La guerre qui a été déclarée aux États-Unis le 11 septembre 2001 est complexe. Elle est engagée dans la durée et il est difficile pour les États-Unis, cueillis à froid, de trouver la bonne politique. Les États-Unis ont dû s’atteler à une redéfinition de leur rôle dans le monde et au changement qui en résulte. Ils sont nés comme une nation « désenchevêtrée » des affaires de l’Europe, puis sont devenus une puissance ascendante, puis une superpuissance face à une autre, pour être aujourd’hui en position de puissance suprême sans pareille dans l’histoire.
Si Bush est réélu, son administration approfondira une nouvelle doctrine stratégique qui va dans le droit fil de la politique américaine de Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson, F. D. Roosevelt... La novation attribuée aux « néoconservateurs » n’est qu’une continuité. S’il faut inventer les moyens et les méthodes de la guerre contre l’islamo-fascisme - nom véritable de la « guerre contre le terrorisme » -, l’histoire des États-Unis a noué des fils directeurs.
Mais de quelle guerre s’agit-il ? Si le terrorisme qui a frappé Manhattan et Washington est l’expression de griefs et doléances plus ou moins légitimes du monde arabo-musulman, si pour prévenir le terrorisme il faut satisfaire ces griefs et doléances, s’il est des circonstances où ces méthodes sont justifiées et si le terrorisme est le fait de groupes volatils sans liens avec des États, alors George W. Bush a eu tort de renverser le régime des talibans, de pourchasser Ben Laden, de s’attaquer à Saddam Hussein et de peser sur le monde arabo-musulman pour que celui-ci coupe le cordon ombilical qui le relie au terrorisme. Mais le bilan des États de la région en matière de terrorisme est accablant : en Syrie, les groupes terroristes ont pignon sur rue ; en Irak, des terroristes comme Abu Nidal ou Abou Abbas avaient leur refuge et les familles des kamikazes des financements. En Arabie saoudite, des téléthons sont organisés pour financer les groupes terroristes palestiniens ; au Liban le syndicat du crime iranien, connu sous le nom de Hezbollah, est un État dans l’État ; en Égypte l’islamo-terrorisme est réprimé dans les frontières, mais encouragé quand il frappe Israël. Téhéran a fait de l’assassinat, à l’intérieur et à l’extérieur, une véritable industrie. La Libye depuis trente ans est l’arsenal du pire terrorisme d’État ; le Soudan en fut un temps un centre régional, de même que l’Algérie de la Sécurité militaire.
Les faits sont là, tous le savent et il a fallu attendre le 12 septembre 2001 pour qu’enfin un dirigeant occidental agisse. Bush a fait des erreurs, mais ni plus ni moins que Churchill ou Roosevelt au début de la Seconde Guerre mondiale ou certains dirigeants durant la Guerre froide. L’enjeu fondamental de l’élection présidentielle américaine du 2 novembre, c’est celui qui oppose « le candidat du 10 septembre », John Kerry, cramponné aux béatitudes de l’avant 2001, à George W. Bush, « candidat du 12 septembre » qui, lui, sait être en guerre. En appeler au multilatéralisme émasculé que représente l’ONU est une faribole : demandez aux Rwandais... ou aux Irakiens. Parler de « droit international » quand la haute bureaucratie de l’ONU et son chef Kofi Annan se sont faits sciemment et non sans vénalité les complices de Saddam Hussein dans le détournement de plus de 10 milliards de dollars du programme « Pétrole contre nourriture », est d’un abominable cynisme. Passer avec les ayatollahs extrémistes des accords que l’Iran s’empresse de violer, mais qui lui permettent de gagner du temps, c’est préparer à terme de terribles catastrophes.
Bush n’a pas ouvert la boîte de Pandore, elle l’était déjà.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Bush ou l’obligation d’intervenir », par Laurent Murawiec, Le Figaro, 5 octobre 2004.