Récemment quand Human Rights Watch a publié deux rapports d’enquête sur la guerre d’Israël contre le Liban, à l’été 2006, le New York Times a rendu compte en détail de celui qui détaillait les crimes de guerre commis par le Hezbollah, tout en faisant l’impasse sur l’autre rapport, qui détaillait les crimes de guerre commis par Israël.

Il est rare d’avoir l’occasion de tester aussi clairement l’intégrité journalistique d’un journal qui se veut « de référence ». L’organisation de défense de droits de l’homme a mené deux enquêtes sur les attaques commises par le Hezbollah et sur celles commises par Israël, accusant chaque camp d’avoir violé le droit international en ciblant de manière délibérée la population civile. Quand le premier rapport est paru, le New York Times lui a consacré un article de 800 mots, le 31 août 2007, sous le titre « Un groupe de défense des droits de l’homme accuse le Hezbollah d’avoir ciblé de manière délibérée des civils lors de la guerre avec Israël », accompagné d’une photo de civils israéliens vivant sous la menace des roquettes du Hezbollah.

Mais quand Human Rights Watch a publié son rapport accusant Israël, l’intérêt du journal a considérablement décru. Il s’est contenté de reproduire une brève six fois plus courte, de l’Associated Press (9/7/07), sans photo, et intitulée : « Israël est critiqué pour les morts au Liban ».

D’un point de vue de l’intérêt journalistique, rien ne justifiait ce traitement de l’information. Les accusations contre le Hezbollah formulées par Human Rights Watch n’avaient rien de neuf, elles avaient été énoncées par toute la presse lors de la guerre de 2006 Par contre le rapport consacré à Israël apportait de nouvelles informations au débat —notamment en invalidant un des principaux arguments des supporters d’Israël affirmant que les morts civils au Liban sont avant tout la faute du Hezbollah qui s’en est servi comme d’un bouclier pour lancer ses attaques et implantait ses bases de lancement de roquettes dans des zones densément peuplées. L’enquête sur le terrain menée par Human Rights Watch n’a pas permis de prouver cette affirmation, comme le directeur de Human Rights Watch l’a encore confirmé au micro de Democracy Now ! (9/6/07), « L’accusation formulée par le gouvernement israélien comme quoi le nombre important de morts civiles au Liban est du au fait que le Hezbollah se servait de la population comme d’un bouclier s’est avérée totalement fausse ».

Le New York Times fait également totalement sur la disproportion des victimes des deux côtés. Selon Human Rights Watch les attaques israéliennes ont causé la mort d’environ 900 civils libanais (sur environ 1 200 victimes libanaises de cette guerre), tandis que les attaques du Hezbollah ont causé la mort de 43 civils israéliens et 80 soldats israéliens. Au vu de ce traitement journalistique il est difficile de ne pas se demander si, pour le New York Times, les vies libanaises valent 30 fois moins que les vies israéliennes.

Ce n’est pas la première fois que le New York Times apporte son soutien à la stratégie militaire israélienne au Liban. L’an dernier déjà le quotidien avait fait sa une avec un rapport d’un groupe de recherche militaire israélien qui justifiait les bombardement israéliens de zones civiles. Le New York Times écrivait alors que les attaques contre les civils libanais étaient justifiées étant donné que « le Hezbollah tire ses roquettes depuis des zones civiles —ce qui constitue déjà un crime de guerre— et transforme donc ces zones civiles en cibles légitimes ».

L’enquête menée au Liban par Human Rights Watch contredit directement cet argument. Considérant l’intérêt du New York Times pour les crimes de guerre commis par le Hezbollah, il est révélateur que ce journal « objectif » ait choisi de faire l’impasse sur les conclusions de cette enquête.

Source : Media Watch