Tendances et événements au proche-Orient

De nombreux spécialistes et commentateurs estiment que l’évocation par le président George Bush d’une Troisième Guerre mondiale dans le cadre de ses propos sur le programme nucléaire iranien, vise à accentuer la pression à travers l’intimidation. Il s’agit d’une réaction à la visite couronnée de succès du président russe Vladimir Poutine à Téhéran, qui s’accompagne d’informations véhiculées par les marchés du pétrole sur la mise en place de véritables partenariats entre la Russie, certaines républiques asiatiques de la Caspienne, la Syrie et la Turquie. Une telle alliance modifiera profondément la carte géopolitique ainsi que les rapports de forces, et compromettra les plans états-uniens visant à mettre la main sur les sources énergétiques et les projets de gazoducs géants planifiés ou en cours d’exécution. Les experts soulignent, à cet égard, le projet de gazoduc qui part d’Iran, traverse la Turquie et aboutit sur le littoral méditerranéen en Syrie. Le volume des échanges commerciaux entre Téhéran et Moscou, qui vont atteindre les 200 milliards de dollars ces dix prochaines années, est un autre signe renforçant la thèse de la constitution de cet axe.
La visite du président syrien Bachar al-Assad en Turquie ne peut être séparée de ce contexte, pensent les analystes. Les deux pays ont décidé de renforcer leurs relations bilatérales à tous les niveaux, et ce rapprochement ne peut être vu en dehors du contexte de la nouvelle stratégie russe qui commence à prendre forme au Moyen-Orient.
L’hystérie états-unienne s’explique par le fait que de nouvelles réalités pétrolières, économiques et stratégiques, en contradiction avec le plan de remodelage du Moyen-Orient de l’Administration Bush, sont en train d’être consacrées. Selon des informations sûres, la visite de la secrétaire d’État Condoleezza Rice à Moscou a suffit pour que George Bush comprenne qu’une nouvelle Guerre froide a débuté et qu’il sera difficile de l’éviter.

Presse et agences internationales

• Si l’Iran parvenait à acquérir l’arme atomique, le monde serait confronté à la menace d’une Troisième Guerre mondiale, a déclaré le président George Bush. La veille, le président russe Vladimir Poutine, qui refuse de durcir sa position vis-à-vis de l’Iran en dépit des demandes répétées des pays occidentaux, a affirmé lors d’une visite à Téhéran que Moscou n’accepterait aucune attaque contre la République islamique.
Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, le président Bush a souhaité que son homologue russe lui fasse un compte-rendu de ses entretiens à Téhéran et a précisé qu’il lui demanderait des éclaircissements sur les propos qu’il a tenus récemment au sujet des ambitions nucléaires de l’Iran.
Vladimir Poutine a déclaré la semaine dernière que la Russie, qui aide Téhéran à construire sa première centrale nucléaire, « partait du principe » que l’Iran n’avait aucunement l’intention de développer une bombe atomique, mais il a ajouté qu’il souhaitait, tout comme la communauté internationale, que ses programmes nucléaires « soient aussi transparents que possible ».
« Ce qui m’intéresse, c’est de savoir s’il continue ou non d’avoir les mêmes inquiétudes que moi », a dit Bush. « Lorsque nous étions en Australie (en septembre), il m’a redit qu’il estimait qu’il n’était pas dans l’intérêt du monde que l’Iran ait la capacité de fabriquer une arme nucléaire », a-t-il ajouté.
Le président états-unien est favorable à l’adoption d’un troisième train de sanctions à l’Onu contre Téhéran. Moscou, qui détient un droit de veto au Conseil de sécurité, a voté les deux premières séries de sanctions mais est hostile à de nouvelles mesures.
« Nous avons un dirigeant en Iran qui a annoncé qu’il voulait détruire Israël », a souligné Bush. « Donc j’ai dit aux gens que, s’ils voulaient éviter une Troisième Guerre mondiale, il semble qu’ils devraient se demander comment les empêcher d’acquérir les connaissances nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire », a dit Bush, dans un souci apparent de durcir le ton contre Téhéran pour convaincre la communauté internationale de s’opposer aux ambitions nucléaires iranienne.
Selon des responsables iraniens cités par l’agence officielle iranienne Irna, le négociateur iranien en chef sur le dossier du nucléaire a déclaré que Poutine avait délivré « un message spécial » aux autorités iraniennes lors de sa visite à Téhéran. Ce message porterait notamment sur le programme nucléaire iranien, mais aucun autre détail n’a été communiqué.

• L’ancien secrétaire d’État US Colin Powell, en visite en Corée du Sud, a exprimé mercredi son espoir d’une solution pacifique et diplomatique du problème du nucléaire iranien. « Je pense que nous pouvons résoudre ça diplomatiquement », a déclaré l’ancien secrétaire d’État —en poste de 2001 à 2005, sous George Bush— lors d’un discours au Forum de Séoul. Il a cependant observé que Téhéran semblait déterminé à développer un programme nucléaire et peut-être des armes nucléaires. Ces propos de Colin Powell interviennent au lendemain d’une mise en garde à peine voilée du président russe Vladimir Poutine contre toute attaque contre l’Iran.

• La dernière tournée de quatre jours de la secrétaire d’État Condoleezza Rice au Proche-Orient s’est achevée sans le moindre signe de progrès et la date exacte à laquelle se tiendra la conférence de paix conoquée par George Bush n’a toujours pas été arrêtée. Le président palestinien Mahmoud Abbas a prévenu Rice qu’il n’était pas prêt à y assister « à tout prix ». « Nous avons dit à la secrétaire d’État que nous ne disposions pas de beaucoup de temps, que nous devions mettre chaque minute à profit », a-t-il ajouté. Lors d’une conférence de presse en compagnie de son homologue israélienne, Tzipi Livni, la secrétaire d’État s’est engagée à faire en sorte que la conférence, prévue à Annapolis, dans le Maryland, apporte des progrès substantiels. « Nous ne nous attendons pas à ce que quiconque y participe à tout prix, pas même nous », a-t-il souligné. Rice est revenue dimanche au Proche-Orient pour aider Abbas et le Premier ministre israélien Ehud Olmert à mettre au point un document conjoint susceptible de servir de base de travail à cette réunion. Ce texte doit couvrir les principaux contentieux entre les deux parties —frontières du futur État palestinien, statut de Jérusalem et sort des réfugiés de 1948— mais Olmert veut qu’il soit rédigé en termes généraux tandis qu’Abbas insiste pour qu’il précise la marche à suivre pour parvenir à un règlement final. « Nous sommes au début d’un processus », a reconnu Rice, qui a dit être tournée vers le lendemain de la conférence. « Si nous travaillons d’arrache pied à ce processus, à résoudre ces questions, je pense que nous avons une chance raisonnable d’avancer dans le projet coexistence pacifique de deux États libres », a-t-elle ajouté. La secrétaire d’État, qui compte revenir dans la région d’ici quelques semaines, a souligné qu’elle était résolue à consacrer le maximum de son temps et « la dernière once de son énergie » aux préparatifs de la conférence.

• Une motion autorisant pour un an le gouvernement turc de Recep Tayyip Erdogan à entrer, si nécessaire, en Irak pour frapper les bases rebelles kurdes a reçu un aval massif. Seuls 19 élus du parti pro-kurde DTP (Parti pour une société démocratique) ont voté contre la motion, alors que les 507 autres députés présents votaient pour. Le vice-Premier ministre Cemil Ciçek, qui a défendu le texte, a insisté sur le fait que toute intervention aurait pour unique cible le PKK, qui lutte depuis 1984 contre le pouvoir central turc, un conflit qui a fait plus de 37 000 morts. Le texte précise que la date et l’ampleur des opérations seront déterminées par le gouvernement et que les incursions ne viseront que « la région du Nord et les zones adjacentes », où se trouvent quelque 3 500 hommes armés du PKK, selon les autorités. Pour tenter d’apaiser la tension entre Ankara et Bagdad, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a téléphoné à son homologue turc peu avant l’ouverture de la séance au Parlement, a rapporté l’agence de presse turque Anatolie.
M. Maliki s’est dit « absolument déterminé à mettre un terme aux activités et à l’existence du PKK sur le territoire irakien » et indiqué avoir donné des « instructions précises » à ce sujet à l’administration de la région autonome kurde du nord de l’Irak.
Depuis Paris, où il se trouvait mercredi, le président irakien Jalal Talabani, un Kurde, a espéré que la Turquie n’interviendrait pas militairement. Le Kurdistan irakien a mis en garde Ankara contre une incursion militaire dans le nord de l’Irak qui risque « de détruire la stabilité de la région ». Le président George Bush a pressé la Turquie de ne pas mener d’incursions dans le Kurdistan irakien. « Nous disons de manière très claire à la Turquie que nous ne pensons pas qu’il soit dans leur intérêt d’envoyer des troupes en Irak », a déclaré M. Bush au cours d’une conférence de presse à la Maison-Blanche. M. Erdogan a mis en garde Bagdad et les factions kurdes du nord de l’Irak, les appelant à agir contre le PKK ou à subir les conséquences d’une offensive. Le président syrien, Bachar al-Assad, en visite à Ankara, a de son côté apporté un précieux soutien à la Turquie. « Nous appuyons les décisions qui sont à l’ordre du jour du gouvernement turc en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et les activités terroristes », a-t-il dit à la presse.

• Les autorités chinoises ont déclaré mercredi que la remise au dalaï-lama de la Médaille d’or du Congrès des États-Unis était une « farce » et ont exhorté le chef spirituel des Tibétains à renoncer à ses rêves d’indépendance. Le dalaï-lama, qui vit en exil en Inde depuis l’échec du soulèvement contre Pékin en 1959, a été reçu mardi pendant une demi-heure par le président George Bush à la Maison-Blanche. Il n’a pas eu droit aux honneurs du Bureau ovale, mais il a en revanche reçu la médaille d’or du Congrès, plus haute distinction civile états-unienne, en présence de Bush. Cette cérémonie a marqué la première apparition publique d’un président US en exercice avec le dalaï-lama, considéré par le gouvernement chinois comme un traître et un séparatiste. « Le protagoniste de cette farce est le dalaï-lama », a dénoncé Ye Xiaowen, directeur général de l’Administration chinoise des affaires religieuses, en marge du congrès du Parti communiste chinois. Sans citer nommément George Bush, le responsable chinois a souligné que ceux qui apportaient leur aide au dalaï-lama étaient des chrétiens et a conseillé aux États-Unis de ne pas faire à autrui ce qu’ils n’aimeraient pas qu’on leur fasse.

AL-WATAN (QUOTIDIEN SAOUDIEN)
Il n’est pas nouveau que la Turquie s’éloigne de la politique de Washington et prend ses décisions indépendamment des intérêts des Etats-Unis. Les prémices de cette orientation turque sont apparues en 2003 avec l’invasion anglo-saxonne de l’Irak et le refus d’Ankara de permettre aux troupes US d’utiliser son territoire comme base de départ. Ces divergences se sont accentuées lorsque le gouvernement du Parti justice et développement de Recep Tayyep Erdogan, a exprimé une franche opposition à la politique états-unienne en Irak. Le problème entre les deux pays a atteint son pic avec le projet du sénat US de considérer les massacres des Arméniens à la fin de l’empire ottoman comme un « génocide », et l’opposition de Washington à toute incursion turque dans le nord de l’Irak. À cet égard, un haut responsable états-unien a averti que l’Irak défendra sa souveraineté s’il est attaqué par la Turquie.
Bien qu’empêtrés dans deux guerres sans fin en Irak et en Afghanistan, les États-Unis n’ont pas renforcé leurs alliés, mais au contraire, ils les ont provoqués. Tel est le cas avec la Russie à cause du projet du bouclier antimissiles. .

Tendances et événements au Liban

Les informations sur les entretiens qu’a eu une délégation militaire états-unienne au Liban font état de données dangereuses portant sur des plans du Pentagone concernant le déploiement US au Moyen-Orient et dans la région du bassin méditerranéen.
Des milieux journalistiques et politiques révèlent l’existence d’un plan visant à construire une base US au Liban-Nord . Celle-ci s’étendrait du camp de Nahr al-Bared, près de Tripoli, à la localité de Halba et inclurait l’aéroport militaire de Kléat. On comprend mieux à présent les objectifs de la guerre de Nahr al-Bared qui s’est terminée par la destruction quasi-totale du camp. Au programme de la visite de la délégation, conduite par Eric Edelman, l’adjoint aux affaires politiques du secrétaire à la Défense Robert Gates, figure une inspection de la région concernée. Ce projet sera mis en œuvre sous couvert de l’établissement d’un centre d’entraînement et de formation pour l’armée libanaise.
La délégation états-unienne a évoqué avec ses interlocuteurs d’une manière éhontée la nécessité de changer radicalement la doctrine militaire de l’armée libanaise. L’objectif étant de supprimer toute mention à « l’ennemi israélien » dans la littérature de l’armée. Cela ne peut pas réussir sans écarter de la tête de l’institution militaire le général Michel Sleimane et son équipe et le renvoi de milliers d’officiers et de soldats qui croient dur comme fer à la relation entre l’armée et la Résistance.
C’est dans l’optique de ce projet d’une importance stratégique que l’administration Bush traite le dossier de la présidentielle libanaise. Elle appuiera le candidat qui s’engage à mettre en œuvre ce plan. C’est pour cela que Washington n’a toujours pas exprimé clairement son attitude à l’égard de l’échéance présidentielle.

Presse libanaise

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Washington propose l’envoi à Beyrouth d’un groupe d’observateurs internationaux pour garantir l’élection d’un nouveau président de la République. Pour sa part, Walid Joumblatt, en visite aux États-Unis, a demandé au vice-président états-unien d’appuyer le Liban « par tous les moyens ». De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a repris les contacts avec la Syrie au cours d’un appel téléphonique avec le ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem.

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION
Le président de la République, Emile Lahoud, a assuré que l’option qu’il se réserve en cas de non-élection d’un président consensuel n’est pas la formation d’un second gouvernement. Le chef de l’État a appelé les Libanais à s’entendre entre eux pour préserver l’unité du pays.

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
La séance du 23 octobre ne verra pas l’élection d’un président de la République. Le président du Parlement, Nabih Berri, s’apprête à convoquer une nouvelle séance le 2 novembre. Mais la coalition au pouvoir semble déterminée à élire un président à la majorité simple.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.