à une association (sous réserve de la fondation de syndicats de communes qui ne touchent pas à l’existence d’une commune), elle ne peut a fortiori être contrainte de renoncer à exister.

6. Dans le cas présent, il s’agit en plus de deux communes très différentes : la ville de Lugano, intéressée par la fusion, avec ses 50 000 habitants, sa capacité économique et par conséquent son influence politique et la petite commune de Cadro qui compte quelques centaines d’habitants et n’a ni capacité économique ni influence politique. La Constitution fédérale du 18 avril 2003 envisage également cette situation dans le dernier paragraphe du préambule :

[…] Sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres, […].
La Constitution fédérale ne permet donc pas qu’une ville s’étende à son gré au détriment de communes voisines désireuses et capables de fonctionner indépendamment mais qui ont la malchance de se trouver dans ses environs et d’être par conséquent menacées de disparition. Pour revenir à l’exemple du canton du Tessin, l’article 20-2 de la Constitution cantonale précise certes que le canton favorise les fusions (dans la mesure où les habitants des communes autonomes ne s’y opposent pas) mais il ne dit pas qu’il favorise l’urbanisation du canton.

Source
Horizons et débats (Suisse)